L’accès aux documents judiciaires est soumis à une réglementation différente. Il s’agit en effet d’un droit du justiciable fondé sur les droits de la défense et le principe du contradictoire. Les documents judiciaires produits au titre de l’assistance éducative sont tout à fait spécifiques en raison des informations éminemment personnelles qu’ils contiennent et de leur mode de production. En effet, au-delà de ceux élaborés directement par le juge et des acteurs judiciaires, de nombreux documents versés aux dossiers d’assistance éducative sont fournis par des services administratifs relevant de la protection de l’enfance (service de l’aide sociale à l’enfance, établissements ou services public et associatif, etc.).
L’accès aux documents qui composent le dossier d’assistance éducative est règlementé par l’article 1187 du code de procédure civile qui cherche un équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger l’enfant et, d’autre part, le droit des parents en tant que justiciables d’avoir accès aux documents sur lesquels le juge va s’appuyer pour prendre sa décision.
Dans le champ de l’assistance éducative, l’accès aux documents judiciaires est longtemps resté limité. Ce principe repose sur la volonté du législateur de protéger l’enfant et d’assurer le respect du secret professionnel. L’accès aux documents judiciaires par les parents est alors présenté comme nuisible à la relation de confiance qu’ils peuvent entretenir avec les travailleurs sociaux. En outre, cette possibilité conduirait à réduire la liberté des professionnels pour s’exprimer sur le développement de l’enfant, sachant qu’ils peuvent ensuite être lus par ses parents.
L’accès restreint aux documents judiciaires en assistance éducative entraînait une violation importante des droits de la défense. En 2002, l’article 1187 du code de procédure civile permet un droit à consultation des documents judiciaires par les parties et un droit à communication des pièces pour leurs avocats. Ces droits sont exercés auprès du greffe du tribunal de grande instance.
Cette modification s’explique par une évolution des mœurs, et l’attention croissante portée à l’information de l’usager de manière générale, en particulier au respect du principe du contradictoire. Michel Huyette, juge des enfants, a fortement influencé la réforme de 2002. Il explique ainsi qu’« il ne peut y avoir de véritable débat contradictoire avec les parents non assistés d’un avocat que s’ils ont la possibilité de venir prendre connaissance avant l’audience des éléments du dossier susceptibles de conduire à une décision sanctionnatrice de leurs défaillances » (1).
Parallèlement à ces réflexions, la jurisprudence évolue. Pendant longtemps, la Cour de cassation a considéré que la limitation du droit d’accès au dossier d’assistance éducative, telle que prévue par le droit applicable avant la réforme de 2002, n’était pas incompatible avec l’article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui garantit les droits de la défense (2). Au début des années 2000, la cour d’appel de Lyon prend le contrepied de cette jurisprudence et appelle un changement de la réglementation applicable, considérant que l’article 1187 du code de procédure civile est contraire à l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (3).
(1)
Huyette M., « Le contradictoire en assistance éducative : l’indispensable réforme de l’article 1187 du nouveau code de procédure civile », Recueil Dalloz, 1998, p. 218.
(2)
Cass. civ., 1re, 2 novembre 1994, n° 93-05078 ; Cass. civ. 1re, 24 octobre 1995 n° 94-05075 ; Cass. civ. 1re, 8 juin 1999, n° 98-05044, consultables sur www.legifrance.gouv.fr
(3)
Lyon, 26 juin 2000, D. 2000, JP p. 661, note Huyette.