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Les voies de recours contre les décisions administratives et judiciaires

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Les usagers ont un droit de recours contre les décisions administratives et judiciaires qui les concernent. Les voies de recours sont différentes selon la nature de la décision. On distingue ainsi le recours contre les décisions prises par l’administration au titre de l’aide sociale à l’enfance des recours contre les décisions du juge des enfants.


A. LE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DU SERVICE DE L’ASE

Les décisions prises par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance sont des actes administratifs susceptibles de recours devant les juridictions administratives (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’Etat). Pour donner un seul exemple, il en est ainsi des décisions de refus de prise en charge au titre de l’aide « jeunes majeurs » qui font l’objet d’un contentieux devant les juridictions administratives (1).
En principe, les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître des recours formés contre les actes administratifs. Cependant, dans le champ de la protection de l’enfance, il existe des exceptions qui s’expliquent par la spécificité de la matière et du fait de la compétence partagée entre les autorités administratives et judiciaires.
Le Conseil d’Etat a ainsi récemment considéré que le juge des enfants était compétent pour connaître du recours formé contre une décision de non-admission à l’aide sociale à l’enfance d’un jeune se déclarant mineur isolé étranger. L’admission de ces enfants au sein des services de l’aide sociale à l’enfance se fait après une évaluation de leur minorité et de leur isolement. Dans ce cadre, des jeunes évalués majeurs par le département peuvent faire l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance. Ces décisions administratives ont, dans un premier temps, fait l’objet de recours devant les juridictions administratives. Les tribunaux étaient alors en difficulté pour apprécier la recevabilité de ces actions en justice, puisque le justiciable, déclaré majeur par le département, se présentait, quant à lui, comme une personne mineure. Or, pour intenter une action devant les juridictions administratives, le requérant doit avoir la pleine capacité juridique. Dans un arrêt rendu le 1er juillet 2015 (2), le Conseil d’Etat déclare que « si le président du conseil général refuse de saisir l’autorité judiciaire, notamment lorsqu’il estime que le jeune a atteint la majorité, celui-ci peut saisir le juge des enfants en application de l’article 375 du code civil ». Le juge administratif ajoute que, dans ces hypothèses, les juridictions judiciaires sont seules compétentes. Il considère en effet que « l’existence de cette voie de recours, par laquelle un mineur peut obtenir du juge qu’il ordonne son admission à l’aide sociale à l’enfance, y compris à titre provisoire pendant l’instance, sans que son incapacité à agir en justice ne puisse lui être opposée, rend irrecevable le recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif contre la décision du président du conseil général de refuser de saisir l’autorité judiciaire ». Autrement dit, la possibilité de saisir le juge des enfants prime sur la compétence de principe des juridictions administratives pour connaître des décisions prises par les collectivités territoriales. La compétence du juge des enfants s’explique ici principalement par les garanties offertes aux justiciables, puisqu’elle permet le recours à des procédures plus souples, mais aussi plus adaptées à la protection de l’enfant dans l’hypothèse où la décision de l’administration serait remise en cause.
Enfin, il faut rappeler que le juge des enfants peut être directement saisi conjointement par les père et mère ou par l’un d’eux, mais aussi par la personne ou le service à qui l’enfant a été confié, le tuteur, ou encore le mineur lui-même. Cette saisine peut intervenir à tout moment. Si ce recours était utilisé plus fréquemment, il pourrait être un moyen pour les parents de remettre en cause certaines décisions prises par le service de l’aide sociale à l’enfance avec lesquelles ils sont en désaccord et qui peuvent parfois porter atteinte à leurs droits de manière injustifiée.
Différentes raisons expliquent la faiblesse de ces recours parmi lesquelles la crainte que les parents peuvent avoir de l’institution judiciaire et le manque d’informations sur les voies de recours à leur disposition. Le développement de ces saisines directes pourrait pourtant permettre de porter à la connaissance de la justice les différends qui peuvent exister entre les parents, l’enfant et le service de l’aide sociale à l’enfance et ainsi créer, d’une part, une jurisprudence plus abondante et, d’autre part, une forme de contre-pouvoir des familles à l’égard des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance.


B. L’APPEL CONTRE LES DÉCISIONS DU JUGE DES ENFANTS

Les décisions du juge des enfants en matière d’assistance éducative peuvent faire l’objet d’un appel. Le cas échéant, si la cour d’appel confirme la décision de première instance, le justiciable pourra former un pourvoi en cassation ; dans ce cadre, il faudra néanmoins qu’une question de droit (c’est-à-dire une question liée à l’interprétation des textes en vigueur) soit posée à la Cour de cassation.


I. Les principes généraux

L’article 1191 du code de procédure civile prévoit que « les décisions du juge peuvent être frappées d’appel par les parents ou l’un d’eux, le tuteur ou la personne ou le service à qui l’enfant a été confié jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la notification ». La notification de la décision par le juge des enfants est donc un élément essentiel, car c’est elle qui fait courir le délai d’appel.
Peuvent donc faire appel de la décision prise par le juge des enfants les titulaires de l’autorité parentale, mais aussi le service à qui l’enfant est confié. La Cour de cassation interprète largement cette disposition et considère que la personne qui assure la prise en charge du mineur au quotidien peut faire appel de la décision prise par le juge des enfants, y compris lorsque cette décision ne lui confie pas expressément l’enfant (3). La jurisprudence admet ainsi comme recevable l’appel formé par les « gardiens de fait ».
Le mineur peut également faire appel de la décision, dans un délai de quinze jours si la décision lui a été notifiée, ou dans les quinze jours suivant le jour où il a eu connaissance de la décision, lorsque la décision ne lui est pas personnellement notifiée (d’où l’intérêt pour le juge de notifier la décision à tout mineur capable de discernement).
Enfin, le ministère public peut décider de faire appel de la décision dans un délai de quinze jours suivant la remise de l’avis qui lui a été donné.
L’appel est formé selon les règles de droit commun, l’article 1192 du code de procédure civile ajoutant que « le greffier avise de l’appel, par lettre simple, ceux des parents, tuteur, personne ou service à qui l’enfant a été confié et le mineur de plus de 16 ans lui-même qui ne l’auraient pas eux-mêmes formé et les informe qu’ils seront ultérieurement convoqués devant la cour ». Il est intéressant de voir que les enfants âgés de moins de 16 ans ne sont pas informés de l’appel. En pratique, il peut être opportun que le service de l’aide sociale à l’enfance informe tout de même le mineur de moins de 16 ans de cette procédure, dans un langage adapté à son âge et à son degré de maturité. Cependant, il ne s’agit pas d’une obligation.
L’article 1193 du code de procédure civile, modifié par le décret du 15 mars 2002, souligne la nécessité pour les cours d’appel d’être très réactives lorsque c’est la mesure de placement provisoire qui est contestée. Ainsi, selon ce texte, « la cour statue sur l’appel des décisions de placement provisoire prises par le juge des enfants en application des dispositions de l’article 375-5 du code civil dans les trois mois à compter de la déclaration d’appel ». Les délais fixés par les textes sont ainsi relativement courts et doivent permettre d’assurer un équilibre aussi juste que possible entre la protection de l’enfant et les droits des parents (principalement les droits de la défense et leur droit à la vie privée et familiale). Selon une circulaire du 26 avril 2002 (4), cette disposition doit permettre « que l’exercice des voies de recours en matière de placement provisoire ne puisse plus être privé de toute effectivité et que ces décisions les plus douloureusement ressenties par les familles puissent faire l’objet d’un réexamen rapide ».


II. La forme de l’appel

L’appel est formé par une déclaration que la partie adresse au greffe de la cour d’appel par pli recommandé (C. proc. civ., art. 932).
Lorsque le service de l’aide sociale à l’enfance décide de faire appel, il est essentiel de veiller au respect des conditions de forme. En effet, l’article L. 221-1, alinéa 1 du code de l’action sociale et des familles précise que l’aide sociale à l’enfance est un « service non personnalisé du département », placé sous l’autorité du conseil départemental. Le service n’ayant pas la personnalité juridique, il n’a pas la capacité d’ester en justice. Les recours préparés par le service de l’aide sociale à l’enfance doivent donc être portés à la connaissance de la justice par le président du conseil départemental ou son représentant.
Les appels formés par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance contre les décisions du juge des enfants sont de plus en plus fréquents et de différentes natures. Certains de ces recours concernent un désaccord de fond entre les institutions sur le danger encouru par l’enfant.
Un appel peut ainsi être formé contre une décision de non-lieu à assistance éducative, le président du conseil départemental considérant que l’enfant encourt un danger important et qu’une mesure de protection judiciaire est nécessaire. Il peut également s’agir de conflits juridiques portant alors le plus souvent sur l’interprétation des textes et, notamment, sur la répartition des compétences administratives et judiciaires. Il arrive ainsi que les présidents de conseils départementaux fassent appel des décisions dans lesquelles le juge des enfants prononce des doubles mesures, à savoir à la fois une mesure de milieu ouvert et une mesure de placement pour le même enfant, ou encore s’il décide de confier l’enfant, par un placement direct, à une structure qui n’est pas habilitée par le département. Lorsque l’appel porte sur l’interprétation des textes plus que sur les caractéristiques de la situation familiale, il peut être difficile de l’expliquer à l’enfant comme à ses parents. Ce recours peut en effet ne pas être motivé par l’intérêt de l’enfant mais par les enjeux administratifs et financiers qui pèsent sur le département.
Si les père et mère de l’enfant, le tuteur ou encore le mineur peuvent faire appel de toutes décisions du juge des enfants les concernant, les possibilités offertes au service départemental de l’aide sociale à l’enfance sont beaucoup plus limitées.
En effet, ce service, représenté par le président du conseil départemental, ne peut faire appel que dans le cas où l’enfant lui est confié. Ainsi, lorsque ce dernier bénéficie d’une mesure de placement direct auprès d’un particulier, d’un parent, d’un proche ou encore d’un tiers digne de confiance, le service de l’aide sociale à l’enfance ne peut faire appel de la décision prise. Il en est de même lorsque le juge des enfants confie directement un enfant à un service privé (établissement ou service d’accueil familial associatif notamment). En effet, la Cour de cassation considère que le président du conseil départemental ne peut pas interjeter appel d’une telle décision qui ne lui confie pas directement l’enfant. Le seul motif que le département finance la mesure de protection est considéré par la Cour de cassation comme inopérant, et ne permet pas au président du conseil départemental de faire appel de la décision prise (5).


(1)
Capelier F., « Accompagnement vers l’autonomie des « jeunes majeurs” », ONED, janvier 2015, annexe 1, p. 121.


(2)
Conseil d’Etat, 1er juillet 2015, n° 386769, consultable sur www.legifrance.gouv.fr ; cf. aussi Capelier F., « Protection de l’enfance : répartition du contentieux », CE, 1er juillet 2015, obs., AJ Famille n° 9, septembre 2015, p. 487.


(3)
Cass. civ. 1e, 17 juillet 1985, n° 85-80008, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(4)
Circulaire PJJ 2002-01 K2 du 26 avril 2002, NOR : JUSF0250055C, BOMJ n° 86 (1er avril-30 juin 2002).


(5)
Cass. civ. 1, 21-07-1987 et TGI de Metz, 04-12-1995.

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