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Le choix de ne pas avoir d’enfant

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En l’état actuel du droit, la liberté de refuser la procréation naturelle peut s’exercer par divers moyens : la contraception et le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).


A. LE DROIT À LA CONTRACEPTION

L’accès à la contraception a longtemps été considéré sous l’angle d’impératifs d’ordre public en matière de démographie. A l’idée initiale de lutte contre la surpopulation, la contraception est aujourd’hui considérée comme une prérogative individuelle, moyen de libération de la personne en général et de la femme en particulier. Parmi les méthodes contraceptives autorisées, la législation de la stérilisation à visée contraceptive fera l’objet d’une lecture attentive, notamment concernant son recours pour les personnes en situation de handicap.


I. La reconnaissance d’un droit à la contraception

En France, il a fallu attendre la loi dite « Neuwirth » du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances(1) pour que soit posé le principe d’un droit à la contraception et à l’information sur les méthodes contraceptives. La vente des contraceptifs reste limitée aux officines de pharmacie, sur prescription médicale. Les plannings familiaux ne pouvaient les délivrer et la publicité était interdite. Enfin, la délivrance de contraceptifs à des mineurs était subordonnée à l’autorisation écrite de l’un des parents.
Avec la loi du 4 décembre 1974(2) portant diverses dispositions relatives à la régulation des naissances, le cadre légal s’est assoupli. Les centres de planification familiale peuvent dorénavant délivrer des contraceptifs à titre gratuit aux mineurs qui souhaitent garder le secret. Les traitements et dispositifs délivrés par ordonnance sont, eux, remboursés par la sécurité sociale. En 1987, afin de répondre aux nécessités de la lutte contre le sida, les dispositions de 1920 qui interdisaient la publicité et la propagande pour les préservatifs ont été abrogées(3). Par ailleurs, la loi du 13 décembre 2000 sur la contraception d’urgence(4) a posé une exception à l’obligation de prescription médicale de la « pilule du lendemain » qui peut désormais être délivrée à titre gratuit par l’infirmière scolaire (par conséquent même à une mineure) ou dans les pharmacies. La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception(5) a notamment permis la prescription et la délivrance de contraceptifs aux mineurs, même sans le consentement des parents. L’objectif de la loi était de faire baisser le nombre d’IVG, en particulier chez les mineures. Un décret du 26 mai 2016(6), pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, a simplifié les conditions de délivrance de la contraception d’urgence par l’infirmier scolaire. Désormais, lors de l’entretien avec l’élève précédant l’administration du contraceptif d’urgence, il doit seulement s’assurer que la situation correspond à un cas d’urgence. Cependant, dans les établissements sociaux et médico-sociaux qui accueille des mineures (IME, ITEP,…), les infirmiers de l’établissement n’ont donc pas le droit de délivrer un tel contraceptif d’urgence : ils doivent les orienter vers un médecin, un pharmacien ou un centre de planification et d’éducation familiale (CPEF) qui pourront leur délivrer gratuitement et anonymement. En revanche, l’infirmier de l’établissement peut renouveler une prescription de contraceptif datant de moins de un an, pour une durée maximale de six mois (C. santé. publ., art. L. 4311-1 al. 4).


II. Le cas spécifique de la stérilisation à visée contraceptive

La stérilisation à visée contraceptive est une intervention physique visant à empêcher de manière irréversible la procréation, sans atteinte à la production hormonale. Elle s’effectue notamment chez la femme, par ligature des trompes, et chez les hommes, par ligature des canaux déférents. Elle s’est peu à peu développée dans le monde ; dans certains pays, c’est même la méthode de contraception la plus fréquente. Depuis 2001, elle est autorisée en France dans des cas précis.


L’évolution française du droit sur la stérilisation à visée contraceptive

En France, aucune loi n’avait autorisé la stérilisation volontaire, mais aucune loi ne l’avait non plus interdite. C’est une jurisprudence de la Cour de cassation qui fixa l’état du droit pour de très nombreuses années. En 1937, dans une affaire dite des « stérilisées ou des stérilisateurs de Bordeaux », la Cour de cassation décida que, dans le cas de stérilisations pratiquées sans aucune nécessité médicale, le consentement des patients n’empêchait pas la constitution de l’infraction(7). A noter qu’en l’espèce, il s’agissait de vasectomies sur des hommes pleinement consentants, pratiquées par un coiffeur. L’homme fut condamné pour coups et blessures volontaires commis avec préméditation.
Depuis, la Cour de cassation a régulièrement rappelé que la ligature des trompes pratiquée en dehors de toute nécessité thérapeutique et à des fins strictement contraceptives constituait une atteinte à l’intégrité du corps humain, atteinte prohibée par l’article 16-3 du code civil(8). Seule la stérilisation thérapeutique était autorisée(9). En 1994, le Sénat rejeta un amendement tendant à voir consacrer le droit pour toute femme « de se faire ligaturer les trompes à une fin contraceptive »(10). En 1998, la Cour de cassation, saisie pour avis, confirma la seule licéité de la stérilisation justifiée par une nécessité thérapeutique(11).
Les décisions judiciaires restaient rares au regard du nombre estimé de stérilisations contraceptives : environ 22 000, selon les estimations de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 1998(12). L’essentiel du contentieux se situait au niveau civil, de la part de patientes qui attaquaient leur médecin pour obtenir des dommages-intérêts en cas d’échec de la ligature des trompes et de la survenance d’une nouvelle grossesse.
Pourtant, l’absence de contentieux pénal ne signifiait pas la légalisation de la pratique.
Si la plupart des stérilisations contraceptives étaient réalisées de façon volontaire, cette technique aurait également été largement utilisée comme mode de contrôle de la procréation des personnes handicapées mentales, selon un avis de 1996 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)(13). Pratiquées de façon « souterraine », celles-ci auraient eu lieu à la demande de tiers, à l’insu des intéressées, et concerneraient majoritairement des femmes vulnérables. Les débats ont été vifs pour savoir s’il fallait renforcer l’interdiction et la répression de la stérilisation des personnes handicapées mentales ou s’il fallait la légaliser afin de mieux pouvoir l’encadrer. C’est ce second choix qu’a fait le législateur. Il a en cela suivi le CCNE, qui admettait que la stérilisation puisse être un moyen de contraception nécessaire et adapté permettant de protéger la santé de la personne concernée ainsi que celle de l’enfant à naître(14). La volonté du législateur a été d’autoriser cette pratique en 2001 afin de mieux l’encadrer.
La loi du 4 juillet 2001 prévoit la possibilité de ligature des trompes ou des canaux déférents à des fins contraceptives dans deux cas : l’un volontaire, l’autre non mais toujours relativement à des personnes majeures.
Dans le premier cas, la stérilisation ne peut être pratiquée que sur une personne majeure ayant « exprimé une volonté libre, motivée et délibérée, en considération d’une information claire et complète sur ses conséquences » (C. santé. publ., art. L. 2123-1, al. 1er). L’intervention a lieu dans un établissement de santé, après un délai de réflexion de quatre mois (après la première consultation médicale) et avec une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir l’intervention. A noter qu’un médecin peut refuser de pratiquer une telle intervention, mais il doit alors prévenir la patiente dès la première consultation. On notera que la stérilisation n’est pas envisagée pour des raisons médicales, en prévention de risques obstétricaux ou pour les femmes atteintes d’affection contre-indiquant définitivement la grossesse. Il s’agit d’une intervention médicale purement contraceptive, de convenance.
Dans le second cas, la stérilisation concerne (C. santé. publ., art. L. 2123-2, al. 1er) :
  • les personnes majeures dont l’altération des facultés mentales constitue un handicap ;
  • les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle ;
  • lorsqu’il existe « une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement ».
Ces trois conditions sont cumulatives.
L’intervention est subordonnée a une décision du juge des tutelles saisi par la personne concernée, ses parents ou son représentant légal. Le juge a l’obligation d’entendre le majeur protégé et, s’il est apte à exprimer son consentement, il doit être systématiquement recherché et pris en compte. Interpréter a contrario, cela signifie que si la personne n’est pas apte à exprimer sa volonté, le juge pourra décider lui-même de rechercher ou non le consentement. S’il décide de ne pas le rechercher et autorise la pratique de l’opération de stérilisation, on sera face à un cas de stérilisation forcée, légale certes, mais forcée puisque non consentie. Cependant, avant l’adoption de la loi de 2001, l’IGAS avait rappelé que « les exceptions au principe de consentement, comme toute exception à un principe fondamental, ne peuvent résulter que d’une disposition législative d’une interprétation stricte »(15). Dans tous les cas, lorsque la personne manifeste devant le juge la volonté de refuser l’intervention ou révoque son consentement, il ne peut être passé outre (C. santé. publ., art. L. 2123-2, al. 3 in fine).
Le juge doit également entendre les parents de la personne ou son représentant légal et toute personne dont l’audition lui paraît utile : on songe évidemment aux professionnels qui accompagnent la personne. On rappellera utilement qu’être entendu ne signifie pas que son opinion prévaut : dans tous les cas, c’est le juge qui décidera d’autoriser ou non l’opération.
La loi a également prévu un garde-fou qui devrait éviter que des familles ou des professionnels décident à la place des personnes concernées : avant de prendre sa décision, le juge doit recueillir l’avis d’un comité régional d’experts (C. santé. publ., art. L. 2123-2, al. 5). Ce comité est composé de trois médecins (gynécologues-obstétriciens et psychiatre) et de deux représentants d’associations de personnes handicapées (C. santé. publ., art. R. 2123-2). Ils sont désignés pour trois ans par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). Si cet avis n’est que consultatif et ne lie pas le juge, nul doute qu’il sera pris en considération par le magistrat.
La loi autorise la pratique de la stérilisation dans deux cas précis, alternatifs : soit il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception, soit il y a une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. En se référant à une contre-indication médicale absolue, la loi pose une garantie certaine : la stérilisation ne peut être pratiquée que si aucun autre mode de contraception ne peut être utilisé sans avoir des conséquences néfastes certaines sur la santé de l’intéressée. Cette condition semble ainsi objectivée par le fait qu’elle doit reposer sur une évaluation médicale. Pour la seconde branche de l’alternative, il s’agit de démontrer qu’il y a une impossibilité à mettre en oeuvre efficacement un autre moyen de contraception. Avec les moyens actuels de contraception ne nécessitant plus de prise quotidienne (tels les implants), il semble que cette condition soit devenue inopérante.
Le comité d’experts consulté par le juge peut procéder à toutes consultations et examens permettant de l’éclairer. Il doit auditionner la personne concernée et s’assurer qu’une information adaptée à son niveau de compréhension lui a été délivrée. Il vérifie qu’il existe bien une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception. Dans le cas où l’opération est demandée pour des raisons d’impossibilité de mise en oeuvre efficace des moyens de contraception, le comité doit vérifier que des solutions alternatives à la stérilisation ont bien été recherchées. Il doit également évaluer les risques d’effets secondaires graves de l’intervention sur les plans physique ou psychique (C. santé. publ., art. R. 2123-6).
Les conséquences de la stérilisation d’une personne vulnérable, au-delà du risque médical inhérent à tout acte chirurgical invasif, peuvent être difficilement mesurées, en particulier les conséquences psychologiques. Contrairement à ce qui était avancé à la fin de années 1990 sur le fait que ces femmes n’avaient pas conscience de la portée de l’acte, voire y étaient insensibles, les enquêtes réalisées avant l’adoption de la loi ont montré que la stérilisation pouvait aggraver de façon considérable l’état de santé de l’intéressée(16) et qu’elle était toujours vécue comme une violence, parfois comme une mort ; la stérilisation de ces femmes constituant un frein à leur intégration sociale et professionnelle et à leur insertion dans la société(17).
En 2000, la justice avait été saisie par une association (l’association de défense des handicapées de l’Yonne-ADHY) des cas de cinq jeunes femmes handicapées mentales, qui avaient subi à leur insu entre 1995 et 1998 des opérations de ligatures des trompes à visée contraceptive. Elles travaillaient à l’époque dans un centre d’aide par le travail (CAT) de Sens. Un non-lieu avait été prononcé en 2006 par le TGI de Sens, confirmé par la cour d’appel de Paris en 2007 et la Cour de cassation en 2008. Saisie à son tour, la Cour européenne des droits de l’Homme déclara la requête irrecevable en raison d’un délai de recours non respecté(18). Au-delà des questions procédurales qui ont conduit au rejet des demandes, on relèvera que les juridictions de fond (juge d’instruction puis chambre de l’instruction) ont considéré que l’infraction de violence sur personnes vulnérables n’était pas constituée notamment parce que « l’intention des médecins d’agir dans le seul intérêt des patientes n’apparaissait pas discutable » (ordonnance de non-lieu du TGI de Sens, 3 avril 2006), « eu égard à une impossibilité avérée de mettre en oeuvre efficacement les méthodes de contraception, que les stérilisations tubaires pratiquées, dans un but contraceptif, (...) paraissent fondées d’un point de vue médical ; (…) d’autre part, l’extrême difficulté, voire l’impossibilité, pour les personnes dont les facultés mentales sont fortement diminuées, comme en l’espèce, d’assumer leur rôle parental vis-à-vis de leurs enfants éventuels, que l’intention des docteurs B. et M. d’agir dans le seul intérêt [des requérantes], n’apparaît pas sérieusement discutable » (chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 12 mars 2007). On s’étonnera que la cour d’appel vise ainsi l’article L. 2123-2 du code de la santé publique qui fût adopté postérieurement aux faits litigieux. Et plus encore, on s’interrogera sur la façon dont les médecins ont évalué l’impossibilité pour les cinq patientes « d’assumer leur rôle parental vis-à-vis de leurs enfants éventuels », alors même qu’elles n’étaient pas averties de la nature des opérations que l’on pratiquait sur elles.


B. LE RECOURS À L’IVG

L’avortement a été longtemps interdit en France avant d’être autorisé dans les années 1970. Depuis, il existe deux cas d’interruption de grossesse, ouverts tant aux mineures qu’aux majeures protégées.


I. Les cas actuels d’interruption volontaire de grossesse

Il est aujourd’hui possible de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour des motifs médicaux ou pour des motifs non médicaux, avant la douzième semaine de grossesse.

a. L’interruption volontaire médicale de grossesse

Avant la loi de 1975, l’avortement était possible uniquement lorsque la vie de la femme était mise en danger par la poursuite de la grossesse (avortements dits « thérapeutiques »). La loi de 1975 a élargi les cas dans lesquels une interruption thérapeutique de grossesse peut être pratiquée : la santé de la femme est en jeu (et non plus sa vie) ou l’enfant à naître est atteint d’une maladie incurable. Avec la loi du 7 juillet 2001, on parle désormais d’« interruption de grossesse pratiquée pour motif médical » (IMG), « soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (C. santé. publ., art. L. 2213-1, al. 1er). Elle peut être pratiquée « à toute époque », c’est-à-dire même lorsque le terme de la grossesse est très avancé. Hors les cas d’urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider de poursuivre ou d’interrompre sa grossesse (C. santé. publ., art. L. 2213-1, al. 4).
Lorsque l’IMG est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, le motif médical doit être attesté au terme d’une procédure collégiale. Une équipe pluridisciplinaire rend d’abord un avis consultatif. Elle est composée d’au moins quatre personnes : un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et membre d’un centre de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant de service social ou un psychologue (C. santé. publ., art. L. 2213-1, al. 2). La femme ou le couple peuvent être entendus par tout ou partie de l’équipe pluridisciplinaire. Puis, deux des médecins de l’équipe pluridisciplinaire attestent du motif médical justifiant l’IMG. Le consentement de la femme est indispensable. La notion de « santé » étant suffisamment large, les raisons de santé peuvent être physiques mais également psychiques : les médecins peuvent recourir à l’IMG, avec l’accord de la patiente, lorsque celle-ci est très perturbée par la grossesse (viol, inceste...) ou quand il y a des risques qu’elle se suicide.
Lorsque l’interruption volontaire de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité, l’équipe pluridisciplinaire chargée de rendre l’avis consultatif est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal à laquelle un médecin choisi par la femme peut être associé. On insistera sur le caractère de « particulière gravité » de la maladie : il ne s’agit pas « d’éliminer » tous les enfants présentant des « anomalies ».

b. L’interruption volontaire de grossesse pratiquée avant la douzième semaine de grossesse

La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse. Celle-ci ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la douzième semaine de grossesse (C. santé. publ., art. L. 2212-1, al. 1er). Depuis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la référence au fait que la grossesse la place « dans une situation de détresse » a disparu. Dès la première visite, le médecin ou la sage-femme sollicité par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse doit lui délivrer une information précise sur les méthodes médicales et chirurgicales, et sur les risques et les effets secondaires éventuels (C. santé. publ., art. L. 2212-3). Avant et après l’intervention, il est systématiquement proposé une consultation de conseil familial ou conjugal. Cette consultation préalable comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils appropriés à la situation de l’intéressée lui sont apportés (C. santé. publ., art. L. 2212-4).
Si, à l’issue des consultations, la femme renouvelle sa demande d’IVG, le médecin ou la sage-femme doit recueillir son consentement par écrit, après l’expiration d’un délai de deux jours suivant la consultation préalable (C. santé. publ., art. L. 2212-5). Le délai de réflexion d’une semaine, suivant la première demande de la femme, a été supprimé par la loi du 26 janvier 2016.
L’IVG ne peut être pratiquée que par un médecin ou, si elle est réalisée par voie médicamenteuse, par une sage-femme. Elle doit avoir lieu dans un établissement de santé ou un centre de planification ou d’éducation familiale (C. santé publ., art. L. 2212-2). Le médecin ou la sage-femme peut refuser de pratiquer une IVG (ou, pour les sages-femmes, infirmières et auxiliaires médicaux, de participer à l’intervention) en faisant valoir sa clause de conscience. Il doit dans ce cas orienter la femme vers un confrère. Les établissements de santé privés peuvent refuser de pratiquer des IVG, sauf s’ils ont choisi de participer à l’exécution du service public. En revanche, tous les établissements de santé publics disposant d’un service de maternité doivent se doter des moyens nécessaires à la réalisation d’une telle intervention (C. santé. publ., art. L. 2212-8).
L’IVG réalisée sans le consentement de l’intéressée constitue un délit d’interruption illégale de grossesse puni de 75 000 € d’amende et de cinq ans d’emprisonnement (C. santé. publ., art. L. 2222-1 ; C. pén., art. 223-10).
A noter que depuis 2017(19), l’entrave à l’IVG est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende et son champ a été étendu à de nouvelles pratiques de dissuasion et diffusion de fausses informations qui se développent, notamment sur Internet (C. santé. publ., art. L. 2223-2). La loi a été validée par le Conseil constitutionnel saisi par des députés et des sénateurs qui estimaient qu’elle constituait une atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion, d’expression et de communication. Selon le Conseil, « dans la mesure où elles se limitent à réprimer certains abus de la liberté d’expression et de communication commis dans les établissements pratiquant l’IVG ou à l’encontre de leur personnel, les dispositions contestées ne portent pas à cette liberté une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi »(20).


II. Le recours des mineures à l’IVG

Avant 2001, la loi exigeait le consentement de l’une des personnes exerçant l’autorité parentale. La loi du 31 décembre 1979 avait ajouté la nécessité du consentement personnel de la mineure, recueilli par le médecin, hors la présence des parents. Mais la loi ne prévoyait aucune alternative en cas d’impossibilité d’obtenir le consentement parental. Les médecins devaient alors solliciter un juge pour enfants sur la base de l’article 375 du code civil (mesures d’assistance éducative) lorsqu’il existait un danger pour la santé, la sécurité ou la moralité de la jeune fille.
Si la loi de 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception maintient le principe de l’autorisation parentale (C. santé. publ., art. L. 2212-7, al. 1er), elle ouvre une possibilité aux mineures souhaitant garder le secret. Si une mineure souhaite garder le secret, le médecin doit d’abord s’efforcer de la convaincre d’avertir les titulaires de l’autorité parentale (ou le représentant légal) de cette démarche. Si elle refuse de les avertir ou si les parents refusent de donner leur consentement à l’IVG, le médecin pourra la pratiquer à la demande de la mineure. Dans ce cas, elle devra se faire accompagner par un majeur de son choix (C. santé. publ., art. L. 2212-7, al. 3). Après l’intervention, une deuxième consultation sur la contraception lui sera obligatoirement proposée (C. santé. publ., art. L. 2212-7, al. 4).


III. Le recours des majeures protégées à l’IVG

Si la loi prévoit la possibilité de recourir à l’IVG pour des mineures, elle ne fait aucune mention des majeures protégées. C’est donc le droit commun qui s’applique en la matière. Le recours à une IVG fait sans aucun doute partie des actes « dont la nature implique un consentement strictement personnel » (C. civ., art. 458). Ces actes ne peuvent être accomplis que par la personne elle-même, qui doit donner son consentement personnel. Elle ne peut alors ni être assistée, ni être représentée. L’alinéa 2 de l’article 458 dresse une liste non exhaustive d’actes strictement personnels, essentiellement autour des enfants que peut avoir la majeure protégée, la décision de recourir à une IVG doit en faire partie(21), pour peu qu’elle puisse exprimer sa volonté. L’interruption de grossesse doit être volontaire, ce qui implique d’y consentir : mettre fin à une grossesse qu’on ne souhaite pas est une décision personnelle et intime.
En revanche, pour recourir à une IMG, certains auteurs estiment qu’il s’agit d’un acte personnel au sens de l’article 459 du code civil, pour lequel la personne doit prendre seule une décision(22). Si l’état de la personne ne lui permet pas de prendre une « décision personnelle éclairée », le juge peut prévoir que ces actes personnels seront exercés par le tuteur ou le curateur (C. civ., art. 459, al. 2). Toutefois, il n’est pas possible que la personne chargée de la protection prenne une décision portant « gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée » (C. civ., art. 459, al. 3), ce qu’est bien évidemment une IMG. Dans ce cas, sauf urgence, le tuteur ou le curateur devra demander l’accord du juge.
Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’une IMG ou d’une IVG, le choix de la technique (médicamenteuse ou chirurgicale), les complications, les risques à long terme sont des données à comprendre et à prendre en compte dans la décision avant la réalisation de l’acte. Pour assimiler toutes les informations permettant à la patiente de choisir, il serait indispensable qu’elle soit accompagnée par un proche en qui elle a confiance. Pour les mineures, ce peut être un adulte de son choix. Pour les majeures, c’est la personne de confiance. Rappelons que les établissements sociaux et médico-sociaux sont désormais dans l’obligation d’informer les personnes qu’ils accompagnent de leur possibilité de désigner une personne de confiance (CASF, art. L. 311-5, D. 311-0-4 et D. 311-39).


(1)
Loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du code de la santé publique, JO du 29-12-67.


(2)
Loi n° 74-1026 du 4 décembre 1974, JO du 5-12-74.


(3)
Loi n° 87-39 du 27 janvier 1987, JO du 28-01-87.


(4)
Loi n° 2000-1209 du 13 décembre 2000, JO du 14-12-00.


(5)
Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, JO du 5-07-01.


(6)
Décret n° 2016-683 du 26 mai 2016, JO du 28-05-16.


(7)
Cass. crim., 1er juillet 1937, S. 1938, 1, p. 193, note Tortat A.


(8)
Cass., avis, 6 juillet 1998, Bull. civ. avis, n° 10.


(9)
Cass. crim., 9 novembre 1961, JCP G 1962, II, n° 12777, obs. Savatier R.


(10)
Amendement présenté par le sénateur Daniel Millaud, rejeté par le Sénat le 20 janvier 1994.


(11)
Cass., avis, du 6 juillet 1998, Bull. civ. avis, n° 10 ; RTD civ. 1998, p. 881.


(12)
Lagardère M.-L., Strolh H. et Even B., « Rapport sur les problèmes posés par les pratiques de stérilisation des personnes handicapées », Inspection des affaires sanitaires et sociales, La Documentation française, 1998.


(13)
CCNE, avis n° 49 du 3 avril 1996, relatif à la contraception chez les personnes handicapées mentales.


(14)
Ibid.


(15)
Lagardère M.-L., Strolh H. et Even B., « Rapport sur les problèmes posés par les pratiques de stérilisation des personnes handicapées », préc.


(16)
Diederich N., « Droit à la procréation ou sélection humaine ? », in Stériliser le handicap mental ?, Éditions érès, 1998.


(17)
Gaberan Ph., « Stérilisation ou pas ? Le choix d’un engagement responsable », op.cit.


(18)
CEDH, 12 octobre 2012, Requête n° 61521/08, Joëlle Gauer et autres c. France.


(19)
Loi n° 2017-347 du 20 mars 2017, JO du 21-03-17.


(20)
Décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017, JO du 21-03-17.


(21)
Cf. en ce sens : Peterka N., Caron-Déglise A. et Arbellot F., Droit des tutelles. Protection judiciaire et juridique des mineurs et des majeurs, Dalloz, coll. Référence, 2013/2014, 87.22.


(22)
Cf. en ce sens, Sauvage F., « Le consentement à l’acte médical du patient sous protection juridique », préc.

SECTION 4 - LE LIBRE CHOIX DE PROCRÉER

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