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L’information des familles et le respect de leurs droits

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L’intervention de la puissance publique au titre de la protection de l’enfance porte atteinte au droit à la vie privée et familiale des individus. Les mesures prises au titre de la protection de l’enfance doivent donc tenir compte du respect de ce droit.


A. LE DROIT À LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

Selon l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre ce droit, il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit à la vie privée et familiale que lorsque « cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » (1).
En application de ce texte, l’ingérence créée par l’intervention de la puissance publique au titre de la protection de l’enfance doit être justifiée par la nécessité de protéger les droits de l’enfant en danger ou en risque de l’être. Par conséquent, cette intervention n’est pas inconditionnelle. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu de nombreux arrêts sur la question et n’hésite pas à condamner les Etats parties lorsque les mesures instituées au titre de la protection de l’enfance ne sont pas proportionnées au but poursuivi. Pour donner un exemple concret, la cour considère que lorsque la prise en charge des enfants est ordonnée à la suite de carences purement matérielles (en l’espèce, un logement inadéquat), « les autorités [nationales] auraient pu compenser [cette carence] à l’aide des moyens autres que la séparation totale de la famille, laquelle semble être la mesure la plus radicale ne pouvant s’appliquer qu’aux cas les plus graves »(2). Ainsi, dans cet arrêt, la Cour estime que le choix des autorités publiques de placer l’enfant plutôt que de soutenir la famille dans les difficultés économiques qu’elle rencontre constitue une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale et donc une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Ces éléments de contexte sont indispensables pour comprendre les dispositions prises par le droit français visant à renforcer l’information des familles et notamment l’information des parents lorsque les services de l’aide sociale à l’enfance sont appelés à intervenir au sein de la sphère familiale.


B. LE SECRET PROFESSIONNEL

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 223-1, L. 226-2-1 et L. 226-5]
Laloi autorise un partage d’informations à caractère secret entre les personnes appelées à intervenir au titre de la protection de l’enfance. Une telle disposition porte atteinte au droit à la vie privée et est, par conséquent, encadrée par les textes. Il s’agit en effet d’une entorse au principe du secret professionnel. Ainsi, ce partage d’informations doit avoir pour objet « d’évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier » (CASF, art. L. 226-2-1). En outre, il doit avoir lieu entre deux professionnels soumis au secret et uniquement pour les informations strictement nécessaires à l’évaluation ou à la mise en œuvre de la mesure au titre de la protection de l’enfance.
Le principe reste celui du secret professionnel, la loi crée néanmoins une exception pour assurer la protection de l’enfant. Si certaines informations soumises au secret professionnel peuvent dans ce cadre être partagées, la loi oblige les services à en informer la famille. Ainsi, l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « sauf intérêt contraire de l’enfant, le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées ». Cette obligation qui pèse sur les services contraint en principe les professionnels à informer les parents avant toute réunion, synthèse ou encore rencontre bilatérale conduisant à échanger des informations à caractère secret relevant du droit à la vie privée des membres de la famille. Cette information doit se faire « selon des modalités adaptées ». Il n’y a donc pas de formalisme obligatoire. Souvent, les services envoient un courrier écrit aux parents. Néanmoins, dans certaines situations de grande précarité économique et sociale, il peut être important que le professionnel accompagne le parent dans la lecture de ce document et l’informe par oral, avec des mots qu’il comprend, du sens et du contenu du partage d’informations à caractère secret qui sera réalisé dans le cadre de l’évaluation ou de la mesure en cours.
Le texte précise que cette information est obligatoire si elle n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant. Autrement dit, si l’information des familles doit rester le principe, à titre exceptionnel les parents peuvent ne pas être informés lorsque cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant, c’est-à-dire qu’elle risque de le mettre en danger. Il s’agit principalement des situations de maltraitance grave dans lesquelles les professionnels peuvent craindre une réaction violente des parents ou une pression morale et/ou physique exercée sur l’enfant. En dehors de ces hypothèses, il est important que les parents puissent être informés des contacts pris par le professionnel en charge de l’évaluation avec par exemple le corps enseignant, le médecin traitant, ou encore le centre médico-psycho-pédagogique (CMPP). Cette information doit être donnée, y compris lorsque les professionnels appréhendent la réaction des parents, chaque fois que celle-ci ne risque pas de placer l’enfant dans une situation de danger avéré.
Le droit prévoit par ailleurs une obligation d’information générale des familles à la charge des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Selon l’article L. 223-1, alinéa 1 du code de l’action sociale et des familles, toute personne qui demande une prestation au titre de l’aide sociale à l’enfance ou qui en bénéficie « est informée par les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance des conditions d’attribution et des conséquences de cette prestation sur les droits et obligations de l’enfant et de son représentant légal ». On peut donc considérer que les personnes (enfant[s] et parents) qui bénéficient d’une évaluation devront être informées des conséquences de cette évaluation et des aides dont elles peuvent bénéficier.
Enfin, « en cas de saisine de l’autorité judiciaire, le président du conseil départemental en informe par écrit les parents de l’enfant ou son représentant légal » (CASF, art. L. 226-5). La formulation de ce texte est intéressante car elle ne semble pas souffrir d’exception. Ainsi, l’information des parents par le département est obligatoire lorsque le juge des enfants est saisi et ne peut être refusée au nom de l’intérêt de l’enfant ou du danger qui serait encouru par ce dernier.


(1)
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, art. 8, § 2.


(2)
CEDH, 26 octobre 2006, Wallovà et Walla contre République tchèque, Requête n° 23848/04, § 73.

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