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L’assistance sexuelle en France

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En France, une mission parlementaire d’information sur la prostitution a rendu en 2011 un rapport défavorable à la légalisation de l’assistance sexuelle. Elle y estimait qu’au regard de la définition de la prostitution par la Cour de cassation (« la prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui »(1)), « si l’assistance sexuelle devait dépasser le stade du massage pour donner lieu, à proprement parler, à un acte sexuel, elle serait qualifiée de prostitution (...). En conséquence, les personnes qui mettraient en relation des personnes handicapées et des assistants sexuels seraient sanctionnables du chef de proxénétisme, de même que les associations d’assistants sexuels »(2). Si la mission soutenait les revendications pour que soit reconnu et favorisé l’accès des personnes en situation de handicap à une vie affective et sexuelle, elle refusait que ce soit via la légalisation de l’assistance sexuelle, forme de prostitution. Par ailleurs, elle estimait que « la création d’une exception au proxénétisme pour l’assistance sexuelle reviendrait à dénier symboliquement aux personnes en situation de handicap la possibilité de mener une vie sexuelle en dehors de cette circonstance ». La mission concluait sur cette question en énonçant qu’il existait légalement d’autres possibilités : l’assistance sexuelle à titre bénévole, qui ne tomberait pas sous le coup de l’infraction de proxénétisme ; un accompagnement sensuel et affectif rémunéré, si tout acte sexuel est exclu ; enfin, la mise en oeuvre d’actions liées à l’éducation sexuelle des personnes en situation de handicap, à la sensibilisation des parents et des familles et à la formation de l’ensemble des intervenants et des professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social. Il est à noter que depuis 2016, à l’infraction de proxénétisme s’ajouterait l’interdiction pour le client de recourir au service d’une personne prostituée (cf. infra, chapitre 4). Toutefois, dans les recueils de jurisprudence, aucune publication ne comprend de décisions de justice condamnant des établissements sociaux et médico-sociaux pour proxénétisme ou des personnes accompagnées pour recours à des personnes prostituées. Si l’infraction existe dans le code pénal, elle ne semble avoir jamais été appliquée à l’accompagnement sexuel.
En 2012, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), saisi par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale de l’époque, Roselyne Bachelot, a rendu un avis sur la question de l’assistance sexuelle. Il y considérait « qu’il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain. (...) En conséquence, en matière de sexualité des personnes handicapées, le CCNE ne peut discerner quelque devoir et obligation de la part de la collectivité ou des individus en dehors de la facilitation des rencontres et de la vie sociale, facilitation bien détaillée dans la loi qui s’applique à tous. Il semble difficile d’admettre que l’aide sexuelle relève d’un droit-créance assuré comme une obligation de la part de la société et qu’elle dépende d’autres initiatives qu’individuelles »(3). Cet avis a été fortement critiqué par certains auteurs(4) : d’une part, la méthodologie employée a été jugée contestable (auditions de personnalités sans respect de l’équilibre des points de vue, bibliographie extrêmement succincte, etc.) ; d’autre part, on a considéré que le comité envisageait la sexualité quasi exclusivement sous l’angle « des liens affectifs et de la relation amoureuse » : si sexualité et sentiments peuvent aller de pair, ils sont loin d’être indissociables ; enfin, on a estimé que l’avis du CCNE assimilait handicap et vulnérabilité, en insistant sur la nécessaire protection des personnes en situation de handicap. « A en croire le CCNE, la personne handicapée est une personne prise en charge, qui doit être spécifiquement protégée contre les risques de souffrance que la relation sexuelle peut faire naître. On aurait pu espérer que le stéréotype du handicapé vulnérable avait vécu(5). »
La sexualité est une liberté et non un droit opposable, comme le rappelle Bruno Py ; dès lors, la demande de l’assistance sexuelle est une demande et non la réclamation d’un droit-créance donnant lieu à un droit à compensation(6). On conclura sur cette question en relevant que « ne voir la sexualité des personnes handicapées qu’à travers le spectre de l’assistance sexuelle déplace le problème et tend à admettre que les individus qui souffrent d’un handicap ne peuvent qu’avoir une place à part. Il ne peut s’agir que d’une solution d’exception, secondaire, qui ne peut être envisagée qu’après que les autres leviers de l’égalité ont été actionnés »(7).


(1)
Cass. crim., 27 mars 1996, n° 95-82016, Bull. crim., n° 138, p. 396. La Cour de cassation a condamné pour proxénétisme des salons de massage où étaient pratiquées des « finitions manuelles » : « il était constant que, dans les trois salons de relaxation, de prétendues masseuses, plus ou moins déshabillées, se livraient à des attouchements, des caresses ou des “effleurements” sur des hommes, allant jusqu’à provoquer l’éjaculation, moyennant le versement de sommes tarifées selon la nature et le degré de la prestation ».


(2)
Assemblée nationale, Rapport d’information n° 3334 sur la prostitution en France, 13 avril 2011, p. 282 à 287.


(3)
CCNE, avis n° 118, « Vie affective et sexuelle des personnes handicapées. Question de l’assistance sexuelle », 27 septembre 2012.


(4)
Cf. notamment : Py B., « Vie affective et sexuelle des personnes handicapées – Question de l’assistance sexuelle : commentaire de l’avis n° 118 du CCNE »(Attention, pour le début de cette note on a du Times New Roman, erreur), in Des sexualités et des handicaps – Questions d’intimités, op. cit., p. 325 à 330.


(5)
Thierry J.-B., « Les paradoxes de l’avis du CCNE sur l’assistance sexuelle », Revue juridique Personnes & Famille, mai 2013, p. 6.


(6)
Py B., « L’assistance sexuelle aux personnes handicapées : un service ? Un soin ? Un délit ? », préc.


(7)
Thierry J.-B., « L’assistance sexuelle pour les personnes handicapées », Bulletin d’actualité Lamy Droit de la santé, n° 104, mars 2011.

SECTION 3 - L’ABSENCE D’UN DROIT À L’ASSISTANCE OU À L’ACCOMPAGNEMENT SEXUELS

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