Dans un premier temps, le bénéficiaire de ce droit peut saisir la commission de médiation. Si le demandeur reconnu prioritaire et urgent n’a pas été relogé dans les délais impartis, il peut s’adresser au juge administratif qui ordonnera, le cas échéant, son relogement ou son hébergement. Cette injonction peut éventuellement être assortie d’une astreinte financière pour contraindre l’Etat à exécuter sa décision. Le demandeur peut également exercer en parallèle un recours en responsabilité contre l’Etat, visant à obtenir une indemnisation du préjudice subi.
A. LE RECOURS DEVANT LA COMMISSION DE MÉDIATION
[Code de la construction et de l’habitation, articles L. 441-2-3, III et IV bis, R. 441-13, R. 441-14, R. 441-14-1, R. 441-18 et R. 441-18-2 ; arrêté du 18 avril 2014, NOR : ETLL1407567A, JO 15-05-14]
Le demandeur peut saisir, sans condition de délai, la commission départementale de médiation au moyen d’un formulaire signé par le demandeur, et précisant l’objet et le motif du recours, ainsi que ses conditions actuelles de logement ou d’hébergement(1). Il joint un certain nombre de pièces justificatives. Cette commission départementale est composée de 12 membres représentants de l’Etat, des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux, d’organismes intervenant pour le logement des personnes défavorisées, de gestionnaires de structures d’hébergement, d’une association de locataire ou d’organisations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées. Elle comprend également une personnalité qualifiée qui assure la présidence de la commission. Un accusé de réception est délivré à l’intéressé mentionnant la date du jour de réception de la demande.
I. La décision de la commission
La commission se prononce ensuite sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à accueillir le demandeur dans une structure d’hébergement. Elle tient notamment compte des démarches précédemment effectuées dans le département ou, pour l’Ile-de-France, dans la région (cf. supra, § 1, B). Elle dispose de six semaines pour rendre sa décision.
En outre, les propositions faites aux demandeurs reconnus prioritaires par les commissions de médiation ne doivent pas être « manifestement inadaptées à leur situation particulière » (CCH, art. L. 441-2-3, IV bis).
Si elle reconnaît le demandeur prioritaire pour être accueilli dans une structure d’hébergement, elle l’informe, dans la notification de sa décision, du délai dans lequel une proposition d’accueil doit lui être faite. Elle lui indique également qu’un refus de la proposition lui fait courir le risque de perdre le bénéfice de la décision en application de laquelle la proposition lui a été faite.
La commission de médiation transmet au représentant de l’Etat dans le département la liste des demandeurs pour lesquels doit être prévu un tel accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Elle précise, le cas échéant, les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social nécessaires.
(A noter)
La commission de médiation peut requalifier un recours DAHO en recours DALO et réciproquement. Dans ce cas, le préfet dispose d’un délai de trois ou six mois pour reloger le bénéficiaire (CCH, art. L. 441-2-3, IV et R. 441-15).
II. Le rôle du représentant de l’Etat et du SIAO
Le représentant de l’Etat dans le département doit alors désigner chaque demandeur au service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO, cf. supra, chapitre 1, section 2) aux fins de l’orienter vers un organisme disposant(2) :
- de places d’hébergement présentant un caractère de stabilité ;
- de logements de transition ou de logements dans un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale correspondant à ses besoins.
Cette orientation doit être effectuée dans le délai fixé par le représentant de l’Etat.
En cas d’absence d’accueil dans le délai fixé, le représentant de l’Etat dans le département désigne directement le demandeur à un tel organisme afin de l’héberger ou de le loger.
Au cas où l’organisme vers lequel le demandeur a été orienté ou à qui il a été désigné refuse de l’héberger ou de le loger, le représentant de l’Etat dans le département procède à l’attribution d’une place d’hébergement présentant un caractère de stabilité ou d’un logement de transition ou d’un logement dans un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale correspondant à ses besoins. Le cas échéant, cette attribution s’impute sur les droits à réservation du représentant de l’Etat. En Ile-de-France, il peut aussi demander au représentant de l’Etat d’un autre département d’effectuer une telle proposition ; en cas de désaccord, la proposition est faite par le représentant de l’Etat dans la région.
III. L’information des bénéficiaires
Les personnes auxquelles une proposition d’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale a été adressée reçoivent du représentant de l’Etat dans le département une information écrite relative aux dispositifs et structures d’accompagnement social présents dans le département dans lequel est situé cet hébergement, ce logement ou cette résidence et susceptibles d’effectuer le diagnostic ou l’accompagnement social préconisé par la commission de médiation. Le représentant de l’Etat dans le département attire également l’attention des bénéficiaires sur le fait qu’en cas de refus d’une proposition d’accueil non manifestement inadaptée à leur situation particulière ils risquent de perdre le bénéfice de la décision de la commission en application de laquelle la proposition leur est faite.
IV. Les suites données à la proposition d’orientation
L’organisme désigné par le SIAO, ou le cas échéant le représentant de l’Etat, doit alors donner suite à la proposition d’orientation, dans les conditions suivantes (CASF, articles L. 345-2-7 et L. 345-2-8) :
- lorsqu’elles bénéficient d’un financement de l’Etat, les personnes morales assurant un hébergement doivent mettre en œuvre les propositions d’orientation du SIAO et, le cas échéant, motiver leur refus d’admission ;
- lorsqu’ils bénéficient d’un financement de l’Etat, les organismes qui exercent des activités d’intermédiation et de gestion locative sociale, les logements-foyers et les résidences hôtelières à vocation sociale examinent les propositions d’orientation du SIAO et les mettent en œuvre selon les procédures qui leur sont propres.
B. LE RECOURS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
[Code de la construction et de l’habitation, articles L. 441-2-3-1, II et R. 441-18-2 ; code de justice administrative, article R. 778-2]
Un recours devant le tribunal administratif est ouvert à la personne qui a été reconnue par la commission de médiation comme :
- prioritaire ;
- et comme devant être accueillie dans une structure d’hébergement, un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale et qui n’a pas été accueillie, dans un délai fixé, dans l’une de ces structures.
Ce recours vise à ce que soit ordonné son accueil dans une structure d’hébergement, un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale.
Il doit être présenté dans les quatre mois à compter de l’expiration des délais fixés pour l’attribution d’une solution d’hébergement(3).
Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne statue en urgence, dans un délai de deux mois à compter de sa saisine.
Le magistrat qui fait droit à la demande ordonne l’accueil dans l’une de ces structures et peut assortir son injonction d’une astreinte dont le montant est déterminé en fonction du coût moyen du type d’hébergement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation.
Les grandes lignes du droit au logement opposable
A côté du droit à l’hébergement opposable, qui s’adresse aux personnes les plus en difficulté, demeure également le droit au logement opposable (DALO). La procédure applicable est très similaire – quoique dans des délais quelque peu différents – avec un recours amiable devant une commission de médiation, suivi d’un recours contentieux, le cas échéant.
Les bénéficiaires de ce droit sont différents.
En premier lieu, pour pouvoir saisir la commission de médiation, les intéressés doivent être de nationalité française ou disposer d’un droit ou d’un titre de séjour en cours de validité (cf. supra, § 1, C) et ne pas pouvoir se loger par leurs propres moyens dans un logement ordinaire, décent et indépendant.
En outre, peut saisir la commission de médiation dans le cadre du DALO le demandeur de logement locatif social, dès lors qu’il remplit les conditions réglementaires d’accès au logement social :
- s’il n’a reçu aucune proposition adaptée dans un délai dit « anormalement long » fixé par un arrêté du préfet au regard des circonstances locales ;
- sans condition de délai si, de bonne foi, il est dans une situation critique.
La « situation critique » recouvre le cas des personnes :
- dépourvues de logement. Le cas échéant, la commission apprécie la situation du demandeur logé ou hébergé par ses ascendants en tenant notamment compte de son degré d’autonomie, de son âge, de sa situation familiale et des conditions de fait de la cohabitation portées à sa connaissance ;
- menacées d’expulsion sans possibilité de relogement. Les intéressées doivent avoir fait l’objet d’une décision de justice prononçant l’expulsion ;
- hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale.Les personnes concernées doivent avoir été hébergées de façon continue depuis plus de six mois s’il s’agit d’une structure d’hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ou depuis plus de dix-huit mois si elles sont dans un logement de transition ou un logement-foyer ;
- • logées dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Dans ce cas, la commission tient compte des autres dispositions législatives qui mettent le relogement à la charge du propriétaire ou d’une collectivité.
Peuvent également saisir une commission de médiation sans condition de délai les personnes logées dans des locaux manifestement suroccupés, ou présentant un risque pour la sécurité ou la santé (escaliers, balcons, branchements électriques non conformes) ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, si elles ont au moins un enfant mineur, sont handicapées ou ont à leur charge au moins une personne en situation de handicap. Est considéré comme manifestement suroccupé le logement qui ne dispose pas d’une certaine surface (9 m2 pour une personne seule, 16 m2 pour deux personnes…). Pour être considéré comme indécent, deux des éléments d’équipement et de confort suivants doivent faire défaut au logement : une installation « permettant un chauffage normal », une installation d’alimentation en eau potable, des installations d’évacuation des eaux ménagères et eaux-vannes, une cuisine ou un coin cuisine avec un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide, une installation sanitaire comprenant W.-C. et baignoire ou douche, avec eau froide et chaude et un réseau électrique permettant l’éclairage et le fonctionnement des appareils ménagers courants.
Si la commission de médiation considère que la personne est prioritaire et qu’un logement doit lui être attribué en urgence, elle prend une décision favorable et l’envoie au préfet en précisant les caractéristiques du logement qu’il faudra attribuer à la personne compte tenu de ses besoins et de ses capacités. Le préfet est tenu de proposer un logement à la personne dans un délai de trois ou de six mois selon les départements.
Si l’intéressé n’obtient pas satisfaction, un recours contentieux est possible.
[Code de la construction et de l’habitation, articles L. 441-1-4, L. 441-2-3 et R. 441-14-1 ; code de la sécurité sociale, article D. 542-14,2° ; décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, article 3, JO du 31-01-02]
(1)
Formulaire Cerfa n° 15037*01.
(2)
Avant la loi ALUR du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le représentant de l’Etat dans le département désignait directement l’organisme devant accueillir le demandeur et disposait de six semaines au maximum à compter de la décision de la commission pour le faire (trois mois dans le cas où la commission préconisait un accueil dans un logement de transition ou dans un logement-foyer). Les dispositions réglementaires n’ont pas encore été modifiées à la suite de cette loi et le décret devra définir si les SIAO sont soumis aux mêmes délais.
(3)
La loi ALUR du 24 mars 2014 ayant modifié la procédure, le représentant de l’Etat dans le département ne désigne plus directement l’organisme devant accueillir le demandeur (le SIAO s’en charge) ; on ne sait pas encore si les délais applicables de six semaines au maximum à compter de la décision de la commission pour faire une proposition d’accueil (trois mois dans le cas où la commission préconisait un accueil dans un logement de transition ou dans un logement-foyer) sont toujours applicables. Les dispositions réglementaires devront le préciser.