L’ordonnance de protection est régie par les articles 515-9 à 515-13 du code civil qui en déterminent notamment les bénéficiaires et le contenu. Les officiers et les agents de police judiciaire informent, par tout moyen les victimes de leur droit de demander une ordonnance de protection. Les victimes sont également informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d’exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre (C. proc. pén., art. 53-1, 6°).
A. LES BÉNÉFICIAIRES
[Code civil, articles 515-9, 515-11 et 515-13]
Peuvent bénéficier d’une ordonnance de protection les personnes exposées à un danger lié aux violences exercées :
- au sein de leur couple, que la forme juridique de ce dernier soit un mariage, une union libre ou un pacte civil de solidarité (PACS) ;
- ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un PACS ou un ancien concubin.
Une telle ordonnance est également susceptible d’être délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé (cf. infra, A savoir aussi).
L’ordonnance de protection bénéficie aussi aux enfants pouvant être exposés à ces violences. La prise en compte explicite de la situation des enfants a été renforcée par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (1). Lors des débats relatifs à cette loi, les parlementaires ont en effet rappelé que « dans 60 % à 70 % des cas, les enfants sont témoins de ces violences, ce qui a d’ailleurs de graves conséquences sur leur psychisme et leur développement », voire sont parfois des victimes directes (2).
Aussi, lorsque le juge délivrera une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger les enfants, il devra en informer le procureur de la République sans délai (cf. infra, § 2, E).
B. LE CONTENU DE L’ORDONNANCE
I. Le contenu initial
[Code civil, article 515-11]
La palette des mesures pouvant être adoptées dans le cadre d’une ordonnance de protection est large. A l’époque de la mise en place de cette mesure, le rapporteur de la loi au Sénat, indiquait que « pour être efficace, la protection des victimes de violences conjugales doit être complète et porter sur tous les éléments qui permettront à la personne mise en danger d’échapper à l’emprise de l’auteur des violences, que ce soit physiquement, juridiquement ou matériellement » (3).
Ces mesures peuvent être d’ordre civil, pénal ou de protection et d’accompagnement.
a. Les mesures d’ordre civil
[Code civil, article 515-11, 3°, 4° et 5° ; circulaire du 7 août 2014, NOR : JUSC1419203C, BOMJ n° 2014-08]
Le juge aux affaires familiales a, au titre des mesures d’ordre civil, la possibilité de :
- statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce dernier. Le principe est toutefois que, sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Il s’agit, sur ce dernier point, d’assurer une protection de la victime mariée en « lui permettant de rester à son domicile, y compris lorsqu’elle a dû se réfugier hors de son domicile le temps d’initier la procédure » ;
- préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Là encore, sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence ;
- se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle que se doivent mutuellement les partenaires d’un PACS (4) et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.
b. Les mesures d’ordre pénal
[Code civil, article 515-11, 1° et 2]
A l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut prendre des mesures d’ordre pénal consistant à interdire au conjoint violent, au sens large :
- de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie que le juge désigne les armes dont il est détenteur en vue de leur dépôt au greffe.
c. Les mesures de protection et d’accompagnement
[Code civil, article 515-11, 6°, 6°bis et 7°, alinéas 10 et 11 ; circulaire du 7 août 2014, NOR : JUSC1419203C]
Enfin, le juge a la possibilité de prononcer des mesures d’aide ou de protection de la personne victime des violences. Il peut ainsi :
- autoriser la victime des violences à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance (TGI) pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, un huissier doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, elle lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;
- autoriser la victime des violences à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée. Cette possibilité est à bien distinguer de celle précédente qui vise une dissimulation de l’adresse dans le cadre des instances civiles ;
- prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la victime.
Le cas échéant, le juge présente à la victime une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée ses coordonnées afin qu’elle la contacte.
Par ailleurs, lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République (cf. infra, chapitre 4). « Il s’agit d’assurer une meilleure coordination des procédures susceptibles d’être mises en œuvre dans l’intérêt de l’enfant et de permettre, le cas échéant, la saisine du juge des enfants sans délai », souligne l’administration.
(Remarque)
Des mesures spécifiques sont également prévues dans le cadre des mariages forcés (cf. infra, A savoir aussi).
II. La modification du contenu
[Code civil, article 515-12]
Le juge aux affaires familiales peut, à tout moment :
- supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection ;
- en décider de nouvelles ;
- accorder à l’auteur des violences ou des menaces une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ;
- priver l’ordonnance de protection de ses effets.
Ces modifications interviennent à la demande soit du ministère public, soit de l’une ou l’autre des parties, soit après que le juge a fait procéder à toute mesure d’instruction utile et invité chacune des parties à s’exprimer.
C. LES DÉLAIS
I. Le délai de délivrance de l’ordonnance
[Code civil, articles 515-9 et 515-11 ; code de procédure civile, article 1136-7 ; circulaire du 7 août 2014, NOR : JUSC1419203C]
L’article 515-9 du code civil prévoit que l’ordonnance de protection est délivrée en urgence. De son côté, l’article 515-11 du même code prévoit, depuis la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que l’ordonnance est délivrée « dans les meilleurs délais ».
Selon l’administration, il s’agit ainsi de « rappeler que les procédures liées aux violences conjugales doivent être traitées en priorité, dans les meilleurs délais, afin d’assurer la protection nécessaire aux victimes au sein du couple ou aux anciens conjoints, concubins, partenaires d’un pacte civil de solidarité ».
Elle est exécutoire à titre provisoire à moins que le juge n’en dispose autrement.
II. La durée et la prolongation des mesures prises
[Code civil, article 515-12 ; code de procédure civile, articles 1136-13 et 1136-14 ; circulaire du 20 mars 2015, NOR : JUSC1505620C, BOMJ n° 2015-04]
Dans ce cadre, la durée des mesures prises est de six mois au maximum à compter de la notification de l’ordonnance.
Une prolongation au-delà de ce délai est possible si, durant cette période, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale.
Plus précisément, il faut distinguer deux situations.
a. La prolongation des mesures
De manière générale, lorsqu’une demande en divorce ou en séparation de corps ou une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale est introduite avant l’expiration de la durée des mesures de protection ou que l’ordonnance de protection est prononcée alors qu’une procédure de divorce ou de séparation de corps ou une procédure relative à l’autorité parentale est en cours, les mesures de l’ordonnance de protection continuent de produire leurs effets jusqu’à ce qu’une décision statuant sur la demande en divorce ou en séparation de corps ou relative à l’exercice de l’autorité parentale soit devenue définitive. Le juge a néanmoins toujours la possibilité d’en décider autrement.
Sont concernées les mesures visant :
- l’interdiction, pour l’auteur des violences, de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le JAF, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- l’interdiction, pour l’auteur des violences, de détenir ou de porter une arme ;
- la résidence des partenaires liés par un PACS ou des concubins ;
- la décision sur l’aide matérielle due entre les membres d’un couple pacsé ;
- l’autorisation donnée à la victime de dissimuler son domicile ou sa résidence et d’élire domicile chez son avocat ou auprès du procureur de la République, ou bien, pour les besoins de la vie courante, chez une personne morale qualifiée ;
- l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la victime.
b. La fin des effets de l’ordonnance
Par exception, et pour ne pas faire doublon, certaines mesures prises dans le cadre de l’ordonnance de protection avant la délivrance d’une ordonnance de non-conciliation ou d’une décision statuant, même à titre provisoire, sur la demande relative à l’autorité parentale cessent de produire leur effet à la date de notification de cette ordonnance de non-conciliation ou de la décision relative à l’autorité parentale.
Sont concernées :
- les mesures portant sur le logement des époux et sur la contribution aux charges du mariage (dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps) ;
- les mesures relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale et à la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (dans le cadre d’une procédure relative à l’autorité parentale).
Si l’ordonnance de protection est prononcée entre la requête relative à l’exercice de l’autorité parentale et la décision statuant sur cette dernière demande, la solution prévue pour le cas précédent s’applique.
Le juge aux affaires familiales saisi de la procédure relative à l’exercice de l’autorité parentale est également compétent pour statuer sur les mesures de protection, selon les règles procédurales applicables à l’ordonnance de protection. S’il est saisi concomitamment d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale et d’une demande relative à une mesure de protection, le juge doit statuer par décision séparée sur chacune d’entre elle.
Cette exigence permet d’identifier clairement les mesures de protection, ce qui a d’autant plus d’intérêt que leur inobservation constitue une infraction pénale.
En tout état cause, le juge doit veiller à la coordination des différentes mesures et, le cas échéant, en faire mention dans les décisions.
(1)
Loi n° 2014-873 du 4 août 2014, JO du 5-08-14.
(2)
JO. Sén. [C.R.] n° 97 S. du 18-09-13, p. 8218.
(3)
Rap. Sén. n° 564, Pillet, juin 2010, p. 32 et 33.
(4)
En vertu de l’article 515-4 du code civil, les partenaires liés par un PACS s’engagent notamment à une aide matérielle qui, s’ils n’en disposent autrement, est proportionnelle à leurs facultés respectives.