Conformément à l’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lorsqu’un étranger placé en rétention présente une demande d’asile, le préfet peut le maintenir en rétention s’il estime, sur le fondement de « critères objectifs », que cette demande a pour seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement. Le maintien en rétention n’est donc pas systématique. Le maintien est possible durant le temps strictement nécessaire à l’examen de la demande d’asile par l’OFPRA et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité, dans l’attente de son départ. L’article L. 556-1 ajoute que le maintien est possible « sans préjudice de l’intervention du juge des libertés et de la détention ». En effet celui-ci peut être saisi selon les règles de droit commun et mettre fin à la mesure de rétention. La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France modifie le contentieux de la décision de placement en rétention. Notamment, le juge des libertés et de la détention interviendra plus tôt. La décision de placement en rétention pourra être contestée devant ce juge dans un délai de 48 heures à compter de sa notification (au lieu de cinq jours actuellement). En conséquence, l’article L. 556-1 est modifié afin de prendre en compte ces évolutions (Ceseda, art. L. 556-1 modifié ; loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, art. 33, IV). Il prévoit que la « décision de maintien en rétention n’affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention [...] ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention [...] ». Sous réserve de sa validation par le Conseil constitutionnel, cette disposition entrera en vigueur après la parution d’un décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er novembre 2016 (loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, art. 67).
A. LES « CRITÈRES OBJECTIFS »
[Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, article L. 556-1 ; instruction du ministre de l’Intérieur n° INTV1525995J du 2 novembre 2015, fiche 7]
« Dans les meilleurs délais », souligne l’administration, l’autorité préfectorale doit procéder à un examen individuel de situation pour apprécier « de manière objective si la demande d’asile peut être ou non considérée comme dilatoire ». Il s’agit en particulier de déterminer si le demandeur d’asile a été mis en mesure, avant son placement en rétention, de déposer une demande d’asile. « En aucune manière », le préfet ne peut tenir compte « des motifs intrinsèques de la demande [d’asile] dont l’appréciation relève exclusivement de l’OFPRA ».
L’instruction du 2 novembre cite, à titre d’exemples, quelques éléments sur lesquels le préfet peut se fonder, à savoir :
- la date d’entrée en France de l’étranger, la durée et les conditions de son séjour et l’absence de démarches de l’intéressé en matière d’asile avant toute mesure d’éloignement ou de rétention ;
- les démarches en vue de son admission au séjour autre qu’au titre de l’asile (motif médical, vie privée et familiale, régularisation au titre du travail...) ;
- les déclarations de l’intéressé lors de son audition à la suite de son interpellation (dans le cadre d’une garde à vue ou d’une retenue pour vérification du droit au séjour) quant à l’absence de menaces graves en cas de retour dans son pays d’origine ;
- la circonstance que l’étranger a déjà fait l’objet antérieurement d’une ou plusieurs mesures d’éloignement non exécutées ;
- le fait qu’il s’agisse d’une demande de réexamen présentée en rétention alors que la demande d’asile initiale a été définitivement rejetée.
S’agissant des personnes détenues puis placées en centre de rétention administrative à l’issue de leur élargissement, le préfet peut prendre en compte la circonstance qu’aucune démarche en vue de demander l’asile n’a été effectuée en détention.
Lorsque la demande d’asile est présentée après le délai de cinq jours, le préfet peut considérer qu’elle a un caractère dilatoire, sauf exception, notamment s’il apparaît que l’étranger n’a pas été pleinement informé de ses droits en matière d’asile ou mis en mesure de les exercer (instruction du 2 novembre 2015).
B. LA DÉCISION DU PRÉFET
[Instruction du ministre de l’Intérieur n° INTV1525995J du 2 novembre 2015, fiche 7]
A la suite de l’examen individuel de la situation de l’étranger, si le préfet considère que la demande d’asile n’a pas pour objet de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement, il met fin à la rétention. L’intéressé est invité à se rendre à la préfecture afin de se voir délivrer l’attestation de demande d’asile, qui va lui permettre de saisir l’OFPRA (cf. supra, chapitre 2). La demande d’asile est alors examinée selon la procédure normale (cf. supra, chapitre 4).
Dans le cas contraire (demande d’asile considérée comme dilatoire), le préfet doit en outre apprécier la nécessité de maintenir l’étranger en rétention au regard de ses garanties de représentation (possession ou non de documents d’identité ou de voyage, dissimulation d’éléments sur son identité) ou des risques de fuite (Ceseda, art. L. 551-1 et L. 561-2). La décision de maintien en rétention est écrite, motivée en droit et en fait (elle doit mentionner les éléments fondant l’appréciation du préfet), et indique les voies et délais de recours. Elle doit être notifiée à l’étranger « dans les plus brefs délais » par procès-verbal en mentionnant la date et l’heure de la notification (instruction du 2 novembre 2015). A défaut d’une telle décision de maintien, il est immédiatement mis fin à la rétention et le préfet compétent délivre à l’intéressé l’attestation de demande d’asile (Ceseda, art. L. 556-1).
C. LE RECOURS CONTRE LE MAINTIEN EN RÉTENTION
[Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, article L. 556-1 ; code de justice administrative, articles R. 777-2 à R. 777-2-6]
L’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de la décision de maintien en rétention dans les 48 heures suivant sa notification. Ce délai ne peut être prorogé.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France précise que ce recours intervient « pour contester les motifs retenus par l’autorité administrative pour estimer que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement ». Il ajoute également un article L. 777-2 précisant (sans changement) les règles de contentieux des décisions de maintien en rétention en cas de demande d’asile (Ceseda, art. L. 556-1 modifié, art. L. 777-2 nouveau ; loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, art. 33, IV et VI). Cette disposition entrera en vigueur après la parution d’un décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er novembre 2016 (loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, art. 67).
Le président du tribunal administratif dispose d’un délai de 72 heures pour statuer mais il ne peut rendre sa décision qu’après la notification de la décision de l’OFPRA portant sur la demande d’asile qui intervient dans un délai de 96 heures à compter de la réception de la demande d’asile (cf. infra, section 2, § 2). En d’autres termes, le président statue dans un délai de 72 heures qui court à compter de la notification de la décision de l’OFPRA (CJA, art. R.777-2-4).La procédure est la même que celle applicable en cas de recours formé par l’étranger en rétention ou assigné à résidence contre l’obligation de quitter le territoire français (Ceseda, art. L. 512-1, III).
C’est le préfet qui informe le président du tribunal administratif de la date et de l’heure auxquelles les décisions de maintien en rétention et de l’OFPRA ont été notifiées par procès-verbal à l’intéressé.
En cas d’annulation de la décision de placement ou de maintien en rétention, il est immédiatement mis fin à la rétention et le préfet délivre à l’intéressé l’attestation de demande d’asile. L’étranger est assigné à résidence selon les règles prévues par l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Un appel peut être formé contre la décision du président du tribunal, dans le délai de un mois à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai de recours. L’appel n’est pas suspensif.
Rétention et demande d’asile
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, « les directives [européennes] ne s’opposent pas à ce que le ressortissant d’un pays tiers ayant présenté une demande d’asile alors qu’il était placé en rétention administrative soit maintenu en rétention sur la base d’une disposition nationale lorsqu’il apparaît, au terme d’un examen au cas par cas de l’ensemble des circonstances pertinentes, d’une part, que cette demande a été introduite dans le seul but de retarder ou de compromettre l’exécution de la décision de retour et, d’autre part, qu’il est objectivement nécessaire de maintenir la mesure de rétention pour éviter que l’intéressé se soustraie définitivement à son retour (1).
Cette jurisprudence, reprise par le Conseil d’Etat le 30 juillet 2014, a condamné la pratique de la France consistant à maintenir de façon automatique en rétention le demandeur d’asile qui avait demandé l’asile après son placement en rétention (2).
En outre, la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 (3) prévoit que les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national. Toutefois elle encadre les modalités de ce placement (art. 8). Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les Etats membres peuvent placer un demandeur en rétention si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. Un demandeur ne peut être placé en rétention que dans les cas suivants :
- pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;
- pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur ;
- pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;
- lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’Etat membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;
- lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;
- lorsqu’un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande d’asile, en vue de garantir les procédures de transfert conformément au règlement 604/2013/UE du 26 juin 2013 lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées.
(1)
CJUE, 30 mai 2013, Arslan, C-534/11, consultable sur curia.europa.eu
(2)
Conseil d’Etat, 30 juillet 2014, n° 375430, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(3)
JOUE n° L 180 du 29-06-13.