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Le droit à l’hébergement d’urgence

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La loi garantit un droit à un accueil inconditionnel et continu des personnes sans domicile ainsi qu’un droit à l’accompagnement personnalisé. Ces droits ont été explicités par la jurisprudence.


A. LES GARANTIES OFFERTES PAR LA LOI

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3]
Selon la loi, toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale doit avoir accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.
Cet hébergement d’urgence doit lui permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine,
  • de bénéficier de prestations assurant :
    • le gîte, le couvert et l’hygiène,
    • une première évaluation médicale, psychique et sociale réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs ;
  • d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier.
Par ailleurs, toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou encore vers un logement adaptés à sa situation.
Pour permettre l’effectivité de cet accueil d’urgence, « un plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées » prévoit les besoins en hébergement (CASF, art. L. 312-5-3) (cf. supra, chapitre 1, section 3, § 1).
Ainsi, le droit à un hébergement d’urgence repose sur les principes :
  • d’inconditionnalité et d’immédiateté de l’accueil ;
  • de continuité de la prise en charge ;
  • de fourniture d’un certain nombre de services.


B. LES APPORTS DE LA JURISPRUDENCE

La consécration de ce droit à l’hébergement d’urgence a ouvert une voie de recours pour les personnes sans abri en situation de détresse : elles peuvent saisir le tribunal administratif et introduire un recours en référé pour faire constater que le refus d’hébergement est illégal et qu’il y a urgence à désigner une structure d’hébergement ou introduire un recours sur le fond.
Ce recours en référé est distinct de celui exercé dans le cadre du droit à l’hébergement opposable dont les conditions d’exercice sont plus strictes (cf. infra, section 5).


I. Une liberté fondamentale

Dans le cadre des recours en référé, la jurisprudence a affirmé que le droit à l’hébergement d’urgence constitue une liberté fondamentale (1). En effet, « il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale » et « une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche peut [...] faire apparaître [...] une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ». « Désormais, les requérants pourront introduire une requête en référé liberté. Pour ces personnes, l’avantage est majeur : le juge administratif doit statuer dans un délai de 48 heures. Deux conditions doivent être cependant remplies : apporter la preuve de l’urgence de la situation et démontrer que le refus d’hébergement porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit, désormais fondamental, à l’hébergement d’urgence (2)»


II. Les tempéraments

Toutefois, l’application de ce droit peut être tempérée puisque le juge, en l’occurrence des référés, apprécie les « diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée » (3).
Ainsi, pour le Défenseur des droits, il résulte de cette jurisprudence que « l’intensité de l’obligation de moyens qui incombe aux autorités en matière d’hébergement d’urgence varie non seulement en fonction de l’état de saturation du dispositif d’hébergement mais également de l’état de vulnérabilité des personnes concernées » (4).
S’agissant du critère de l’âge, le juge a reconnu que les autorités avaient une obligation renforcée à l’égard des mineurs. En l’occurrence, elle a considéré, à propos d’un jeune mineur étranger qu’une « obligation particulière pèse, en ce domaine, sur les autorités du département en faveur de tout mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger » et ni l’absence de places disponibles, ni celle de crédits budgétaires ne suffisent à exonérer l’Etat de son obligation dans ce cas (5).
De la même manière, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a considéré que l’atteinte au droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence était caractérisée, et cela malgré la saturation du dispositif d’accueil, dans une affaire relative à une mère isolée ayant à sa charge deux enfants en bas âge, dont un souffrant d’une cardiopathie (6).
En revanche, l’urgence n’est pas retenue si la bénéficiaire d’un hébergement mis à sa disposition par les autorités locales l’a quitté « volontairement », « au motif qu’il ne lui convenait pas » (7).
Par ailleurs, dans le cas où l’état de santé du demandeur est en cause, le juge administratif prend en compte différents paramètres pour apprécier s’il justifie un hébergement d’urgence. Dans une espèce, il a considéré que « compte tenu des caractéristiques de l’hébergement d’urgence et des contraintes qui pèsent sur les structures d’accueil dans l’agglomération [...], et eu égard notamment à la situation de [l’intéressée] qui est sans charge de famille, ces éléments ne révèlent pas, nonobstant l’état de santé de l’intéressée, une méconnaissance grave et manifeste par l’Etat des obligations qui lui incombent » (8).
A noter que l’application de ce droit est plus restrictive lorsque sont concernées des personnes déboutées de l’asile et se trouvant sous le coup d’une mesure d’éloignement. En effet, « le bénéfice de ces dispositions [sur l’hébergement d’urgence] ne peut être revendiqué par l’étranger dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui a fait l’objet d’une mesure d’éloignement contre laquelle les voies de recours ont été épuisées qu’en cas de circonstances particulières faisant apparaître, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, une situation suffisamment grave pour faire obstacle à ce départ » (9). De même, le juge a considéré qu’un couple de ressortissants angolais déboutés du droit d’asile et parents de quatre enfants ne justifiait pas d’une situation de détresse nécessitant une prise en charge de manière exceptionnelle au titre d’un dispositif d’hébergement d’urgence, même s’il apparaît que l’état de santé des deux parents est « incompatible avec un maintien dans la rue » (10). De la même façon, la jurisprudence a précisé que « s’agissant [...] de ressortissants étrangers définitivement déboutés de leur demande d’asile, le droit à l’hébergement ne peut être utilement revendiqué qu’en cas de circonstances exceptionnelles survenant ou devenant telles dans la période strictement nécessaire à la mise en œuvre du départ volontaire et dont les conséquences sont susceptibles d’y faire obstacle » (11).


C. L’APPRÉCIATION DE LA CONTINUITÉ DE L’ACCUEIL

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 ; circulaire DGAS/1A/LCE n° 2007-90 du 19 mars 2007, NOR : SANA0730183C, BO Santé-Protection sociale-Solidarité, n° 2007-4]
La personne bénéficiant d’un hébergement d’urgence détient un « droit au maintien » également appelé « principe de continuité » garanti par l’article L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles.
Selon ce principe, une personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir « y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée ».
Le tribunal administratif de Paris a reconnu ce droit au maintien dans un hébergement comme une liberté fondamentale (12).
Une circulaire du 19 mars 2007 a explicité la mise en œuvre de ce principe.


I. Le champ du principe de continuité...

Ainsi, le respect de ce dernier implique :
  • la suppression de « toute notion de durée maximale de séjour dans les structures d’hébergement d’urgence, qu’il s’agisse de places dédiées dans des centres conventionnés ou de places dédiées dans des CHRS ». Seule la proposition d’orienter vers une structure pérenne doit commander la durée de séjour en hébergement d’urgence ;
  • l’organisation systématique d’un entretien d’évaluation/orientation avec la personne concernée. Cet entretien peut être mené par une équipe pluridisciplinaire permettant, le cas échéant, la prise en compte de la situation de santé. Si besoin, il peut être complété par des examens propres à détecter des difficultés de santé qui nécessitent une prise en charge appropriée en lien avec les structures spécialisées. Il doit permettre l’orientation vers une solution d’hébergement stable, une structure de soins ou un logement adapté à sa situation. Tant que cette orientation n’a pas eu lieu, la personne concernée doit pouvoir rester hébergée dans le même centre d’accueil, dans le même lit. L’accompagnement engagé lors de cet entretien peut utilement être concrétisé dans un document écrit, sous une forme appropriée. En conséquence, la structure d’hébergement d’urgence n’est affranchie de cette exigence que si la personne :
    • décide de son plein gré de quitter la structure,
    • ne s’y présente pas pendant une période fixée par le règlement intérieur de la structure,
    • refuse l’entretien,
    • adopte des comportements dangereux envers les personnes accueillies ou le personnel ;
  • la mise en place d’un suivi social adapté avec l’accord de la personne, pour toute orientation temporaire ou permanente. Ce suivi doit pouvoir être coordonné avec le suivi social de droit commun. Il doit pouvoir s’étendre également aux problématiques de santé, notamment aux soins psychiatriques. Cet entretien constitue le cadre dans lequel la personne hébergée peut faire valoir son droit à continuer d’être hébergée dans le même centre. Il est également le lieu où est proposée à la personne hébergée une orientation dans un hébergement ou un logement adapté, suscitant son adhésion.


II. ... et sa mise en œuvre

La mise en œuvre du principe de continuité varie selon les conditions d’accueil en hébergement d’urgence.
Lorsqu’il n’est pas fixé de règles de durée de séjour, la loi implique avant tout la mise en œuvre d’un suivi adapté, en accord avec la personne ; une orientation vers une structure adaptée doit être proposée « dans les meilleurs délais », souligne l’administration. A cette fin, si un accompagnement interne suffisant ne peut être mis en place, la formalisation d’une coopération avec des services extérieurs au centre, en priorité de droit commun, devra être recherchée afin d’éviter aux personnes accueillies des parcours itératifs sans autre perspective que la seule mise à l’abri. Ceci concerne notamment des petits accueils en milieu rural, des abris de nuit traditionnels et des hébergements hivernaux où l’accompagnement et le suivi font souvent défaut.
S’il est fixé des règles de durée de séjour, variables selon les structures, les conditions dans lesquelles une personne peut renouveler son séjour à l’issue d’une admission pour une période déterminée devront être réexaminées en fonction du principe de continuité. A défaut de proposition d’orientation dans les conditions indiquées par la loi, le renouvellement de la prise en charge doit être la règle.
Il est par ailleurs précisé que l’hébergement en hôtel ne constitue pas une solution d’hébergement ou de logement stable. Hors les résidences hôtelières à vocation sociale, le recours ponctuel à ce mode d’hébergement doit être limité aux seules situations d’urgence.
Par ailleurs, la règle consistant à fixer une durée maximale de séjour sur une période donnée contredit le principe de continuité (exemple : à la suite d’un hébergement accordé pour une période maximale de 15 jours, un nouvel hébergement ne peut être octroyé qu’à l’issue d’une période de deux mois).
Enfin, la mise en œuvre du principe de continuité ne doit pas empêcher le maintien d’un volet de places d’urgence immédiatement disponibles pour la mise en œuvre du dispositif de veille sociale au bénéfice des personnes réticentes à rester de manière durable dans une structure.


(1)
Conseil d’Etat, ordonnance du 10 février 2012, requête n° 356456, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(2)
Comité de suivi de la loi DALO, « Le droit à l’hébergement opposable en péril », Cahier n° 8, avril 2015, accessible sur www.hclpd.gouv.fr


(3)
Conseil d’Etat, ordonnance du 10 février 2012, préc.


(4)
Défenseur des droits, « Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais », octobre 2015, accessible sur www.defenseurdesdroits.fr


(5)
Conseil d’Etat, 12 mars 2014, requête n° 375956, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(6)
Tribunal administratif de Limoges, ordonnance du 18 avril 2014, n° 1400858.


(7)
Conseil d’Etat, 17 juin 2014, requête n° 380955, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(8)
Conseil d’Etat, 16 février 2016, requête n° 396731, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
Conseil d’Etat, 4 juillet 2013, requête n° 369750, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(10)
Conseil d’Etat, 15 mai 2014, requête n° 380289, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(11)
Conseil d’Etat, 17 juillet 2015, requête n° 391778, accessible sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
Tribunal administratif de Paris, 11 janvier 2013, n° 1300311/9, consultable sur www.jurislogement.org

SECTION 2 - L’HÉBERGEMENT D’URGENCE

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