Il existe en France, comme au niveau européen, un droit à l’éducation qui se traduit par l’obligation scolaire (C. éduc., art. L. 131-1 et s.). L’article L. 131-1 du code de l’éducation rappelle à ce titre que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre 6 ans et 16 ans ». Il revient en principe aux titulaires de l’autorité parentale de veiller au respect de cette obligation (C. éduc., art. L. 131-4 et s.). Selon l’article L. 111-2 du code de l’éducation, « pour favoriser l’égalité des chances des dispositions appropriées rendent possible l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire ». L’Etat est ainsi tenu de diversifier les filières d’enseignement qu’il propose pour assurer à tous un accès à l’éducation ; on pense notamment aux élèves handicapés ou encore non francophones.
L’inscription au sein d’un établissement scolaire relève de la compétence du maire ; elle doit se faire sans aucune discrimination de race ou de religion. L’enfant a droit à l’instruction, quelle que soit sa nationalité.
A. LE DROIT À L’ÉDUCATION DES ENFANTS ACCUEILLIS…
Le droit à l’éducation concerne tous les enfants, y compris ceux qui sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance. Néanmoins, en la matière, il arrive pour de multiples raisons que ce droit soit mis à mal, soit par les parents eux-mêmes qui ne veillent pas à l’assiduité scolaire de leur enfant, soit en raison du parcours de l’enfant au sein des institutions. L’exemple le plus caractéristique est sûrement celui des enfants ayant vécu de lourds traumatismes dans leur milieu d’origine et ayant des comportements violents au sein de l’enceinte scolaire. Les exclusions répétées de l’enfant des établissements au sein desquels il est scolarisé peuvent conduire à des parcours scolaires particulièrement aléatoires, voire à une déscolarisation précoce.
B. … ET LEUR NIVEAU SCOLAIRE
En juillet 2013, une étude de la Drees est titrée : « Echec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance » (1). Selon cette étude, « avant même leur entrée en établissement, les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ont souvent connu une ou plusieurs difficultés qui affectent la scolarité ». Ces difficultés sont variées et peuvent être liées à une situation de grande pauvreté, de mal-logement ou encore de maltraitance. Autrement dit, dans un certain nombre de situations, les difficultés scolaires de l’enfant préexistent au placement. Néanmoins, ces difficultés perdurent une fois les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Ces derniers sont ainsi plus souvent en échec scolaire que les enfants de la population générale.
Cette affirmation est étayée par de nombreux chiffres. Pour donner un seul exemple, « à l’entrée au collège, le retard scolaire est déjà très fréquent parmi les enfants hébergés. À 11 ans, âge théorique du passage en sixième, seulement 33,9 % des enfants sont dans une classe du second degré, comparés aux 79,6 % en population générale. 50,1 % sont toujours en enseignement élémentaire, 10,9 % en ASH [adaptation scolaire et scolarisation des enfants handicapés] et 1,1 % sont déscolarisés ». Par ailleurs, l’étude met en évidence la forte orientation de ces enfants vers des études plus courtes et professionnelles.
Enfin, la Drees note qu’il s’agit plutôt d’échec et de retard scolaire, la déscolarisation des enfants restant limitée : « Fin 2008, parmi les 26 490 enfants de ces établissements en âge de scolarité obligatoire, c’est-à-dire âgés de 6 à moins de 16 ans, 620 seulement n’étaient pas scolarisés, soit 2,3 %. » Elle fait néanmoins remarquer que cette déscolarisation est plus forte en début de placement. Il existerait ainsi un lien entre la déscolarisation de l’enfant et la séparation avec son milieu d’origine.
Ces constats sont confirmés par une étude de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance de Seine-Saint-Denis (2) qui met en évidence une déscolarisation des jeunes qui croît avec l’âge. Ainsi, pour les jeunes de 17 ans confiés à l’aide sociale à l’enfance, le taux de scolarisation n’est plus que de 77 % contre 93 % au niveau de la France métropolitaine. En outre, selon cette même étude, « l’analyse relative au type de lieu d’accueil établit que les mineurs en service d’accueil d’urgence et en situation de hors-placement sont les moins scolarisés (59 %) ». Les mineurs accueillis en urgence le sont souvent dans le cadre d’un premier placement à l’aide sociale à l’enfance. A l’inverse, les situations de « hors-placement » sont celles dans lesquelles l’enfant a mis en échec les solutions de placement qui lui étaient proposées.
Dans les situations de placement en urgence, la rupture dans le parcours scolaire de l’enfant est fréquente. Elle peut avoir différents motifs liés, d’une part, au lieu de placement retenu lorsque celui-ci est éloigné de l’établissement scolaire d’origine, d’autre part, à la situation scolaire de l’enfant avant même le placement (enfant déjà déscolarisé au domicile de ses parents, fort absentéisme scolaire et/ou exclu de l’établissement scolaire, etc.). Quels que soient les motifs de cette déscolarisation, celle-ci semble marquer une rupture brutale dans la vie de l’enfant ; séparé de sa famille, il l’est également de l’enceinte scolaire qu’il fréquentait. Si ces chiffres mériteraient d’être affinés, ils montrent néanmoins, s’il en était encore besoin, la nécessité d’accorder une attention particulière à la continuité du parcours scolaire des enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance.
En 2016, l’étude ELAP (étude longitudinale sur une cohorte de 1 600 jeunes) montre également une orientation rapide des jeunes vers des filières courtes et professionnelles : « 89 % des jeunes de 17 ans placés sont en formation, proportion qui est quasi identique pour les jeunes du même âge en population générale. Toutefois, au-delà de cette similitude, une grande différence se fait jour dans la nature de ces formations. Si seulement 1 % des jeunes de 17 ans de la population générale sont dans des formations spécifiques (remise à niveau en langue, formation ou stage d’insertion pour jeunes sortis précocement du système éducatif, formation en institut sanitaire et social…), ils sont dix fois plus nombreux parmi les jeunes placés. Par ailleurs, les orientations vers des études courtes sont très majoritaires chez ces derniers, conséquence des difficultés scolaires accumulées au cours de l’enfance et de l’adolescence, mais aussi de l’appréhension des éducateurs que la durée d’étude n’excède le nombre d’années de prise en charge (3). » Ces éléments sont très importants car ils font état des multiples facteurs qui jouent sur le parcours scolaire et professionnel du jeune, liés non seulement aux difficultés familiales qu’il a pu rencontrer pendant son enfance et à son expérience du dispositif de protection de l’enfance qui ont pu entraîner des ruptures dans son parcours scolaire, mais aussi à l’influence que peuvent avoir les professionnels sur l’orientation scolaire et professionnelle finalement retenue par le jeune. Or, dans le champ de la protection de l’enfance, les enfants comme les travailleurs sociaux ont pour beaucoup intégré la contrainte posée par les caractéristiques de la prise en charge qui s’arrête particulièrement tôt dans le parcours de l’enfant, entre 18 et 21 ans. Ainsi, en ce qui concerne les 1 600 jeunes concernés dans le cadre de l’étude ELAP, et pour donner un seul exemple, « seulement 13 % des jeunes de 17 ans placés préparent un bac général (contre 51 % en population générale du même âge) ».
(1)
Mainaud T., « Echec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance », Drees, Etudes et résultats n° 845, juillet 2013, http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er845.pdf
(2)
Bulletin de l’Observatoire départemental de protection de l’enfance de la Seine-Saint-Denis, ODPE 93, octobre 2015.
(3)
Frechon I. et Marquet L., « Comment les jeunes placés à l’âge de 17 ans préparent-ils leur avenir ? », INED, Documents de travail, n° 227, juillet 2016.