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Le recueil et le traitement des informations préoccupantes

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Toute personne peut transmettre aux services du département une « information préoccupante » concernant un mineur en danger ou risquant de l’être (CASF, art. L. 226-2-1).
Il s’agit, pour un professionnel comme pour un particulier, de transmettre aux services compétents les éléments d’inquiétude qu’il peut avoir sur la situation d’un enfant. Par définition, ces éléments sont souvent partiels, et le fruit d’une interprétation subjective de la situation. A ce tout premier stade, les éléments communiqués sont donc rarement prouvés. Cette information se révèlera parfois, à la suite de l’évaluation, construite sur des préjugés à l’égard d’une famille, ou formulée avec l’intention de nuire, sans que l’enfant ne soit réellement en danger. Par ailleurs, l’auteur de l’information préoccupante peut se tromper, mais lorsque ces inquiétudes existent, elles doivent être transmises aux services compétents car elles peuvent aussi se révéler justifiées. Il est important de rappeler qu’il ne revient pas au particulier ou au professionnel qui adresse l’information de faire la preuve du danger encouru par l’enfant, cette mission étant celle du service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
Le terme « information préoccupante », retenu par la loi du 5 mars 2007 et confirmé par celle du 14 mars 2016, a pour avantage de différencier « l’information préoccupante » adressée aux services départementaux de l’aide sociale à l’enfance du « signalement » qui correspond à la saisine de l’autorité judiciaire. Ce terme met en évidence les inquiétudes que la personne peut avoir sur le bien-être ou le développement de l’enfant. Le risque reste l’autocensure des professionnels comme des particuliers sur certaines situations qui pourraient pourtant relever d’une action de prévention (aides financières, soutien à la parentalité, etc.). Il est donc aujourd’hui indispensable de mieux communiquer sur le sens et les conséquences des informations préoccupantes afin de faire valoir leur intérêt et de rompre le lien trop souvent fait entre information préoccupante et placement de l’enfant. Il s’agit d’insister sur l’intérêt de communiquer aux services compétents les éléments d’inquiétude sur l’état et le devenir d’un enfant, afin qu’une évaluation de sa situation puisse avoir lieu et, le cas échéant, que la famille puisse être soutenue chaque fois que possible par des mesures préventives avant d’envisager des mesures au titre de la protection de l’enfance.


A. LE RÔLE DU DÉPARTEMENT

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 221-1, L. 226-2, L. 226-3 et L. 226-5]
Le service départemental de l’aide sociale à l’enfance a pour mission de mener des actions de prévention des situations de danger à l’égard des mineurs ainsi que d’organiser le recueil et la transmission des informations préoccupantes. Il revient donc au département de centraliser l’ensemble de ces informations émises par les professionnels et par les particuliers, puis de les évaluer.
En pratique, cette mission est assurée au sein des départements par une cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes. Le guide pratique du ministère de la Santé et des Solidarités de 2007, intitulé « La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation », rappelle qu’« il s’agit de faire converger vers un même lieu toutes les informations préoccupantes concernant des mineurs en danger ou en risque de l’être de manière à éviter la déperdition de ces informations ». Ainsi, la cellule doit être unique dans chaque département et organisée à un niveau central.
Le service départemental de l’aide sociale à l’enfance a également pour mission « l’information et la sensibilisation de la population et des personnes concernées par les situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être ». Cette sensibilisation est indispensable pour améliorer le repérage des enfants en danger. Il s’agit d’attirer l’attention de la société civile, mais aussi des professionnels extérieurs à la protection de l’enfance. On pense par exemple à l’ordre des médecins et plus précisément aux médecins généralistes qui peuvent détenir des informations importantes sur des situations familiales complexes et hésiter à les transmettre au service départemental de l’aide sociale à l’enfance, en invoquant, entre autres, le respect du secret médical.
La loi du 14 mars 2016 renforce enfin le retour d’information auprès de l’auteur d’une information préoccupante. Selon l’article L. 226-5 du code de l’action sociale et des familles, les personnes sont avisées des suites données aux informations qu’elles ont transmises. En la matière, la loi fait une distinction selon la qualité de l’auteur de cette information. Aux termes de cet article, un retour d’information sur les suites données à l’information préoccupante est obligatoire lorsqu’il s’agit de personnes « qui ont communiqué des informations dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur activité professionnelle ou d’un mandat électif ». Le choix du législateur de retenir une périphrase est intéressant. En effet, cette formulation englobe des professionnels variés, on pense bien sûr aux professionnels de la protection de l’enfance, mais entrent aussi dans cette définition large les enseignants, les médecins qui assurent le suivi de l’enfant, ou encore les assistantes maternelles qui auraient fait part de leurs inquiétudes. En outre, la référence au mandat électif permet un retour aux élus qui auraient signalé une situation d’enfance en danger. La volonté de ne pas faire de distinction entre les professionnels et les élus sur ce sujet est tout à fait inédite. Lorsque la personne n’entre pas dans les conditions qui viennent d’être mentionnées, il en est ainsi d’un particulier, voisin ou proche de l’enfant qui fait part d’une information préoccupante, la loi prévoit un retour d’information plus limité. Ce retour n’est pas systématique. Le service de l’aide sociale à l’enfance sera en revanche tenu de répondre à la personne si elle en fait la demande.
Ces dispositions qui peuvent sembler marginales sont en réalité essentielles, puisqu’elles permettent à l’auteur de l’information préoccupante d’avoir un retour sur son action. Elles correspondent à une forte demande, des particuliers comme des professionnels, l’absence d’informations créant un flou souvent préjudiciable à l’enfant. En pratique, la question reste de savoir quels types de renseignements seront donnés à l’auteur de l’information préoccupante pour trouver un équilibre entre l’obligation de l’informer, la nécessité de protéger le droit à la vie privée et familiale et le respect du secret professionnel.


B. LE CIRCUIT DE L’INFORMATION PRÉOCCUPANTE

Un protocole est établi « entre le président du conseil départemental, le représentant de l’Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation de ces informations » (CASF, art. L. 226-3). Ce protocole décrit le circuit des informations de ce type et précise la répartition des compétences entre les autorités administrative et judiciaire au niveau de chaque département. En effet, en fonction de leur contenu, ces informations peuvent faire l’objet d’une saisine du procureur de la République en vue d’une protection judiciaire de l’enfant, parfois en urgence, ou au contraire donner lieu à des actions de prévention ou encore à des mesures administratives (aides éducatives à domicile ou accueil provisoire).
Le circuit de l’information préoccupante est donc défini de manière générale par l’intermédiaire de ce protocole. L’évaluation de chaque situation individuelle sera ensuite déterminante pour définir les suites données.

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