L’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 rappelle que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Cet article a fait l’objet de très nombreux commentaires doctrinaux (1). Les auteurs se sont interrogés sur le contenu de cet intérêt supérieur et sur la manière de le définir.
Or, l'intérêt de l’enfant varie :
- si l’on considère son intérêt présent, passé ou/et futur ;
- en fonction des caractéristiques de chaque situation individuelle ;
- en fonction du point de vue subjectif que chaque acteur (proche de l’enfant ou professionnel) pourra avoir sur la situation.
L’intérêt de l’enfant est une notion à la fois nécessaire pour assurer l’individualisation des prises en charge, mais aussi une notion dangereuse si son utilisation conduit à passer outre les règles juridiques existantes. Pour donner un seul exemple, il existe dans certaines situations une suspicion de maltraitance sur un enfant, sans preuve avérée. Il s’agit alors de savoir s’il est dans l’intérêt de l’enfant de rester au sein de sa famille ou au contraire de faire l’objet d’un placement au titre d’un principe de précaution, y compris si ce placement s’avère in fine injustifié. En la matière, la difficulté est de pouvoir se prémunir contre toute interprétation par trop subjective qui conduirait des professionnels à prendre des décisions différentes, voire arbitraires, dans des situations pourtant similaires.
Dans ce cadre, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être conçu comme une clé d’ajustement (2). Autrement dit, chaque fois qu’une règle juridique plus précise trouve à s’appliquer, elle doit primer. Il en est ainsi du droit de l’enfant d’avoir des liens avec ses parents, quelle que soit la nature de la mesure prononcée au titre de la protection de l’enfance (milieu ouvert ou placement). Si ces règles doivent en principe s’appliquer, elles pourront être écartées lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie, par exemple quand le comportement de l’un ou des parent(s) porte atteinte à l’intégrité physique ou morale de l’enfant.
En effet, dans ces hypothèses, le principe selon lequel le lien entre l’enfant et ses parents doit être maintenu sera nuancé pour assurer le droit de l’enfant d’être protégé. L’intérêt de l’enfant apparaît alors comme une variable d’ajustement qui permet dans une situation donnée de résoudre un conflit de droit. Pour reprendre notre exemple, l’intérêt de l’enfant permet dans ce type de situations de rechercher le juste équilibre entre le droit de l’enfant d’entretenir des liens avec ses parents, le respect de l’autorité parentale, et le droit de l’enfant d’être protégé.
Après avoir reconnu la nécessité de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant sur toute autre considération, la Convention internationale des droits de l’enfant déclare que « les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées » (art. 3.2). En France, l’organisation et le fonctionnement du dispositif de protection de l’enfance se fonde sur cette disposition en recherchant un équilibre permanent entre la protection de l’enfant au sein de sa famille et la nécessité, dans certaines situations, d’organiser un accueil de l’enfant en dehors de son milieu d’origine. Il est proposé d’analyser, dans ce chapitre, l’entrée au sein du dispositif de protection de l’enfance, en s’intéressant, d’une part, à l’évaluation des besoins de l’enfant et des ressources familiales et, d’autre part, aux suites données, au terme de cette évaluation, à l’information préoccupante.
(1)
Simplement pour donner quelques exemples : Carbonnier J., Dalloz, 1960, chron. p. 675 ; Vergne J.-H., L’Intérêt de l’enfant sous la puissance paternelle et l’autorité parentale, Université Paris II, thèse sous la direction de Flour J., 1972, p. 1 ; Gallant E., « L’intérêt supérieur de l’enfant et la fixation de sa résidence », Revue critique de droit international privé, 2007, p. 603 ; Gouttenoire A., « Droit de l’enfant », Recueil Dalloz, 2007, p. 2192 ; Courtin C., « L’intérêt de l’enfant et les droits et libertés fondamentaux des parents », Recueil Dalloz, 2001, p. 422 ; Rubellin-Devichi J., Carbonnier J., « Le principe de l’intérêt de l’enfant dans la loi et la jurisprudence françaises », La Semaine juridique édition générale, n° 7, 16 février 1994, I 3739.
(2)
Capelier F., Comprendre la protection de l’enfance, Dunod, mars 2015.