L’hébergement d’urgence est un hébergement de courte durée pendant lequel la situation des personnes est évaluée ; elles seront aidées dans leurs démarches d’accès aux droits et orientées, selon leurs besoins, vers le logement ou vers une structure adaptée. Ce type d’hébergement vise à répondre à une nécessité de mise à l’abri immédiate pour toute personne ne disposant pas d’un toit à un instant donné.
Les structures d’hébergement d’urgence regroupent notamment les centres d’hébergement d’urgence, les sections d’urgence des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les hébergements de stabilisation.
Le recours aux nuitées d’hôtel est également fréquent pour répondre aux besoins d’hébergement d’urgence.
Dans un autre registre, les lits halte soins santé et les lits d’accueil médicalisés viennent en aide aux personnes sans domicile confrontées à des problèmes de santé (cf. infra, A savoir aussi, section 2).
A. LES CENTRES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE
Les centres d’hébergement d’urgence proposent un accueil de courte durée sans condition préalable. Ils doivent toutefois fournir une information aux personnes hébergées, notamment sur leurs droits fondamentaux.
I. Le cadre général
Les centres d’hébergement d’urgence constituent un hébergement temporaire de personnes ou de familles sans abri. Il n’y a pas de condition d’accueil préalable, notamment de ressources.
Les formes de ces centres sont variées allant du dortoir à la chambre individuelle. Le séjour dure aussi longtemps qu’une solution durable n’est pas proposée à la personne ou à la famille, sauf si elle ne le souhaite pas ou enfreint le règlement intérieur du centre d’hébergement (cf. supra, § 1). Les centres sont ouverts 24 heures sur 24.
En pratique, les centres d’hébergement sont essentiellement gérés par des associations ou des centres communaux d’action sociale.
II. Le droit à l’information
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 311-4, L. 345-2-11 et D. 345-11]
Dans les centres d’hébergement, « toute personne prise en charge [...] a accès à une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières dont elle bénéficie, sur les voies de recours à sa disposition et les moyens de les exercer, ainsi qu’à la liste des associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement agréées dans le département ». En outre, le référentiel AHI doit trouver à s’appliquer (cf. supra, section 1, § 1).
Afin de garantir l’accès à l’information sur ces droits fondamentaux, les centres d’hébergement ne relevant pas du régime de l’autorisation, c’est-à-dire, en l’espèce, les structures autres que les CHRS qui relèvent des dispositions relatives aux établissements et services sociaux et médico-sociaux, doivent remettre à la personne accueillie (ou le cas échéant à son représentant légal), la charte des droits et libertés des personnes accueillies fixée par un arrêté du 8 septembre 2003, au moment de son accueil. Ils doivent en outre :
- lui remettre la liste des associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement agréées dans le département, également au moment de son accueil. Pour permettre la mise en œuvre effective de cette obligation, le représentant de l’Etat dans le département doit tenir à jour cette liste (associations bénéficiant de l’agrément relatif à l’ingénierie sociale, financière et technique, associations agréées de défense des personnes en situation d’exclusion). Il la rend accessible au public sur un site Internet et la communique, à sa demande, au responsable du centre d’hébergement ;
- mettre à sa disposition les coordonnées des dispositifs d’accès au droit du département, qui pourront l’informer des voies et modalités de recours disponibles.
Dans tous les cas, ces éléments doivent également être affichés par le responsable du centre d’hébergement dans un lieu accessible à toutes les personnes accueillies.
B. LES SECTIONS D’URGENCE DES CHRS
[Code de l’action sociale et des familles, article R. 345-1]
La convention instituant un centre d’hébergement et de réinsertion sociale doit mentionner notamment les conditions dans lesquelles le centre assure l’accueil des personnes en situation d’urgence (sur les CHRS, cf. infra, section 3, § 1).
C. LES STRUCTURES DE STABILISATION
Cet hébergement, ouvert 24 heures sur 24, doit permettre aux personnes éloignées de l’insertion, de se stabiliser et de favoriser leur orientation ultérieure vers des structures adaptées à leur situation. Il propose un fonctionnement souple s’adressant à des personnes désocialisées ayant un passé plus ou moins long dans le dispositif d’hébergement et/ou en rupture avec les structures classiques.
La durée du séjour n’est pas limitée. Les places de stabilisation « offrent la possibilité d’un hébergement et d’un accompagnement social d’une durée suffisante pour assurer la recherche de solutions pérennes » (1).
Ces structures sont gérées par des centres communaux d’action sociale ou des associations (2).
D. LES NUITÉES HÔTELIÈRES
[Circulaire interministérielle DGCS/SD1/BUSH/DHUP/DIHAL/DGEF n° 2015-51 du 20 février 2015, NOR : AFSA1505081C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2015/4]
« Le recours en urgence à l’hébergement en hôtel est devenu de plus en plus fréquent au cours des cinq dernières années, principalement en Ile-de-France. L’Etat y a assuré l’hébergement de plus de 35 000 personnes chaque nuit en 2014, dont près de 5 000 au titre de la demande d’asile et près de 30 000 au titre du dispositif d’accueil généraliste, soit 86 % du total national. Près de 60 % des personnes hébergées le sont depuis plus de six mois. Les enfants représentent à eux seuls 50 % des hébergés à l’hôtel par les 115 (3). »
Le recours à l’hôtel n’est pas homogène selon les territoires et est concentré sur quatre régions : l’Ile-de-France (86 % des nuitées hôtelières), la Lorraine, le Rhône-Alpes et la Basse-Normandie.
Pourtant, ce dispositif est critiqué sur le terrain et jugé inadapté à la vie familiale. Ainsi, l’Observatoire du Samu social de Paris relève les difficultés liées aux conditions d’habitat en hôtel. Par exemple, « en hôtel, plus d’une personne sur cinq (21,8 %) déclare ne pas (pouvoir) y cuisiner » (4). Et les toilettes ne sont pas dans les chambres (ou ne fonctionnent pas) dans 31,1 % des cas (même chose pour les douches dans 33,4 % des cas). Les draps sont parfois en mauvais état (27,1 % des cas). Par ailleurs, dans les hôtels, « le couchage des enfants a lieu le plus souvent dans le lit des parents puisque dans plus de deux cas sur trois les enfants ne disposent pas de leur propre lit et dans un cas sur deux au moins un des enfants de la fratrie dort dans le lit parental » (5).
Le gouvernement admet également que « les conditions de vie à l’hôtel ne sont pas adaptées notamment pour la prise en charge des familles avec enfants ».
Aussi, pour remédier à la forte inflation du recours à l’hôtel comme solution d’hébergement, un plan de réduction du volume des nuitées hôtelières sur trois ans a été présenté par le gouvernement en février 2015.
De manière générale, l’objectif de réduction des nuitées hôtelières vise notamment à « répondre à la situation particulièrement préoccupante de l’Ile-de-France et des grandes métropoles ».
Le plan vise ainsi à aménager des solutions alternatives d’hébergement et de logements adaptés en évitant la création de 10 000 nuitées nouvelles ce qui se traduit annuellement par un objectif de substitution de 3 300 nuitées réparties entre les régions.
Trois solutions alternatives sont suggérées correspondant à 13 000 places sur trois ans :
- l’intermédiation locative dans le parc privé avec notamment le dispositif Solibail (cf. infra, section 4, § 2, A, IV) déjà mise en œuvre dans certains territoires avec un objectif de 9 000 places à créer sur trois ans ;
- le logement adapté (résidences sociales, pensions de famille) avec la création de 1 500 places ;
- les centres d’hébergement pour familles ou dans le diffus (6) (2 500 places créées).
S’agissant des demandeurs d’asile, il est proposé de substituer aux nuitées hôtelières « des solutions plus adaptées, permettant [à ces derniers] dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, au respect de l’unité familiale, de l’intimité et de la vie privée, de bénéficier de prestations assurant le gîte, l’hygiène et la préparation individuelle et collective du couvert ». Dans le cadre d’appels à projets, l’objectif est de « proposer chaque année 2 000 prises en charge alternatives à des demandeurs d’asile actuellement hébergés à l’hôtel ».
Parallèlement à la recherche de solutions alternatives, le plan prévoit d’organiser pour les personnes qui resteront hébergées dans le dispositif hôtelier « un accompagnement social afin d’améliorer leurs conditions de vie et leurs perspectives de sortie », par le recours à des équipes mobiles et le renforcement de l’accès aux dispositifs de proximité existants (protection maternelle et infantile, centre communal d’action sociale...). « Au minimum, ces personnes doivent toutes pouvoir faire l’objet d’une évaluation sociale. » Par ailleurs, les schémas départementaux de la domiciliation intégrés dans le plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (cf. supra, chapitre 1, section 3, § 1) devront prendre en compte les personnes hébergées en hôtel, la domiciliation permettant notamment d’accéder à certaines prestations sociales légales et à des services (sur la domiciliation, cf. infra, chapitre 3, section 2).
Afin de permettre aux personnes hébergées à l’hôtel de se nourrir convenablement, les associations d’aide alimentaire devront être en mesure de leur fournir des denrées davantage adaptées dans la mesure où elles n’ont pas accès à une cuisine.
(A noter)
Dans un arrêt du 23 décembre 2011, le Conseil d’Etat a jugé que la mise en œuvre du droit à l’hébergement d’urgence n’implique pas « nécessairement qu’il prenne la forme d’un hébergement en hôtel », ce type d’hébergement n’étant qu’une des modalités prévues par le dispositif de veille sociale. Dès lors, « l’encadrement de l’hébergement en hôtel, dans le but de le réserver aux personnes prioritaires à raison de leur situation d’extrême vulnérabilité, ne méconnaît pas, par lui-même, le droit reconnu par le législateur à toute personne sans abri, en situation de détresse, d’accéder à tout moment à une structure d’hébergement d’urgence » (7).
(1)
Cour des comptes, « La politique publique de l’hébergement des personnes sans domicile », novembre 2011, accessible sur www.assemblée-nationale.fr
(2)
ADOMA, « Guide des dispositifs d’hébergement », juillet 2011, consultable sur www.adoma.fr
(3)
Fondation Abbé-Pierre, « 21e rapport sur l’état du mal-logement en France », p. 138, février 2016, accessible sur www.fondation-abbe-pierre.fr
(4)
Observatoire du Samu social de Paris, « Enfants et familles sans logement personnel en Ile-de-France », octobre 2014, accessible sur www.samusocial.paris (notamment tableau n° 26).
(5)
Un logement social en diffus est intégré dans son environnement, par exemple, dans un programme immobilier classique.
(6)
Conseil d’Etat, 23 décembre 2011, n° 350884, accessible sur www.legifrance.gouv.fr