Plusieurs protocoles visent à harmoniser les modalités de dépôt des plaintes, mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire.
A. LA RÉVÉLATION DES FAITS
[Guide de l’action publique, « Les violences au sein du couple », direction des affaires criminelles et des grâces, novembre 2011]
« Toute personne peut révéler des faits de violence dont elle s’estime victime, sans avoir à rapporter la preuve, ni de la plausibilité de ses dires, ni de ce que les faits dénoncés sont constitutifs d’une infraction pénale ; il appartient au parquet, et non à la victime, de qualifier les faits au vu de la procédure établie et transmise par les services de police ou les militaires de la gendarmerie », indique le Guide de l’action publique.
Dès lors, la remise d’un certificat médical au service enquêteur au moment du dépôt de la plainte ne constitue pas un prérequis nécessaire.
La révélation des faits peut avoir lieu sous différentes formes.
I. Auprès du parquet ou du service enquêteur
La révélation des faits peut avoir lieu auprès du parquet ou du service enquêteur. En pratique, la victime peut adresser une lettre simple à tout service de police ou à toute unité de gendarmerie et au procureur de la République de tout tribunal, à charge pour eux de transmettre la plainte au service ou tribunal territorialement compétent s’ils ne le sont pas eux-mêmes.
II. Par le dépôt d’une plainte...
Autre moyen de révéler les faits, le dépôt d’une plainte. Celle-ci consiste en l’acte par lequel une personne porte à la connaissance du procureur de la République, d’un service de police ou d’une unité de gendarmerie une infraction dont elle s’estime victime. Etant précisé que ce service ou cette unité est dans l’obligation légale de recueillir ses déclarations. A cet effet, le Guide de l’action publique fixe le cadre du protocole de recueil de la plainte (cf. infra, B).
III. ... Ou en consignant ses déclarations sur une main courante
La révélation des faits peut avoir lieu par le biais d’une main courante ou d’un procès-verbal de renseignement judiciaire. La main courante est une simple déclaration qui peut être faite auprès de tout service de la police nationale ; les faits relatés sont consignés sur un registre ou de manière informatisée. Le procès-verbal de renseignement judiciaire peut être rédigé par n’importe quelle unité de gendarmerie. Ces procédés servent essentiellement à laisser une trace écrite d’un événement que la victime a subi, document susceptible d’être utilisé en cas de procédure judiciaire ultérieure. Un protocole relatif à ces mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire a été récemment mis en place (cf. infra, C).
IV. En exerçant les poursuites elle-même
La victime peut exercer elle-même les poursuites, soit en citant directement l’auteur des violences devant le tribunal correctionnel, soit en déposant plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction.
En pratique, dans le premier cas, elle se rend au greffe du tribunal de grande instance (TGI) du lieu de commission de l’infraction ou du lieu du domicile de son auteur supposé et le greffier lui indique une date d’audience à laquelle elle devra faire citer l’auteur par acte d’huissier de justice.
Dans le second cas, la victime adresse une lettre recommandée avec accusé de réception ou se présente au greffe du cabinet du doyen des juges d’instruction exerçant au TGI du lieu de l’infraction ou du domicile du mis en cause.
B. LE RECUEIL DES PLAINTES
[Guide de l’action publique, « Les violences au sein du couple », direction des affaires criminelles et des grâces, novembre 2011 ; protocole-cadre annexé à la circulaire du 24 novembre 2014, NOR : JUSD1427761C, BOMJ n° 2014-12]
Tout service de police ou toute unité de gendarmerie est tenu de recevoir la plainte d’une personne victime qui se présente dans ses locaux, même si les faits n’ont pas été commis dans son ressort de compétence.
Le professionnel (police, gendarmerie) doit, dans la mesure du possible, être formé à la problématique des violences conjugales.
Un protocole de recueil de la plainte est proposé dans le Guide de l’action publique.
I. Le contenu de la plainte
Ainsi, le professionnel doit chercher à mettre la victime en confiance et recueillir ses déclarations spontanées. « Il importe que la victime puisse librement s’exprimer si elle le souhaite, sans être bridée par des questions trop fermées », explique le document.
Néanmoins, à la fin de ces déclarations spontanées, l’enquêteur devra vérifier que la plainte comporte bien un certain nombre d’informations et, dans la négative, poser les questions complémentaires concernant :
- l’ancienneté des faits (depuis combien de temps la victime subit-elle des violences de la part de son conjoint ou concubin ?) ;
- les raisons pour lesquelles la victime décide cette fois-ci de franchir le cap si les violences durent depuis longtemps et s’il s’agit du premier dépôt de plainte (cela peut tenir à la gravité particulière des violences les plus récentes, à l’agrandissement du cercle des personnes violentées, à l’accumulation des violences, à une décision de séparation ou à la qualité du contact avec le médecin ou l’enquêteur) ;
- la fréquence des faits ;
- l’existence d’éventuelles hospitalisations antérieures n’ayant donné lieu à aucun dépôt de plainte, ni a aucune main courante ;
- la nature des faits (violence physique, psychologique, sexuelle, verbale, économique, matérielle, confiscation de documents) ;
- le mode opératoire des faits (y a-t-il eu utilisation d’une arme ou de tout autre objet ?) ;
- l’existence éventuelle d’une arme de quelque nature que ce soit au domicile, ainsi que, le cas échéant, le cadre dans lequel cette arme est détenue ;
- l’existence d’un climat habituel de violence. Celui-ci peut se manifester par des dégradations de biens, des menaces, des injures etc. ;
- la présence éventuelle de témoins (avec le cas échéant, recueil de leur identité) ;
- la connaissance, par l’entourage, des violences au sein du couple (le cas échéant, leur identité) ;
- les peurs de la victime (dans l’affirmative, comment cela se manifeste-t-il, concrètement, au quotidien ?) ;
- l’existence d’enfants avec leur âge et leur implication dans les faits (sont-ils présents ?) ;
- l’existence d’autres victimes (enfants, entourage) ;
- l’existence de dépôts de plaintes ou de mains courantes antérieures (avec mention en tête : du procès-verbal de dépôt de plainte, le cas échéant) ;
- les démarches déjà entreprises sur le plan civil en vue d’une séparation éventuelle ou celles envisagées (à quel stade elles en sont et dans quel climat se déroule la procédure devant le juge) ;
- l’existence d’une prise en charge en cours ou non par une association d’aide aux victimes généraliste ou spécialisée (si oui, quelle association et depuis combien de temps ?) ;
- l’identité exacte du mis en cause ;
- les coordonnées de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la victime (très utiles dans l’éventualité où une comparution immédiate serait ordonnée, pour permettre au parquet de citer la CPAM).
II. Les informations à communiquer à la victime
Par ailleurs, le service d’enquête devra interroger la victime sur ses souhaits concernant le maintien, ou non, de la vie commune, le statut et le sort des enfants et du domicile du couple et communiquer un certain nombre d’informations à la victime concernant ses droits, en particulier en matière de domiciliation (cf. infra, chapitre 2, section 3).
Il est, en outre, recommandé de remettre systématiquement à la victime une copie de sa plainte. Avis doit également lui être communiqué sur ses droits à obtenir réparation du préjudice, à se constituer partie civile, à choisir un avocat ou à s’en voir désigner un par le bâtonnier, à bénéficier du soutien de l’association d’aide aux victimes et à saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI).
Une bonne pratique consiste à remettre au plaignant, en plus de l’avis obligatoire, une plaquette d’information sur les violences au sein du couple comportant les noms et coordonnées des associations locales d’aide aux victimes.
C. LE RECUEIL DES MAINS COURANTES ET DES PROCÈS-VERBAUX DE RENSEIGNEMENT JUDICIAIRE
[Protocole-cadre annexé à la circulaire du 24 novembre 2014, NOR : JUSD1427761C, BOMJ n° 2014-12]
Partant de données statistiques selon lesquelles seulement 10 % des victimes de violences dans le couple déposeraient plainte, le gouvernement a décidé, en application du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour 2014-2016, d’élaborer un protocole-cadre relatif au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière conjugale.
Ce protocole réaffirme, en premier lieu, la priorité donnée aux plaintes suivies d’une enquête judiciaire lorsqu’une victime de violences au sein du couple se présente devant un service de police ou de gendarmerie et le caractère exceptionnel des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire, « subordonné au refus exprès de la victime de déposer plainte, et dans la mesure où aucun fait grave n’est révélé ». Ce refus exprès doit être acté dans la déclaration.
Ce protocole national est appelé à être décliné au niveau local pour coordonner et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés : justice, forces de sécurité, intervenants sociaux, associations.
Selon le bilan de la mise en œuvre du quatrième plan de lutte contre les violences conjugales effectué en novembre 2014 par le gouvernement, 35 départements étaient signataires de ce protocole.
I. La mise en œuvre
Au préalable, le service de police ou l’unité de gendarmerie doit informer la victime sur un certain nombre de points, à savoir :
- la différence entre une main courante ou un procès-verbal de renseignement judiciaire et une plainte, les premiers n’entraînant pas d’enquête judiciaire ;
- les conséquences de son refus de porter plainte ;
- ses droits :
- les procédures à engager pour les faire valoir, notamment l’ordonnance de protection,
- l’aide dont elle peut bénéficier,
- les associations locales conventionnées,
- le numéro de la plate-forme nationale (« Violences femmes info », 39 19, cf. supra, section 1, § 2, A).
Une copie de la main courante ou du procès-verbal d’audition de la victime lui est remise afin qu’elle puisse conserver une trace de cette révélation et le cas échéant l’utiliser par la suite. Une plaquette d’information doit également lui être remise.
Par ailleurs, la mise en relation avec l’intervenant social – ou à défaut l’association – doit être systématiquement proposée à la victime et le service recueille, le cas échéant, son accord préalable.
Si l’établissement de la main courante ou du procès-verbal de renseignement judiciaire fait suite à un déplacement des forces de l’ordre au domicile de la victime, une prise de contact différée doit être systématique (1). Dans les autres cas, les déclinaisons locales de l’accord doivent fixer les conditions du contact différé, notamment le délai entre le recueil des déclarations et la reprise de contact.
Les accords locaux doivent également fixer les modalités de la transmission de l’information du parquet par le service enquêteur ainsi que celles de l’information des intervenants sociaux. Ces derniers (associations, autre partenaire local...) doivent prendre contact avec la victime et lui proposer un rendez-vous « dans les meilleurs délais ». Ces intervenants doivent prévenir le parquet et/ou le service enquêteur de toute dégradation de la situation ou d’un passage à l’acte et informer le service de police ou de gendarmerie du refus éventuel de l’aide proposée ou du défaut de prise de contact.
II. Le contenu de la main courante ou du procès-verbal de renseignement judiciaire
Le protocole-cadre fixe un certain nombre d’éléments qui doivent figurer dans la déclaration de main courante ou dans le procès-verbal de renseignement judiciaire.
Il s’agit :
- de l’identité complète de la victime ;
- des coordonnées postale, téléphonique et courriel personnelles de la victime ;
- de l’identité complète du mis en cause ;
- de la durée de la relation commune ;
- du lieu et de la date des faits ;
- de la description précise des événements, des actes, attitudes et propos commis par le mis en cause, notamment les comportements agressifs et/ou dénigrants et/ou menaçants, les privations ou interdictions (exemple des moyens de paiement ou de sortie) ;
- des faits antérieurs ;
- des conséquences physiques et psychologiques pour la victime ;
- de la consommation d’alcool, de stupéfiants, de certains médicaments ou autres substances nocives par le mis en cause au moment des faits ou de manière fréquente ou habituelle ;
- de l’identité des témoins directs ou indirects des faits, notamment les enfants ;
- des démarches déjà entreprises auprès des services de police ou de gendarmerie, des associations, de médecins, d’avocats ;
- des démarches envisagées, notamment le départ du domicile commun ;
- de l’accord de la victime pour la communication de ses coordonnées à l’intervenante sociale, à la psychologue du commissariat ou à l’association spécialisée référente.
(1)
Le Guide de l’action publique précise qu’une bonne pratique consiste à prendre contact 48 heures après les faits.