Pour être pertinente, l’évaluation de la situation doit être globale, c’est-à-dire prendre en compte les besoins de l’enfant dans leur ensemble qu’ils soient de nature affective, psychologique, sociale, médicale ou encore éducative.
A. SON OBJET
[Code de l’action sociale et des familles, article D. 226-2-3]
L’évaluation doit permettre :
- d’apprécier le danger ou le risque de danger encouru par l’enfant. Le texte évoque une évaluation « des besoins et des droits fondamentaux, de l’état de santé, des conditions d’éducation, du développement, du bien-être et des signes de souffrance éventuels du mineur ». Cette énumération est importante car elle met en évidence la nécessité de caractériser le danger ou le risque de danger encouru par l’enfant ;
- de proposer des réponses de protection « les mieux adaptées, en prenant en compte et en mettant en évidence notamment la capacité des titulaires de l’autorité parentale à se mobiliser pour la protection du mineur, leurs ressources et celles des personnes de leur environnement » (CASF, art. D. 226-2-3). La formulation retenue par le texte – la recherche de réponses de protection « les mieux adaptées » – est intéressante et incite les services à trouver des solutions qui soient proportionnées au but poursuivi, à savoir la protection de l’enfant. Une telle formulation marque la recherche d’un équilibre entre les droits de l’enfant, les droits des titulaires de l’autorité parentale et le nécessaire respect de la vie privée et familiale. L’atteinte portée à ce droit doit ainsi être aussi limitée que possible, la séparation de l’enfant et de ses parents n’intervenant qu’en dernier recours. Dans ce cadre, l’évaluation de la capacité des titulaires de l’autorité parentale à réagir et protéger leur enfant, mais aussi de la nature des ressources mobilisables, est essentielle puisqu’il s’agit avant tout de s’appuyer sur l’environnement de l’enfant.
B. SES MODALITÉS
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 226-3, D. 226-2-4 et D. 226-2-5]
L’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet.
Les conditions d’application de cette disposition sont renvoyées à un décret (1). Il s’agit d’une nouveauté importante instituée par la loi du 14 mars 2016, puisque ce décret va pour la première fois définir les conditions dans lesquelles les évaluations menées au titre de la protection de l’enfance sont réalisées.
Sur le plan organisationnel, le fait d’avoir recours à une équipe spécialement formée pour cette évaluation pose la question du service en charge de cette mission. Aujourd’hui, les organisations sont très variées au sein des départements. Selon les cas, ce sont les professionnels de la protection de l’enfance, les mêmes qui assurent ensuite le suivi des enfants protégés, qui consacrent une partie de leur temps à la réalisation d’évaluations. Dans d’autres hypothèses, plus rares cette fois, ce sont les services sociaux de polyvalence, de protection maternelle et infantile, du milieu scolaire… qui sont chargés des évaluations sous le pilotage de la cellule de recueil des informations préoccupantes. Enfin, certains départements ont déjà recours à des équipes dédiées qui ne font que des évaluations. La loi du 14 mars 2016 est sur ce point plus nuancée et évoque seulement l’existence d’une équipe de professionnels « identifiés ». Il manque aujourd’hui une analyse des différentes organisations existantes pour avoir un bilan des avantages et des inconvénients de chaque modèle.
La réforme du 14 mars 2016 encourage une spécialisation des professionnels en charge de l’évaluation avec l’idée qu’il s’agit d’une mission particulièrement délicate, mais aussi technique, qui nécessite un véritable savoir-faire et une expérience auprès des familles, notamment pour déceler les situations de maltraitance. A l’inverse, le recours à une équipe identifiée implique une rupture de la prise en charge dès l’entrée dans le dispositif de protection de l’enfance, puisque le professionnel qui évalue la situation n’est pas celui qui assurera ensuite la mise en œuvre de la mesure proposée. C’est néanmoins le choix réalisé. Ainsi, comme le précise l’article D. 226-2-5 du code de l’action sociale et des familles, « les professionnels chargés de l’évaluation sont, sauf exception, différents de ceux chargés du suivi de la mesure ». Ils doivent disposer d’une formation et de connaissances spécifiques portant sur le développement et les besoins fondamentaux de l’enfant en fonction de son âge, la fonction parentale et les situations familiales.
En outre, selon l’article D. 226-2-4 du code de l’action sociale et des familles, « l’évaluation est réalisée sous l’autorité du président du conseil départemental dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’information préoccupante ». Le délai est réduit en fonction de la nature du danger et de l’âge du mineur, notamment s’il a moins de 2 ans. Néanmoins, aucun délai n’est précisé dans cette seconde hypothèse, il reviendra donc au président du conseil départemental, et notamment à la cellule de recueil des informations préoccupantes, d’apprécier le délai nécessaire pour évaluer la situation tout en évitant que celle-ci ne se prolonge si l’enfant est très jeune et/ou encourt un danger grave et imminent. Cette exigence nouvelle nécessite une forte réactivité des services et s’accompagne d’un renforcement des dispositions réglementaires sur le contenu même de l’évaluation.
C. SON CONTENU
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 223-1, D. 226-2-6 et D. 226-2-7]
La loi précise le contenu de ces évaluations. Selon l’article L. 223-1, alinéa 4 du code de l’action sociale et des familles, l’attribution d’une ou de plusieurs prestations au titre de l’aide sociale à l’enfance « est précédée d’une évaluation de la situation prenant en compte l’état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement ».L’évaluation est ainsi présentée comme la porte d’entrée au sein du dispositif de protection de l’enfance. Elle doit s’appuyer sur l’état du mineur, mais aussi sur les ressources existant au sein de son environnement. Cette formulation conduit à présenter les aides susceptibles d’être proposées au titre de la protection de l’enfance comme des actions subsidiaires, qui doivent s’inscrire en complémentarité des ressources familiales sur lesquelles l’enfant peut s’appuyer. Ce principe fait écho à l’article 3-2 de la Convention internationale des droits de l’enfant, selon lequel « les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui ». En d’autres termes, les services de l’aide sociale à l’enfance doivent soutenir les parents avant d’envisager des mesures plus attentatoires au droit à la vie privée et familiale comme une séparation de l’enfant et de ses parents.
Au cours de l’évaluation, l’équipe pluridisciplinaire recueille l’avis du mineur, des titulaires de l’autorité parentale, ainsi que des personnes de leur environnement, mais aussi l’avis des professionnels qui connaissent le mineur dans son quotidien, dans le cadre de soins ou d’un accompagnement. On peut penser ici à des personnes très variées : l’enseignant, les personnels du club sportif que l’enfant fréquente ou encore les professionnels de la santé lorsqu’un suivi existe (et notamment l’avis de son médecin généraliste). L’évaluation doit en outre se composer d’au moins une visite à domicile et, en fonction de son âge et de son degré de maturité, d’une rencontre du mineur sans les titulaires de l’autorité parentale (mais avec leur accord). Enfin, cette évaluation donne lieu à un rapport qui permet de disposer d’une vision d’ensemble de la situation et dont le contenu est fixé par décret.
D. SON PÉRIMÈTRE
Enfin, la loi du 14 mars 2016 étendle périmètre de l’évaluation. L’article L. 226-3, alinéa 3 du code de l’action sociale et des familles ajoute en effet que l’évaluation doit comprendre celle de l’enfant visé par l’information préoccupante, ainsi que « la situation des autres mineurs présents au domicile ». La formulation retenue est évasive, elle permet de viser non seulement les frères et sœurs de l’enfant, mais aussi plus largement les éventuels demi-frères ou demi-sœurs ou encore les enfants qui, tout en vivant au sein du même domicile, peuvent n’entretenir aucun lien de sang avec l’enfant ayant fait l’objet de l’information préoccupante. il est ainsi procédé à une évaluation globale de l’environnement familial, que les enfants présents au domicile soient ou non issus de la même union. Le droit prend ainsi acte de la diversification des formes familiales actuelles et de la nécessité de ne pas subordonner l’évaluation à une définition juridique trop stricte de la famille qui serait fondée sur un couple et des enfants partageant des liens de sang, alors que de nombreux enfants vivent aujourd’hui dans des familles recomposées.
(1)
Décret n° 2016-1476 du 28 octobre 2016, JO du 3-11-16.