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Promouvoir une vision positive de la vie affective et sexuelle

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Selon l’Organisation mondiale de la santé, « la sexualité est un aspect central de la personne humaine tout au long de la vie et comprend le sexe biologique, l’identité et le rôle sexuels, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la procréation »(1). Cette définition de la sexualité montre l’importance qu’elle joue dans la construction et l’épanouissement de l’individu. C’est pourquoi, au-delà de la prévention des risques, il doit y avoir une position éducative positive qui consiste à accompagner la personne dans sa vie affective et sexuelle afin de lui permettre de s’épanouir sexuellement. Il faut pour cela que les ESSMS se posent des repères éthiques sur les questions de vie affective et sexuelle, qu’ils rendent accessibles aux personnes accompagnées des programmes de santé sexuelle et qu’ils développent des actions en direction des professionnels et des familles.


A. POSER DES REPÈRES ÉTHIQUES ET ÉLABORER DES RÉFÉRENTIELS DE BONNES PRATIQUES

La stratégie nationale de santé sexuelle, lancée en 2017, propose d’élaborer « des référentiels de bonnes pratiques relatives à la vie privée, au respect de la liberté et de la dignité des personnes »(2). Ces réflexions devront être menées dans un cadre pluri-professionnel et pluridisciplinaire. Il peut s’agir, par exemple, d’entamer des réflexions éthiques autour des besoins de la personne accompagnée, de son contexte de vie, de la conciliation d’un accompagnement individualisé au sein d’un collectif... Il s’agira également de poser des repères afin de ne pas porter de jugement sur les formes de sexualité et de ne pas imposer des choix et/ou des pratiques. Les équipes doivent également être au fait de ce que dit le droit en la matière afin de ne pas poser des interdits ou des obligations qui ne seraient pas légalement justifiés, voire qui seraient en contradiction avec les droits et libertés fondamentaux des personnes.
B.RENDRE ACCESSIBLES AUX
PERSONNES ACCOMPAGNÉES
DES PROGRAMMES RELATIFS
À LA VIE AFFECTIVE
ET SEXUELLE
Pour certaines personnes, qu’elles soient parents ou professionnels, donner une éducation ouverte en matière de vie affective et sexuelle aux personnes accompagnées n’aurait que des conséquences négatives : réveiller une sexualité qui sans cela serait restée en sommeil, faire prendre conscience de l’absence de vie affective et sexuelle, faire souffrir ou accentuer la souffrance... De récentes études sur l’éducation à la vie sexuelle montrent qu’il n’en est rien. Par exemple, l’Unesco a souligné, à propos des adolescents, que, contrairement aux idées reçues, « l’éducation sexuelle n’entraîne pas [comme on le pense souvent] une plus grande précocité de l’activité sexuelle »(3). Ainsi, les programmes d’éducation à la sexualité, lorsqu’ils sont menés par des personnes formées, accroissent les connaissances et n’engendrent pas une activité sexuelle plus précoce ou plus intense(4). Pour l’OMS, l’éducation sexuelle vise notamment à « soutenir la capacité de construire des relations [sexuelles] basées sur la compréhension et le respect mutuel des besoins et limites de chacun, et d’entretenir des rapports égalitaires. Ceci pour contribuer à prévenir la violence et les abus sexuels »(5). Comme le rappelle Denis Vaginay, « la sexualité permise, c’est la sexualité conquise, dans le respect d’autrui »(6). Il poursuit : « Pour permettre à la personne handicapée de se construire (...), il convient de la structurer par des interdits nets et clairs. Ceux-ci doivent indiquer sans équivoque que toutes manifestions sexuelles n’est possible (ou pas) qu’en fonction de critères déterminés. Si ces critères ne sont pas remplis, il est hors de question de poursuivre selon son désir. »
Alors que depuis 2002, toutes les réformes successives vont dans le sens d’une plus grande autonomie des personnes, tant pour les personnes en situation de handicap que pour les majeurs protégés, l’éducation à la sexualité devrait(7) :
  • permettre d’acquérir une certaine connaissance de son corps, une meilleure conscience de soi, et une compréhension de ses attentes et de ses désirs ;
  • permettre d’inclure une évaluation de la capacité à consentir à une relation sexuelle afin de responsabiliser et de protéger les personnes quant à l’expression de leur sexualité ;
  • être un facteur d’intégration sociale qui permet d’augmenter le champ des habiletés sociales ;
  • permettre d’expliquer des phénomènes physiologiques et éviter de générer de l’angoisse ;
  • donner des repères sur la sexualité, ce qui peut éviter des comportements inappropriés (exhibitionnisme, démonstrations affectives exagérées...).
Pour être utilement mises en oeuvre, ces actions doivent être accessibles aux personnes accompagnées et particulièrement adaptées à l’âge, aux catégories de handicaps... L’utilisation du « facile à lire et à comprendre » est particulièrement recommandée (cf. infra, A savoir aussi).
Dans une affaire datant de 2006, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rapporté que, à la suite d’un viol collectif dans un institut médico-éducatif (IME), le préfet avait demandé à l’établissement de prendre des mesures visant à éviter que de tels faits se reproduisent. Parmi celles-ci figuraient la refonte du projet pédagogique et du règlement de fonctionnement, la formation des professionnels et la mise en oeuvre d’un programme d’éducation à la santé et à la sexualité des jeunes, adapté au degré de leur handicap et de leur vie affective et sexuelle. Ces programmes n’avaient pas été sérieusement mis en oeuvre. Quelques mois plus tard, de nouvelles agressions sexuelles entre mineurs eurent lieu. Le directeur des services éducatifs de l’établissement fut suspendu puis mis à la retraite d’office. Le tribunal administratif de Pau puis la cour administrative d’appel de Bordeaux rejetèrent sa demande de condamnation de l’IME en réparation du préjudice subi, estimant que les négligences dont il avait fait preuve dans ses fonctions d’encadrement constituaient une faute professionnelle grave, de nature à justifier la suspension de ses fonctions(8).
« Amour, sexualité et handicap »
Un forum à destination des personnes en situation de handicap s’est tenu en décembre 2016 à Dijon autour du thème « Amour, sexualité et handicap ». Il a réuni 870 participants dont près de 500 personnes en situation de handicap. Il s’agissait de découvrir, autour de scènes de théâtre, d’interventions de sexologues, de professionnels, de personnes en situation de handicap... des expériences autour de la vie affective et sexuelle. Parmi les thèmes abordés : le corps, les émotions et le désir ; la vie de couple ; la parentalité ; le rôle d’une assistante sexuelle ; des présentations d’outils pédagogiques et d’éducation ; la « salle d’intimité » d’un institut médico-éducatif (IME) ; des films comme Les petits mots doux ou Tu veux ou tu peux pas, en présence des acteurs ; le magazine J’existe et je veux, etc.
Ce forum était organisé dans la continuité d’un programme de formation-action intitulé « Vie affective et sexuelle et handicap », initié par l’ARS Bourgogne en 2011 et mené par trois partenaires, le CREAI Bourgogne-Franche-Comté (centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité), le service de prévention de la Mutualité française de Bourgogne-Franche-Comté (MFBFC) et l’IREPS Bourgogne-Franche-Comté (instance régionale d’éducation et de promotion de la santé) qui ont accompagné en cinq ans 92 ESSMS bourguignons autour de cette thématique.
[Pour en savoir plus : http://www.creaibfc.org]


C. DÉVELOPPER LES ACTIONS DE SENSIBILISATION ET DE FORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS ET DES FAMILLES

Les professionnels doivent être formés, non pas seulement au travers d’une approche somatique de la sexualité (contraception, IST, etc.) mais également autour d’une approche positive et globale. C’est pourquoi les formations en santé sexuelle visent à apporter aux professionnels un socle commun de connaissances en clinique, en santé publique, en sociologie, en psychologie ou en droit. Elles doivent également développer les capacités d’intervention auprès des personnes, la réflexivité sur les pratiques et la conceptualisation de dispositifs d’intervention adaptés aux différents publics(9).
Des actions peuvent également être menées en direction des familles et des personnes accompagnées. Si les familles peuvent parfois se montrer réticentes à aborder ces questions, elles peuvent également être soulagées de voir que d’autres s’en préoccupent. L’institution peut, par exemple, les informer des actions mises en place ou des accompagnements possibles en matière de vie affective et sexuelle. Il est par exemple possible d’organiser des temps de rencontres collectives avec les familles afin de les informer et de les sensibiliser aux droits fondamentaux des personnes en situation de handicap, notamment d’avoir des relations sexuelles librement consenties.


(1)
OMS, « Santé sexuelle et reproductive – Compétences de base en soins primaires », 2012, p. IX.


(2)
« Stratégie nationale de santé sexuelle. Agenda 2017/2030 », préc., p. 44.


(3)
Unesco, « L’éducation sexuelle complète. Une étude mondiale », 2015.


(4)
Cf. par exemple : Henderson M., Wight D., Raab G. M., Abraham C., Parkes A., Scott S. et al., « Impact of a theoretically based sex education program (SHARE) delivered by teachers on NHS registered conceptions and terminations : final results of cluster randomised trial », British Medical Journal, 2007. Lien : www.bmj.com/content/334/7585/133.full.pdf+html


(5)
OMS Europe, « Principes et objectifs de l’éducation sexuelle. Définitions et concepts », in Standards pour l’éducation sexuelle en Europe – Un cadre de référence pour les décideurs politiques, les autorités compétentes en matière d’éducation et de santé et les spécialistes, Genève, 2013, p. 27.


(6)
Vaginay D., Comprendre la sexualité de la personne handicapée mentale, Chronique sociale, 2006, p. 193.


(7)
Kerbage H. et Richa S., « Abord de la vie affective et sexuelle des déficients intellectuels », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, vol. 59, n° 8, décembre 2011, p. 478 à 483.


(8)
CAA Bordeaux, 10 octobre 2006, n° 04BX00202, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
Troussier T. et Mignot J., « L’enseignement en santé sexuelle en France », in « Dossier santé sexuelle : travailler en réseau au plus près des populations », préc., p. 18.

SECTION 2 - PRENDRE EN COMPTE LA VIE AFFECTIVE ET SEXUELLE DANS LES ESSMS

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