En vertu de l’article 378 du code civil, le juge pénal peut prononcer le retrait de l’autorité parentale à l’encontre des parents notamment lorsqu’ils sont condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime commis sur la personne de l’autre parent ou lorsqu’ils sont condamnés, comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant. Aujourd’hui, cette faculté est rarement utilisée. Selon l’ONED, les enfants accueillis à la suite d’un retrait total de l’autorité parentale représentent moins de 6 % des enfants bénéficiant du statut de pupille de l’Etat (1).
Une proposition relative à la protection de l’enfant, en cours d’examen au Parlement, entendait imposer le retrait automatique de l’autorité parentale par le juge pénal dans cette situation (2). Mais cette possibilité a, pour l’heure, été supprimée au cours des débats législatifs.
En dehors de toute condamnation au pénal, le tribunal de grande instance a également la possibilité de prononcer, dans une instance civile, le retrait total de l’autorité parentale. En vertu de l’article 378-1 du code civil, ce retrait peut notamment sanctionner un désintérêt évident des parents pour leur enfant ou des comportements très graves mettant manifestement en danger sa sécurité, sa santé ou sa moralité.
A. LE CADRE DU RETRAIT TOTAL ET PARTIEL APRÈS UNE CONDAMNATION PÉNALE
[Code civil, articles 378, 379, 379-1 et 381]
Depuis la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, le juge pénal a la possibilité de prononcer le retrait total de l’autorité parentale à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable comme auteur, coauteur ou complice d’un crime contre l’autre parent.
Sont notamment susceptibles de donner lieu à un retrait total de l’autorité parentale « les homicides volontaires, avec ou sans préméditation, le viol, les actes de torture ou de barbarie, les violences ayant entraîné la mort ou une infirmité permanente, la séquestration ou l’enlèvement, le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger, s’il a entraîné sa mort ou une mutilation ou infirmité permanente » (3).
Voir Jaffe, Saunders, Coutenceau
MAP : mesure d’accompagnement protégé.
DVH : droit de visite et d’hébergement.
AEMO : action éducative en milieu ouvert.
[Sadlier K., « La parentalité à l’épreuve des violence intrafamiliales », intervention lors de la journée d’étude de la Fenamef, 9 avril 2015]
Ce retrait total de l’autorité parentale porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l’autorité parentale. Et, à défaut d’autre détermination, il s’étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement.
Il emporte, pour l’enfant, dispense de l’obligation alimentaire envers ce parent, sauf disposition contraire dans le jugement de retrait.
Le juge peut, au lieu du retrait total, se borner à prononcer un retrait partiel de l’autorité parentale, limité aux attributs qu’il spécifie. Il peut aussi décider que le retrait total ou partiel de l’autorité parentale n’aura d’effet qu’à l’égard de certains des enfants déjà nés.
En outre, les père et mère qui ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale peuvent agir auprès du tribunal de grande instance, en justifiant de circonstances nouvelles, afin que leur soient restitués, en tout ou partie, les droits dont ils ont été privés. La demande en restitution ne peut toutefois être formée au plus tôt qu’un an après que le jugement prononçant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale est devenu définitif. En cas de rejet, elle ne pourra être renouvelée qu’après une nouvelle période de un an.
B. LES OBLIGATIONS DU JUGE PÉNAL
[Code pénal, articles 221-5-5 et 222-48-2]
Depuis la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les juridictions de jugement ont l’obligation de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale lorsqu’elles condamnent pour un crime ou un délit d’atteinte volontaire à la vie, d’atteinte volontaire à l’intégrité de la personne, de viol et d’agression sexuelle ou de harcèlement moral commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l’autre parent. Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question sans l’assistance des jurés.
Parentalité en parallèle
Pour Karen Sadlier, docteur en psychologie clinique, la coparentalité dans un couple violent se heurte à plusieurs obstacles (4) :
- le projet éducatif n’est pas coconstruit ;
- du fait de la domination d’un parent sur l’autre, un schéma de pouvoir vertical et rigide est transmis à l’enfant ;
- l’expression de différents points de vue est dangereuse car le parent violent n’est pas capable de négocier ;
- le parent victime est disqualifié aux yeux de l’enfant par l’autre parent, ce qui entrave son autorité ;
- les parents n’ont pas les ressources nécessaires face à un enfant en souffrance.
Aussi propose-t-elle, dans ces situations, la mise en place d’une « parentalité en parallèle » qui repose sur « deux monoparentalités » permettant de privilégier la sécurité de chaque parent et de l’enfant plutôt que le maintien d’un lien dangereux. Selon ce concept, « lorsque l’un des parents accueille l’enfant pendant une certaine période, il exerce seul l’autorité parentale. Chacun des deux parents a donc un temps de responsabilité (et d’autorité) séparé » (5).
Pour permettre cette parentalité en parallèle, cette spécialiste propose :
- de définir avec chaque parent un projet éducatif monoparental ;
- d’amplifier les compétences éducatives de chaque parent ;
- de préserver des frontières de sécurité entre les deux parents ;
- de décloisonner les pratiques professionnelles ;
- de sensibiliser la victime et l’auteur aux effets de la violence dans le couple chez l’enfant ;
- d’identifier des coéquipiers éducatifs pour chaque parent.
Au plan juridique, cela suppose d’élargir le recours à l’exercice exclusif de l’autorité parentale prévu à l’article 373-2-1 du code civil aux situations de violences conjugales, comme le propose un rapport d’information autour de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (cf. encadré, p. 62). Car aujourd’hui, la « jurisprudence est très restrictive dans l’attribution à un seul des deux parents de l’exercice exclusif de l’autorité parentale, même en cas de désintérêt ou en cas de violences conjugales » (6).
(1)
ONED, « La situation des pupilles de l’Etat. Enquête au 31 décembre 2013 », février 2015.
(2)
Proposition de loi sénatoriale n° 799, Meunier M., Dini M.
(3)
Rap. Sén., n° 564, Pillet, 17 juin 2010, p. 58.
(4)
Sadlier K., « La parentalité à l’épreuve des violences intrafamiliales », intervention lors de la journée d’étude de la Fenamef, 9 avril 2015.
(5)
Rapport d’information, Assemblée nationale, n° 1923, Battistel, mai 2014.