[Code civil, article 381-2]
La déclaration judiciaire de délaissement parental est prononcée par le tribunal de grande instance (juge aux affaires familiales).
La demande en déclaration de délaissement parental est obligatoirement transmise, à l’expiration du délai de un an, par la personne, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant, après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées. Selon ce texte, le service de l’aide sociale à l’enfance est donc dans l’obligation de saisir systématiquement la justice. Cette saisine doit alors avoir lieu en dehors de toute considération en opportunité sur le bien-fondé de la déclaration judiciaire de délaissement parental. Il s’agit d’un élément important : en principe cette déclaration devrait être automatique et un certain nombre d’enfants recueillis par les services de l’aide sociale à l’enfance devraient ainsi bénéficier de cette procédure. L’application de ce texte reste très discutée au sein des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. De nombreuses raisons sont invoquées par les professionnels pour justifier le non-recours à cette procédure : les délais judiciaires sont très importants, si bien qu’il faut aujourd’hui souvent plus de un an, voire deux, entre la saisine du juge et le jugement définitif ; cette déclaration serait également particulièrement traumatisante pour certains enfants qui sans voir leurs parents y sont encore très attachés ; enfin le caractère définitif de cette procédure peut effrayer les professionnels, certains parents absents pendant un an dans l’environnement de l’enfant étant parfois susceptibles de revenir plus tard en souhaitant assumer à nouveau leurs responsabilités.
La jurisprudence est longtemps allée dans le même sens, en cherchant à protéger les relations entre l’enfant et ses parents biologiques. Ainsi, les tribunaux faisaient une interprétation particulièrement extensive des dispositions du code civil. Pour exemple, en 2014, la Cour de cassation estime que la déclaration judiciaire d’abandon ne peut pas être prononcée de manière automatique par le juge aux affaires familiales qui doit prendre en considération l’intérêt de l’enfant. Elle considère à ce titre « que l’intérêt de l’enfant doit être pris en considération par le juge, même lorsque les conditions d’application de l’article 350 du code civil sont réunies ». En l’espèce, le juge aux affaires familiales refuse en effet de prononcer une déclaration judiciaire d’abandon aux motifs, d’une part, qu’elle risquait de confronter l’enfant à une séparation douloureuse avec sa famille d’accueil, dès lors qu’il n’existait aucun projet d’adoption par son assistante maternelle, à laquelle il était très attaché et chez laquelle il vivait depuis son plus jeune âge et, d’autre part, que le mineur était perturbé et angoissé depuis le début de la procédure, ne l’acceptait pas et ne la comprenait pas. La Haute Juridiction ajoute que « l’article 377, alinéa 2, du code civil permettait à l’aide sociale à l’enfance de se faire déléguer en tout ou partie l’exercice de l’autorité parentale ; qu’elle en a souverainement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que la déclaration judiciaire d’abandon sollicitée n’était pas conforme à l’intérêt de l’enfant » (1).
La loi du 14 mars 2016 va contre cette jurisprudence en réaffirmant le caractère obligatoire de la procédure et en permettant au procureur de la République de saisir le juge aux affaires familiales. En effet, l’article 381-2 du code civil dispose que « la demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants ». L’autorité judiciaire pourra ainsi déclencher seule la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental. Le procureur peut saisir seul le juge aux affaires familiales, mais le juge des enfants pourra aussi être à l’origine de la saisine du juge aux affaires familiales par son intermédiaire. Cette possibilité doit ainsi permettre au juge des enfants de signaler les dossiers qu’il suit en assistance éducative et qui entrent dans les conditions d’une déclaration judiciaire de délaissement parental. Si cette disposition est utilisée par l’autorité judiciaire, elle pourrait accroître considérablement le nombre de déclarations judiciaires prononcées par les tribunaux.
(1)
Cass. civ.1re, 3 décembre 2014, n° 13-24268, consultable sur www.legifrance.gouv.fr