[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2, L. 861-3 et R. 861-2 à R. 861-15 ; circulaire DSS/2A n° 99-701 du 17 décembre 1999, NOR : MESS9930624C, BOMES n° 99/52]
L’accès à la protection complémentaire en matière de santé est subordonné à une condition de ressources. Le plafond de ressources à ne pas dépasser est fixé en fonction de la composition du foyer du demandeur et varie selon le nombre de personnes à charge.
A. LE PLAFOND DE RESSOURCES
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-1, R. 861-3 et D. 861-1 ; arrêté du 18 mars 2016, NOR : AFSS1607957A, JO du 24-03-16 ; lettre ministérielle DSS/2A du 8 avril 2008, NOR : SJSS0830321Y, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2008/4]
Le plafond de ressources est fixé chaque année au 1er avril en fonction d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les 12 derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’INSEE l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation.
Le montant du plafond applicable au foyer considéré est arrondi à l’euro le plus proche. La fraction d’euro égale à 0,50 est comptée pour 1.
Le plafond de ressources annuel pour obtenir la protection complémentaire en matière de santé est fixé à 8 653,16 € pour une personne seule au 1er avril 2016. Il est majoré de 11,3 % pour les personnes résidant dans les départements d’outre-mer.
Ce plafond évolue en fonction du nombre de personnes membres du foyer (sur la composition du foyer, cf. infra section 2, § 1, A). Il est ainsi majoré de :
- 50 % au titre de la deuxième personne membre du foyer ;
- 30 % au titre de la troisième et de la quatrième personne ;
- 40 % par personne supplémentaire à compter de la cinquième.
Les taux sont réduits de moitié pour les enfants mineurs en résidence alternée au domicile de chacun des parents lorsqu’ils sont réputés à la charge égale de l’un ou de l’autre parent. Par exemple, dans le cas d’un foyer monoparental composé de deux enfants dont le plus jeune est en résidence alternée, la majoration du plafond est de 50 % pour l’enfant le plus âgé et de 15 % (soit 30 % divisé par 2) pour l’enfant le plus jeune.
Le rang des personnes membres du foyer est déterminé selon la composition du foyer considéré dans l’ordre décroissant suivant :
- le conjoint ou le concubin ou le partenaire lié par un PACS ;
- les enfants et les autres personnes considérées comme étant à charge (cf. infra, section 2, § 1, A), par ordre décroissant d’âge.
La notion de foyer ne s’entend que pour les membres de la famille du demandeur qui résident sur le territoire français. Lorsque l’épouse et les enfants du demandeur vivent à l’étranger, ils ne peuvent être intégrés à son foyer pour l’examen de son droit propre à la protection complémentaire (1).
En outre, le foyer à prendre en compte est celui respectant les conditions de résidence stable et régulière en France. L’épouse du demandeur en situation irrégulière ne peut être intégrée au foyer (2).
B. L’ASSIETTE DES RESSOURCES
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2 et R. 861-4 à R. 861-10 ; lettre ministérielle DSS/2A du 8 avril 2008, NOR : SJSS0830321Y]
I. Les ressources prises en compte...
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2, R. 861-4 et R. 861-8, alinéa 1]
L’ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour déterminer le droit à la protection complémentaire en matière de santé, après déduction des charges consécutives aux versements des pensions et obligations alimentaires. Sont exclus le revenu de solidarité active, la prime d’activité, certaines prestations à objet spécialisé (cf. infra, C) et tout ou partie des rémunérations de nature professionnelle lorsque celles-ci ont été interrompues. Les ressources prises en compte sont celles qui ont été effectivement perçues au cours de la période des douze mois civils précédant la demande. Elles comprennent l’ensemble des ressources nettes de prélèvements sociaux obligatoires, de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), de quelque nature qu’elles soient, des personnes composant le foyer, y compris les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux.
(A noter)
Lorsque des ressources supplémentaires ont été versées au titre de cette période de référence de douze mois mais perçues après celle-ci, en l’espèce il s’agissait de l’allocation aux adultes handicapés, ces ressources supplémentaires ne peuvent justifier que la caisse d’assurance maladie déclenche une procédure de remboursement des prestations obtenues par le bénéficiaire de la protection complémentaire. En effet, au moment de l’ouverture des droits, les ressources de l’intéressé ne dépassaient pas le plafond d’attribution (3).
II. ... et leur appréciation
a. Les aides personnelles au logement et les avantages en nature procurés par un logement
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2, R. 861-5 et R. 861-7 ; lettre ministérielle DSS/2A du 8 avril 2008, NOR : SJSS0830321Y]
Les aides personnelles au logement (aide personnalisée au logement, allocation de logement familiale ou sociale) sont prises en compte à concurrence d’un forfait, identique pour les premières demandes et les demandes de renouvellement. Ce forfait s’établit à :
- 12 % du montant forfaitaire du RSA pour un allocataire, lorsque le foyer est composé d’une personne ;
- 16 % du montant forfaitaire du RSA pour deux personnes, lorsque le foyer est composé de deux personnes ;
- 16,5 % du montant forfaitaire du RSA pour trois personnes, lorsque le foyer se compose de trois personnes ou plus.
Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d’aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer du demandeur sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire à :
- 12 % du montant forfaitaire du RSA fixé pour un allocataire lorsque le foyer se compose d’une personne ;
- 14 % du montant forfaitaire du RSA fixé pour deux personnes lorsque le foyer se compose de deux personnes ;
- 14 % du montant forfaitaire du RSA fixé pour trois personnes lorsque le foyer se compose de trois personnes ou plus.
L’avantage en nature que représente l’occupation à titre gratuit d’un logement par l’auteur de la demande de protection complémentaire doit être pris en compte pour l’évaluation des ressources de celui-ci. La commission centrale d’aide sociale avait écarté des ressources de l’intéressé l’avantage en nature dont il bénéficiait au titre d’un hébergement gratuit par ses parents, au motif que le demandeur était hébergé dans des conditions qui ne sont pas celles de continuité et d’autonomie caractéristiques normales d’un logement. En ajoutant une condition à celles qui sont prévues par les dispositions de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, la commission centrale d’aide sociale a commis une erreur de droit. Sa décision est en conséquence annulée (4).
L’exonération de taxe foncière est sans incidence pour la prise en compte du forfait logement (5).
b. Les autres avantages en nature et les libéralités
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-6-1 ; lettre ministérielle DSS/2A du 8 avril 2008, NOR : SJSS0830321Y]
Les avantages en nature, autres que ceux qui sont procurés par le logement, et les libéralités servis par des tiers sont pris en compte lorsqu’ils excèdent 7 % du plafond de ressources de la protection complémentaire applicable pour une personne seule (6) (cf. supra, A).
Ce plancher est calculé indépendamment de la taille du foyer, et c’est le plafond de la protection complémentaire qui sert de base au calcul du taux de 7 % même si c’est l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) qui a été demandée. Ne sont toutefois pas retenus dans cette assiette les avantages en nature exclus des ressources prises en compte (cf. infra, C, 1).
c. Les prestations familiales
[Circulaire DSS/2 A n° 2002-639 du 20 décembre 2002, NOR : SANS0230653C, BOMES n° 2003-10]
A l’exception de celles qui sont exclues des ressources (cf. infra, C), les prestations familiales sont prises en considération dans l’assiette des ressources, pour leur montant réel. Un système d’échanges informatiques entre les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses d’allocations familiales permet aux caisses d’assurance maladie de connaître ce montant.
d. Les biens non productifs de revenu
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-6 ; lettre ministérielle DSS/2A du 8 avril 2008, SJSS0830321Y]
Les biens non productifs de revenu sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à :
- 50 % de leur valeur locative (CGI, art. 1494 à 1508 et art. 1516 à 1518 B) s’il s’agit d’immeubles bâtis ;
- 80 % de la valeur locative (CGI, art. 1509 à 1518 A) s’il s’agit de terrains non bâtis ;
- 3 % du montant des capitaux. Les ressources placées ne procurant pas de revenu au cours de la période de référence (par exemple les assurances vie) sont intégrées dans les ressources à hauteur de 3 %.
Le revenu procuré par les immeubles bâtis et les terrains non bâtis, situés sur un territoire dans lequel aucune valeur locative n’est applicable ou ne peut être connue (cas des biens qui sont situés à l’étranger), est déterminé en appliquant les pourcentages indiqués ci-dessus à la valeur locative de la résidence principale du demandeur.
Les avantages en nature procurés par un logement occupé par son propriétaire ne bénéficiant pas d’aide personnelle au logement, ou, à titre gratuit, par les membres du foyer du demandeur ne sont pas soumis à ces règles (cf. supra, a).
e. L’allocation aux adultes handicapés
[Lettre ministérielle DSS/2 A du 26 juillet 2001, NOR : MESS0130599Y, BOMES n° 2001-34]
L’allocation aux adultes handicapés (AAH) doit être prise en compte dans les ressources du demandeur :
- pour son montant réduit lorsque la personne est placée dans un établissement de santé, dans une maison d’accueil spécialisée ou dans un établissement pénitentiaire et que l’allocation est de ce fait réduite (C. séc. soc., art. R. 821-8) ;
- pour son montant réellement perçu dans les autres cas.
La majoration pour la vie autonome, complément de l’AAH, est incluse dans les ressources prises en compte pour le calcul du droit à la protection complémentaire (7).
III. L’abattement
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-8, alinéas 2 et suivants ; lettre-circulaire DSS/2A du 27 décembre 2001, NOR : MESS0130813C, BOMES n° 2002/5]
a. Un abattement sur les revenus d’activité
Un abattement de 30 % est appliqué sur les rémunérations d’activité perçues par toutes les personnes composant le foyer, pendant la période de référence, si l’intéressé :
- justifie d’une interruption de travail supérieure à six mois pour longue maladie ;
- se trouve en chômage total et perçoit l’allocation d’assurance chômage ou est en activité partielle (ex-chômage partiel) et touche l’indemnité d’activité partielle prise en charge par l’Etat. La rémunération des stagiaires de la formation professionnelle est assimilée, pendant la durée de la formation et pour l’application de l’abattement, à l’allocation de chômage à laquelle elle s’est substituée lors de l’entrée en formation ;
- perçoit l’allocation temporaire d’attente ;
- perçoit l’allocation de solidarité spécifique ;
- est sans emploi et perçoit une rémunération de stage de formation professionnelle légale, réglementaire ou conventionnelle. Toutefois, il n’est pas tenu compte des rémunérations de stages de formation professionnelle légales, réglementaires ou conventionnelles reçues pendant l’année de référence lorsque l’intéressé justifie que leur perception est interrompue de manière certaine et qu’il ne peut prétendre à un revenu de substitution.
b. Son appréciation
A propos des situations de chômage indemnisé, l’administration précise que l’abattement doit être appliqué à toute personne membre du foyer dès lors que celle-ci se trouve en situation de chômage indemnisé à la date de dépôt de la demande de protection complémentaire en matière de santé. L’abattement s’applique uniquement sur les rémunérations d’activité perçues par l’intéressé pendant la période de référence ; sont donc exclues de l’abattement les ressources de chaque personne en chômage indemnisé d’une autre nature et les ressources des autres membres du foyer.
L’abattement est de droit lorsque les conditions de perception de l’une de ces allocations, et non seulement le droit à celles-ci, sont remplies.
S’agissant de l’allocation d’aide au retour à l’emploi versée par le régime d’assurance chômage, l’abattement de 30 % est pratiqué sur les revenus d’activité dès lors que l’intéressé remplit juridiquement la condition de perception de l’allocation à la date de dépôt de la demande de protection complémentaire en matière de santé, même si le premier versement n’a pas encore été effectué, en raison de l’application du délai de carence et du différé d’indemnisation.
IV. Les précisions apportées par l’administration...
[Lettre ministérielle DSS/2 A du 28 janvier 2002, NOR : MESS0230019Y, BOMES n° 2002-7]
La commission centrale d’aide sociale a rendu plusieurs jugements relatifs au droit à la protection complémentaire en matière de santé qui sont apparus à la direction de la sécurité sociale (DSS) comme « non conformes à la législation et à la réglementation en vigueur ». Aussi, cette dernière a-t-elle apporté quelques précisions par voie de circulaire.
Selon la direction de la sécurité sociale, aucune disposition législative ou réglementaire ne permet de déduire de l’ensemble des ressources du foyer :
- les sommes affectées au paiement de dépenses d’hébergement et d’entretien des intéressés, notamment dans le cas des personnes âgées ou handicapées placées en institution et bénéficiaires de l’aide sociale ;
- la taxe foncière ou tout impôt autre que la CSG et la CRDS ;
- les frais professionnels exposés par les intéressés.
La DSS rappelle que les seules charges, en dehors de la CSG et de la CRDS, venant en déduction des ressources prises en compte, sont celles consécutives aux versements des pensions et obligations alimentaires (cf. infra, C, II).
V. ... et par la jurisprudence
La commission centrale d’aide sociale avait considéré qu’un enfant majeur faisant partie d’un foyer au sens de l’article R. 861-2 du code de la sécurité sociale (cf. infra, section 2, § 1, A, en l’espèce l’enfant percevait une pension alimentaire faisant l’objet d’une déduction fiscale), pouvait présenter une demande autonome de protection complémentaire en matière de santé et qu’il convenait dans ce cas de « prendre en considération les ressources d’un foyer composé d’une seule personne ».
Cette décision a été annulée par le Conseil d’Etat, la commission centrale d’aide sociale ayant entaché sa décision d’une erreur de droit.
Le droit à une protection complémentaire en matière de santé d’une personne faisant partie d’un foyer doit, alors même que cette personne n’est pas celle à qui il appartient de faire au nom de son foyer la demande de couverture complémentaire, être apprécié dans le cadre de ce foyer et compte tenu de l’ensemble de ses ressources. Les ressources prises en compte devaient donc inclure le salaire perçu par le jeune au titre d’un stage de formation professionnelle (8). La direction de la sécurité sociale avait condamné l’interprétation de la commission centrale d’aide sociale, qui « aboutit à une inégalité de traitement entre des foyers aux ressources identiques dont les uns auraient déposé une demande signée par l’un des parents, ceux-ci se voyant refuser le bénéfice de la protection complémentaire en matière de santé [pour dépassement du plafond de ressources], et les autres auraient déposé une demande signée par l’un des enfants âgés de moins de 25 ans : ce dernier pourrait se voir attribuer la protection complémentaire en matière de santé en l’absence de prise en compte des ressources des parents » (lettre ministérielle DSS/2 A du 28 janvier 2002, NOR : MESS0230019Y).
C. LES RESSOURCES EXCLUES, LES CHARGES DÉDUITES
I. Les ressources exclues
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-10]
Ne sont pas prises en compte dans les ressources notamment les prestations suivantes :
- l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, ses compléments et la majoration spécifique (C. séc. soc., art. L. 541-1, L. 541-4 et L. 755-20) ;
- l’allocation de rentrée scolaire (C. séc. soc., art. L. 543-1 et L. 755-22) ;
- les primes de déménagement (C. séc. soc., art. L. 542-8 et L. 755-21 ; CCH, art. L. 351-5) ;
- la prestation complémentaire pour recours à tierce personne et les majorations pour tierce personne ainsi que la prestation de compensation du handicap (CASF, art. L. 245-1), l’allocation compensatrice et l’allocation personnalisée d’autonomie (CASF, art. L. 232-1) ;
- les prestations en nature dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité ou de l’assurance accident du travail ;
- l’indemnité en capital attribuée à la victime d’un accident du travail (C. séc. soc., art. L. 434-1) ;
- la prime de rééducation et le prêt d’honneur (C. séc. soc., art. R. 432-10) ;
- la prestation d’accueil du jeune enfant, à l’exception de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (C. séc. soc., art. L. 531-1 et L. 755-19) ;
- les aides et les secours financiers versés par des organismes à vocation sociale dont le montant ou la périodicité n’ont pas de caractère régulier ainsi que ceux qui sont affectés à des dépenses concourant à l’insertion du bénéficiaire et de sa famille, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l’éducation et de la formation ;
- les bourses d’études des enfants, à l’exception des bourses de l’enseignement supérieur qui sont comptées dans les ressources ;
- les frais funéraires (C. séc. soc., art. L. 435-1) ;
- le capital-décès servi par un régime de sécurité sociale ;
- l’allocation du fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d’Afrique du Nord (loi de finances pour 1992 n° 91-1322 du 30 décembre 1991, art. 125) ;
- l’aide spécifique en faveur des conjoints survivants des membres des formations supplétives (loi n° 94-488 du 11 juin 1994, art. 10, al. 1 et 3) ;
- les indemnités et prestations versées aux volontaires en service civique (C. service national, art. L. 120-21) ;
- le revenu de solidarité active et la prime d’activité (CASF, art. L. 262-2, C. séc. soc., art. L. 842-1 ; sur les bénéficiaires du RSA, cf. encadré, p. 44).
II. Les charges déduites des ressources
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-9]
Les charges consécutives aux versements des pensions et obligations alimentaires sont déduites des ressources.
III. Les précisions de l’administration...
[Circulaire DSS/2A n° 2002-110 du 22 février 2002, NOR : MESSS023009C, BOMES n° 2002-13]
La commission centrale d’aide sociale considère que, pour l’examen d’une disposition juridique fondée sur les ressources de quelque nature qu’elles soient, le produit de la vente d’un immeuble n’a pas à être inclus dans les ressources prises en compte du fait qu’il s’agit non d’un revenu mais du produit d’un capital.
Pour l’administration, cette règle jurisprudentielle doit être appliquée à la protection complémentaire en matière de santé pour la vente de biens meubles ou immeubles mais aussi en cas de versement par les entreprises d’assurance de sommes destinées au remboursement de biens (notamment dans le cadre d’assurances automobile et habitation, qu’il s’agisse de la réparation d’un sinistre ou d’un vol). Ces versements ne sont pas assimilés à des ressources puisqu’ils visent à compenser la perte d’un capital et non de revenus.
N’ont pas non plus à être intégrés dans les ressources les versements effectués par l’employeur au titre de l’indemnisation de frais de restauration, d’hôtellerie et de transport dans le cadre de déplacements professionnels.
IV. ... et celles de la jurisprudence
Le Conseil d’Etat a rappelé qu’à l’exception de ressources définies par leur objet ou leur nature, et dont la liste est fixée par voie réglementaire (cf. supra, I), toutes les ressources dont a bénéficié un foyer, quelle que soit la date à laquelle est née la créance, au cours de la période de douze mois précédant la demande, sont prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé.
Entrent dans ces ressources non seulement celles qui sont perçues directement par le bénéficiaire mais aussi celles qui sont versées à un tiers autorisé, soit par un texte législatif ou réglementaire, soit par un pouvoir librement donné par ce bénéficiaire, à encaisser en ses lieu et place ces revenus afin de les affecter à des dépenses exposées par l’intéressé. Ainsi, les pensions, les rentes ou les prestations dont sont bénéficiaires les personnes âgées ou infirmes hébergées dans un établissement et qui sont encaissées, pour permettre le paiement des frais de séjour, par le comptable de l’établissement, soit obligatoirement, soit à la suite du libre choix de l’intéressé, sont prises en compte dans les ressources (9).
D. L’ÉVALUATION DU TRAIN DE VIE
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2-1 et R. 861-15-1 à R. 861-15-7 ; circulaire DSS/2A n° 2008-181 du 6 juin 2008, NOR : SJSS0830475C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2008/6]
Lorsque la caisse d’assurance maladie constate, à l’occasion de l’instruction d’une demande ou lors d’un contrôle, une disproportion marquée entre, d’une part, le train de vie du demandeur ou du bénéficiaire et, d’autre part, les ressources qu’il déclare, une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie est effectuée. Cette évaluation forfaitaire est prise en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire.
La procédure d’évaluation des ressources selon les éléments de train de vie a pour objectif, précise la circulaire du 6 juin 2008, « de mettre un terme à des situations, rares mais choquantes, de personnes pour lesquelles le bénéfice de [...] prestations sociales n’est pas justifié ». Elle a été conçue essentiellement « afin de doter les agents chargés du contrôle d’un outil supplémentaire de détection de la fraude ou de la fausse déclaration ».
(A noter)
Ces règles s’appliquent également à l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (cf. infra, chapitre 3).
I. Les personnes concernées
La mise en œuvre de l’évaluation forfaitaire des éléments de train de vie est envisagée dans deux catégories de situations.
a. La dissimulation de ressources
La première situation est celle des personnes qui dissimulent leurs ressources afin d’obtenir le bénéfice de la protection complémentaire. Le niveau de leurs dépenses ou le patrimoine dont elles disposent laissent manifestement supposer une dissimulation de leurs ressources.
b. L’existence d’un patrimoine important
Dans certaines situations, rares, des personnes ne faisant état d’aucun revenu tiré d’une activité professionnelle possèdent néanmoins un patrimoine important qui ne justifie pas le bénéfice de la protection complémentaire. Il s’agit de personnes qui ne dissimulent aucunes ressources, qui ne fraudent pas, mais qui peuvent, en l’état de la réglementation de droit commun, se voir attribuer la protection complémentaire alors même qu’elles disposent d’un patrimoine important (elles sont propriétaires de biens immobiliers de grande valeur ou disposent de capitaux les assujettissant à l’impôt sur la fortune).
II. Les éléments de train de vie pris en compte
a. La période de référence
[Code de la sécurité sociale, articles L. 861-2-1, alinéa 2, et R. 861-15-2]
Les éléments de train de vie à prendre en compte sont ceux dont la personne a disposé au cours de la période correspondant à la déclaration de ses ressources, c’est-à-dire au cours de la période des douze mois civils précédant la demande de protection complémentaire. Ces éléments sont retenus, que la personne en ait disposé en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit, précise l’article L. 861-2-1 du code de la sécurité sociale.
Les dépenses doivent avoir été engagées pendant la période de référence. En cas d’achat d’un bien à crédit, seul le montant des mensualités de crédit effectivement réglées sera pris en compte (circulaire DSS/2A n° 2008-181 du 6 juin 2008, NOR : SJSS0830475C).
b. Le barème
[Code de la sécurité sociale, articles R. 861-15-1 et R. 861-15-3]
Le barème permettant d’évaluer le train de vie prend en compte quatre éléments :
- les éléments de train de vie : les éléments de vie à usage professionnel sont exclus de l’évaluation ; en cas d’usage mixte, l’évaluation est effectuée au prorata de l’usage privé ou personnel ;
- la base d’évaluation ;
- le taux applicable ;
- le mode d’évaluation.
Les éléments suivants sont retenus, selon les modalités décrites par l’article R. 861-15-1 du code de la sécurité sociale et la circulaire précitée du 6 juin 2008 qui reprend le barème en annexe I :
- les propriétés bâties détenues ou occupées par le demandeur ou le bénéficiaire ;
- les propriétés non bâties détenues ou occupées par le demandeur ou le bénéficiaire ;
- les travaux, les charges et les frais d’entretien des immeubles ;
- les personnels et les services domestiques ;
- les automobiles, les bateaux de plaisance, les motocyclettes ;
- les appareils électroménagers, les équipements son-hifi-vidéo, les matériels informatiques ;
- les objets d’art ou de collection, les articles de joaillerie et les métaux précieux ;
- les voyages, les séjours en hôtels et les locations saisonnières, les restaurants, les frais de réception, les biens et services culturels, éducatifs, de communication ou de loisirs ;
- les clubs de sports et de loisirs, les droits de chasse ;
- les capitaux.
La valeur vénale des biens est la valeur réelle à la date de la disposition. Sont retenus notamment à fin d’évaluation, lorsqu’ils existent, le montant garanti par le contrat d’assurance, l’estimation particulière effectuée par un professionnel, la référence issue d’une publication professionnelle faisant autorité.
III. L’information préalable de la personne
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-15-4]
Lorsqu’elle envisage de faire usage de la procédure d’évaluation des ressources selon des éléments de train de vie, la caisse primaire d’assurance maladie en informe le demandeur par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre a un double objectif :
- elle l’informe de l’objet de la procédure engagée, de son déroulement, de ses conséquences, de sa possibilité de demander à être entendu et à être assisté, lors de cet entretien, du conseil de son choix, des sanctions applicables en cas de déclarations fausses ou incomplètes. Elle indique également que le résultat de cette évaluation sera transmis aux autres organismes de sécurité sociale qui lui attribuent, le cas échéant, des prestations sous conditions de ressources ;
- elle l’invite à renvoyer, dans un délai de trente jours, le questionnaire adressé par l’organisme visant à évaluer les différents éléments de son train de vie, accompagné de toutes les pièces justificatives. Elle précise qu’à défaut de réponse complète dans ce délai les dispositions suivantes seront appliquées. Sauf en cas de force majeure, la non-présentation des pièces justificatives demandées, la présentation de faux documents ou de fausses informations entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d’instruction de la demande jusqu’à la réception des pièces requises, soit du versement de la prestation jusqu’à la production des pièces demandées (C. séc. soc., art. L. 161-1-4, al. 3, et D. 161-1-3).
La circulaire de la direction de la sécurité sociale du 6 juin 2008 ajoute que le demandeur ou le bénéficiaire de la protection complémentaire est également informé que ses déclarations portant sur ses éléments de train de vie feront l’objet d’un contrôle systématique, notamment par l’exercice du droit de communication prévu aux articles L. 114-19 à L. 114-21 du code de la sécurité sociale.
IV. Le seuil à ne pas dépasser
[Code de la sécurité sociale, article R. 861-15-5]
La disproportion marquée entre le train de vie et les ressources déclarées est constatée si le montant du train de vie évalué forfaitairement est supérieur ou égal à une somme correspondant au double du plafond exigé pour l’octroi de la protection complémentaire augmentée, pour la période de référence, des revenus perçus au titre des prestations et des rémunérations exclues en tout ou en partie des ressources déclarées. Sont visés les ressources exclues (cf. supra, C, I) et les revenus faisant l’objet d’un abattement (cf. supra, B, III).
V. L’issue de l’évaluation
[Code de la sécurité sociale, articles R. 861-15-5 et R. 861-15-6 ; circulaire DSS/2A n° 2008-181 du 6 juin 2008, NOR : SJSS0830475C]
a. Si le seuil est dépassé
En cas de dépassement du seuil, l’évaluation forfaitaire des éléments du train de vie est prise en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire. Elle se substitue alors aux ressources déclarées.
L’administration précise que « dans le cas où ces ressources avaient été déclarées conformément à la réglementation en vigueur, il ne saurait en résulter un indu à rembourser pour le passé. Sauf cas de fraude, les règles et procédures du recouvrement de l’indu ne sont donc pas applicables ».
Le constat de la disproportion marquée n’a d’effet que pour l’avenir. Il a une incidence sur :
- la décision relative à l’attribution du droit, si ce constat est effectué à l’occasion d’une demande ;
- le renouvellement du droit si le constat est effectué à l’occasion d’un contrôle au cours de la période de droit. Le renouvellement ne peut alors être accordé que si l’intéressé établit lors de la demande de renouvellement que la disproportion a cessé, ce qui suppose une nouvelle évaluation du train de vie.
b. La prise en compte de circonstances exceptionnelles
Lorsque les ressources prises en compte selon l’évaluation forfaitaire du train de vie ne donnent pas droit à la protection complémentaire, son attribution ou son renouvellement ne sont pas refusés en cas de circonstances exceptionnelles liées notamment à la situation économique et sociale du foyer, ou s’il est établi que la disproportion marquée a cessé.
La circulaire du 6 juin 2008 cite le cas des « disproportions occasionnelles », notamment le bénéfice d’une succession, le versement par un tiers d’une libéralité de faible montant. Ces événements augmentent ponctuellement les ressources mais ne modifient pas fondamentalement la situation sociale du bénéficiaire. La charge de la preuve appartient au demandeur ou au bénéficiaire, qui peut toujours établir que la disproportion a cessé. « Le constat de disproportion, en substance, aura créé une présomption de non-droit à la prestation, que le demandeur pourra toujours essayer de contredire. »
Les circonstances exceptionnelles en cas de situation économique ou sociale dégradée sont appréciées par la caisse d’assurance maladie.
c. La notification
A l’issue de l’évaluation, la caisse d’assurance maladie transmet à la personne une décision motivée par laquelle elle prononce le droit à la prestation ou elle le refuse, ou, dans le cadre d’un contrôle, elle notifie à l’intéressé que le renouvellement lui sera refusé à échéance, sauf s’il établit que la disproportion a cessé. La caisse produit, à cette occasion, les éléments qui l’ont conduit à prendre sa décision : ressources, barème du train de vie, éléments afférents à une situation exceptionnelle...
Si la protection complémentaire est refusée à la suite de la prise en compte de l’évaluation forfaitaire, la décision est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle est motivée et indique les voies et délais de recours dont dispose l’intéressé.
Les bénéficiaires du RSA
Les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) sont réputés satisfaire aux conditions de résidence stable et régulière (cf. supra, § 1) et de ressources (cf. supra, § 2) fixées pour l’attribution de la protection complémentaire (C. séc. soc., art. L. 861-2, dernier al.).
Rappelons que bénéficie du RSA toute personne résidant en France de manière stable et effective dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire qui varie selon sa composition et sa situation professionnelle (CASF, art. L. 262-2 et suivants).
Les bénéficiaires du RSA n’ont pas à remplir de formulaire de demande de protection complémentaire ; cette demande est incluse dans la demande de RSA (cf. infra, section 2, § 1).
Les mêmes dispositions s’appliquent aux demandeurs du RSA dont les ressources apparaissent a priori inférieures au montant forfaitaire du RSA (circulaire interministérielle DSS/2A n° 2009-181 du 30 juin 2009, NOR : SASS0916024C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2009/7).
S’agissant des jeunes âgés de 18 à moins de 25 ans titulaires du RSA « jeunes » (CASF, art. L. 262-7-1), ils bénéficient également de la protection complémentaire selon les mêmes modalités que les adultes. L’administration, dans une circulaire du 25 octobre 2010, a précisé que l’attribution de la protection complémentaire aux jeunes de 18 à 25 ans titulaires du RSA n’emporte aucune conséquence sur les modalités d’examen des droits à la protection complémentaire (ou à l’aide au paiement d’une complémentaire santé-ACS) de leurs parents. Si ces derniers déposent une demande de protection complémentaire ou d’ACS postérieurement à l’attribution de la protection complémentaire à leur enfant, leur demande doit être examinée au regard de l’ensemble du foyer, lequel comprend, le cas échéant, l’enfant de 18 à 25 ans bénéficiant de la protection complémentaire (circulaire n° DSS/2A n° 2010-381 du 25 octobre 2010, NOR : SASS1027313C, BO Santé-Protection sociale-Solidarités n° 2010/11).
(1)
CCAS, 18 septembre 2013, n° 120421, Cahiers de jurisprudence de l’aide sociale, n° 2014/01.
(2)
CCAS, 8 octobre 2014, n° 130207, Cahiers de jurisprudence de l’aide sociale, n° 2016/04.
(3)
Cass. civ. 2e, 15 mars 2012, n° 11-10163, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(4)
Conseil d’Etat, 12 février 2003, n° 240855, CPAM de Bayonne, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(5)
CCAS, 12 avril 2011, n° 101150, Cahiers de jurisprudence de l’aide sociale, n° 2011/06.
(6)
Soit 605,71 € par an ou 50,47 € par mois (674,17 € par an et 56,21 € par mois dans les DOM), depuis le 1er avril 2016.
(7)
CCAS, 18 mai 2011, n° 101431, Cahiers de jurisprudence de l’aide sociale, n° 2011/06.
(8)
Conseil d’Etat, 13 novembre 2002, n° 241380, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(9)
Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 239757, consultable sur www.legifrance.gouv.fr