Recevoir la newsletter

La condition de résidence

Article réservé aux abonnés

L’étranger en situation irrégulière ne peut prétendre à l’aide médicale de l’Etat que s’il remplit une condition de résidence. Des exceptions sont toutefois prévues. En outre, l’aide médicale de l’Etat peut être accordée à titre humanitaire.


A. LA DURÉE DE RÉSIDENCE

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 251-1 ; circulaire DSS/2A/DGAS/DHOS n° 2008-04 du 7 janvier 2008, NOR : SJSS0830002C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2008/02 ; circulaire n° DSS/2A n° 2011-351 du 8 septembre 2011, NOR : ETSS1124699C]
Peut prétendre à l’aide médicale de l’Etat tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
Cette condition de durée de résidence n’est pas opposable aux mineurs. Elle ne s’applique qu’aux majeurs. L’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) du 26 janvier 1990 interdit que les enfants connaissent des restrictions dans l’accès aux soins nécessaires à leur santé. L’article 97 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003 (qui a introduit la condition de durée de résidence de trois mois) est incompatible avec les stipulations de la Convention, « en tant qu’il subordonne l’accès à l’aide médicale de l’Etat à une condition de résidence ininterrompue d’au moins trois mois en France, sans prévoir de dispositions spécifiques en vue de garantir les droits des mineurs étrangers et qu’il renvoie ceux-ci, lorsque cette condition de durée de résidence n’est pas remplie, à la seule prise en charge par l’Etat des soins énoncés à l’article L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire, des seuls soins urgents » (1). Tirant les conséquences de cet arrêt, la circulaire du 7 janvier 2008 indique que les enfants mineurs des personnes étrangères en situation irrégulière qui ne remplissent pas la condition de trois mois de résidence en France sont inscrits sans délai à l’AME pour la prise en charge de leurs soins pendant les trois premiers mois de leur présence en France. Dès que possible, un dossier de demande d’admission à l’AME doit être constitué par leurs parents. A partir de l’admission des parents à l’AME au premier jour du quatrième mois de résidence, les enfants en relèvent comme ayants droit de leurs parents.
La circulaire du 8 septembre 2011 ajoute qu’un droit à l’AME est ouvert immédiatement aux mineurs, même si leurs parents n’y sont pas éligibles, soit parce qu’ils ne remplissent pas encore la condition de résidence de plus de trois mois sur le territoire, soit parce qu’ils disposent de ressources supérieures au plafond fixé pour le bénéfice de l’AME.


B. SON APPRÉCIATION

Le Conseil d’Etat, dans un avis du 8 janvier 1981 a dégagé les critères permettant d’établir la résidence habituelle en France (2). Bien que l’aide médicale de l’Etat soit soumise à une condition de durée de résidence préalable en France, ces critères restent pertinents pour apprécier la notion de résidence.
Aux termes de cet avis, « la condition de résidence doit être regardée comme satisfaite, en règle générale, dès lors que l’étranger se trouve en France et y demeure dans des conditions qui ne sont pas purement occasionnelles et qui présentent un minimum de stabilité. Cette situation doit être appréciée, dans chaque cas, en fonction de critères de fait et, notamment, des motifs pour lesquels l’intéressé est venu en France, des conditions de son installation, des liens d’ordre personnel ou professionnel qu’il peut avoir dans notre pays, des intentions qu’il manifeste quant à la durée de son séjour [...] ».


C. LA JUSTIFICATION DE LA RÉSIDENCE

[Décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005, article 4, JO du 29-07-05 ; circulaire DGAS/DSS/DHOS n° 2005-407 du 27 septembre 2005, NOR : SANA0530416C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2005/10]
Le point de départ du délai de trois mois de résidence ininterrompue en France est l’entrée sur le territoire français (métropole, département ou territoire d’outremer), précise la circulaire du 27 septembre 2005. Une personne qui prouve sa résidence en France par un document datant de plus de trois mois à la date de la décision est considérée comme remplissant la condition. Il n’y a donc pas lieu d’exiger un justificatif pour chaque mois de résidence en France.
La circulaire du 27 septembre 2005 indique que, conformément à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles et au 2° de l’article 4 du décret du 28 juillet 2005, cette condition de résidence ininterrompue depuis plus de trois mois en France doit être remplie par le demandeur. Ce dernier en justifie en fournissant le visa ou le tampon comportant la date d’entrée en France figurant sur son passeport. A défaut, il présente l’un des documents suivants :
  • une copie du contrat de location ou d’une quittance de loyer datant de plus de trois mois ou d’une facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone datant de plus de trois mois ;
  • un avis d’imposition ou de non-imposition à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, à la taxe foncière ou à la taxe d’habitation ;
  • une facture d’hôtellerie datant de plus de trois mois ;
  • une quittance de loyer ou une facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone établie au nom de l’hébergeant, datant de plus de trois mois, lorsque le demandeur est hébergé à titre gratuit par une personne physique ;
  • une attestation d’hébergement établie par un centre d’hébergement et de réinsertion sociale datant de plus de trois mois ;
  • si la personne est sans domicile fixe, une attestation de domiciliation établie par un organisme agréé et datant de plus de trois mois.
Lorsque le demandeur n’est pas en mesure d’établir la date à laquelle il est arrivé en France au moyen de l’un des documents énumérés ci-dessus, il a le droit de le faire par la production de tout autre document de nature à prouver que cette condition est remplie. Peuvent notamment être utilisés les documents nominatifs suivants, émanant d’une administration ou d’un organisme sanitaire ou social :
  • un document des ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur ou de la Justice ;
  • une attestation de scolarité d’un établissement d’enseignement ;
  • un document relatif à une prestation servie par une collectivité locale, un organisme de sécurité sociale ou Pôle emploi ;
  • un bulletin d’hospitalisation, un titre de recettes ou une facture d’un établissement de santé ;
  • une attestation établie par un professionnel de santé ou une association reconnue se portant garant de la fréquentation du demandeur.
En revanche, les déclarations sur l’honneur des demandeurs ou de tiers n’agissant pas dans l’un des cadres professionnels précités ne sont pas admises.


D. LES EXCEPTIONS À LA CONDITION DE RÉSIDENCE

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 251-1, alinéas 4 et 5]
Il existe plusieurs exceptions à la condition de résidence.
La condition de résidence ininterrompue de trois mois ne s’applique pas aux mineurs étrangers (cf. supra, A).
La condition de résidence en France ne s’applique pas aux personnes admises à l’aide médicale de l’Etat par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale si leur état de santé le justifie (cf. infra, E).
Enfin les personnes gardées à vue sur le territoire français, qu’elles résident ou non en France, peuvent bénéficier de l’AME si leur état de santé le justifie (cf. encadré).


E. L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT ACCORDÉE À TITRE HUMANITAIRE

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 251-1, alinéa 4]
Selon l’alinéa 4 de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale de l’Etat. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses de santé peut être partielle. Ce dispositif, laissé à la discrétion du ministre, concerne des personnes qui ne résident pas en France et y viennent afin d’y recevoir des soins.
Selon le Conseil d’Etat, il résulte des articles L. 251-1 (relatif à l’AME), L. 254-1 et L. 254-2 (relatifs à la prise en charge des soins urgents) que l’article L. 51-1, alinéa 2 [devenu l’alinéa 4] doit être interprété comme permettant au ministre chargé de l’action sociale d’accorder le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat à des personnes dont l’état de santé le justifie qui, ne résidant pas de manière ininterrompue sur le territoire national depuis plus de trois mois, ne bénéficient pas du droit à l’AME. La Haute Juridiction ajoute que le ministre dispose d’un large pouvoir pour apprécier, au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce, l’opportunité d’accorder une telle aide. Dans cette affaire, une ressortissante guinéenne, entrée en France en avril 2009, avait été admise en urgence, le 5 juin 2009, à l’hôpital et avait subi une opération le 11 juin 2009. Selon la cour administrative d’appel de Paris, l’intéressée devait être regardée, à cette date, comme résidant en France ; elle en déduit qu’elle ne pouvait bénéficier de l’AME humanitaire. Le Conseil d’Etat annule cette décision. En jugeant qu’une personne ne peut relever de l’AME humanitaire au seul motif qu’elle réside en France à la date des soins dont elle sollicite la prise en charge, alors même qu’elle ne remplirait pas la condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois pour prétendre au bénéfice de l’AME, la cour a commis une erreur de droit (3).
Si, selon l’article L. 251-1, alinéa 4, l’AME humanitaire s’adresse aux personnes « ne résidant pas en France », c’est-à-dire seulement présentes sur le territoire français, le Conseil d’Etat semble ajouter une condition, celle de l’absence de résidence ininterrompue de plus de trois mois.
La demande d’AME humanitaire doit être présentée au directeur départemental de la cohésion sociale du département de résidence si l’étranger est présent en France. Dans les autres cas, la demande est adressée au ministre des Affaires sociales, Direction générale de la cohésion sociale, sous direction de l’Inclusion sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté (4). En l’absence de réponse de l’administration au terme de deux mois, le demandeur peut former un recours devant le tribunal administratif de Paris (5).


La situation des mineurs isolés

La circulaire du 8 septembre 2011 fait le point sur la situation des mineurs isolés, et distingue selon qu’ils sont ressortissants communautaires ou originaires d’Etats tiers.
Les mineurs ressortissants communautaires
Les mineurs communautaires (c’est-à-dire ressortissants d’un Etat de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse) peuvent prétendre à un droit au séjour en qualité de membres de famille ou à titre personnel, la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, n’opérant pas de distinction entre mineurs et majeurs dans la définition des catégories de bénéficiaires du droit au séjour.
Les mineurs isolés sont définis comme ceux qui n’ont pas la qualité de membre de famille et dont le droit au séjour est examiné à titre personnel comme inactif, étudiant ou travailleur s’ils exercent une activité professionnelle à partir de l’âge de 16 ans.
S’ils exercent une activité professionnelle ou sont étudiants, ils peuvent être affiliés (sous réserve de produire certains justificatifs) à un régime d’assurance maladie obligatoire.
S’ils ne sont ni travailleurs, ni étudiants, les mineurs isolés qui relèvent de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) peuvent être affiliés à la protection universelle maladie et bénéficier, le cas échéant, de la protection complémentaire comme tout mineur dans cette situation (cf. supra, chapitre 1).
Dans les autres situations, ils doivent, comme tout autre ressortissant communautaire inactif, justifier de ressources suffisantes et d’une couverture maladie complète, pour être considérés comme réguliers (cf. supra, chapitre 1). S’ils ne disposent pas de moyens d’existence à titre personnel ou émanant d’un tiers et/ou ne sont pas couverts par une assurance maladie, française ou autre, ils n’ont pas de droit au séjour en tant que ressortissants inactifs. Ils bénéficient de l’aide médicale de l’Etat, en leur nom propre.
Les mineurs étrangers originaires d’Etats tiers
N’étant pas tenus légalement de disposer d’un titre de séjour durant leur séjour en France, leur situation au regard du séjour ne peut être évaluée (à l’exception, notamment, des cas de regroupement familial), jusqu’à ce qu’ils fassent une demande de titre de séjour à 16 ans ou à 18 ans. Comme pour les mineurs ressortissants communautaires, ces mineurs isolés peuvent bénéficier de la protection universelle maladie et de la protection complémentaire dès lors qu’ils relèvent de l’ASE ou de la PJJ. Si tel n’est pas le cas, ils bénéficient de l’aide médicale de l’Etat en leur nom propre s’ils sont sans aucune attache, sans prise en charge par une structure quelconque.
[Circulaire n° DSS/2A n° 2011-351 du 8 septembre 2011, NOR : ETSS1124699C]


(1)
Conseil d’Etat, 7 juin 2006, n° 285576, Aides et a, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(2)
Conseil d’Etat, section sociale, 8 janvier 1981, avis n° 328143, consultable sur www.conseil-etat.fr


(3)
Conseil d’Etat, 16 mars 2016, n° 381013.


(4)
Bureau des minima sociaux, 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP.


(5)
« Migrants/étrangers en situation précaire. Soins et accompagnement », Guide pratique pour les professionnels, Comité médical pour les exilés (Comede), édition 2015, p. 250.

SECTION 1 - LES CONDITIONS D’ACCÈS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur