Le législateur fixe par ailleurs des règles spécifiques lorsque le mariage a lieu à l’étranger et/ou avec un étranger.
A. LES CONFLITS DE LOIS LORSQUE L’UN DES ÉPOUX EST ÉTRANGER
[Code civil, article 202-1 ; circulaire du 7 août 2014, NOR : JUSC1419203C, BOMJ n° 2014-08]
L’article 202-1 du code civil dispose que « les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ».
Afin de renforcer la lutte contre les mariages forcés, cet article prévoit également, depuis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que « quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement » libre et éclairé des époux.
Selon l’administration, « ces dispositions permettent ainsi désormais d’écarter la loi étrangère applicable chaque fois que le droit étranger aura une conception plus restrictive du consentement matrimonial que celle prévue par le droit français aux articles 146 et 180 du code civil, notamment lorsque celle-ci n’intégrera pas la notion d’intention matrimoniale. Le législateur a ainsi souhaité tenir compte de ce que certaines législations n’offrent pas les mêmes garanties que le droit français concernant la réalité du consentement matrimonial qui peut n’être parfois que très formel. En particulier, le consentement matrimonial n’est pas nécessairement entendu dans toutes les législations comme comprenant l’intention matrimoniale.
Par ailleurs « si la jurisprudence avait jusqu’à présent admis que “le consentement des futurs époux relevait de l’ordre public international”, il en allait différemment de l’intention matrimoniale qui n’avait pas jusqu’à présent été élevée au nombre des principes constituant l’ordre public international français » (circulaire du 7 août 2014).
B. LES MARIAGES FORCÉS À L’ÉTRANGER
[Code civil, articles 171-1, 171-2, 171-4, 171-7 et 171-8]
Un mariage forcé peut être imposé lors d’un séjour à l’étranger. Les autorités consulaires peuvent apporter une aide.
Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration, à condition que le mariage ait été précédé de la publication des bans et respecte les conditions de fond du mariage, en particulier un consentement libre et sans contrainte.
Des procédures de contrôle sur place par les autorités consulaires existent.
I. Avant le mariage
Le mariage célébré à l’étranger est subordonné au préalable à la publication des bans et à l’audition (ensemble ou séparément) des futurs époux, ce qui leur permet la délivrance, par les autorités consulaires françaises, d’un certificat de capacité à mariage.
Lorsque des « indices sérieux » laissent présumer que le mariage envisagé encourt la nullité notamment au regard de l’absence de consentement au mariage, l’autorité diplomatique ou consulaire doit saisir « sans délai » le procureur de la République compétent et en informer les intéressés.
Le procureur de la République peut alors, dans le délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître, par une décision motivée, à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée et aux intéressés qu’il s’oppose à cette célébration.
Les futurs époux, même mineurs, peuvent demander la mainlevée de l’opposition « à tout moment », devant le tribunal de grande instance.
II. Après le mariage
Un contrôle peut également s’effectuer au moment de la transcription de l’acte de mariage sur les registres d’état civil français. Ainsi, lorsque le mariage a été célébré en l’absence du certificat de capacité à mariage, la transcription est précédée de l’audition des époux, ensemble ou séparément, par l’autorité diplomatique ou consulaire. Toutefois, si cette dernière dispose d’informations établissant que la validité du mariage n’est pas en cause au regard notamment de l’existence du consentement, elle peut, par décision motivée, faire procéder à la transcription sans audition préalable des époux.
Lorsque « des indices sérieux » laissent présumer que le mariage célébré devant une autorité étrangère encourt la nullité (au regard notamment de l’absence de consentement), l’autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l’acte en informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription. Le procureur de la République doit alors se prononcer sur la transcription dans les six mois à compter de sa saisine. S’il ne s’est pas prononcé à l’échéance de ce délai ou s’il s’oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu’il soit statué sur la transcription du mariage. Le tribunal de grande instance statue dans le mois. En cas d’appel, la cour statue dans le même délai.
Dans le cas où le procureur de la République demande, dans le délai de six mois, la nullité du mariage, il ordonne que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge. Jusqu’à la décision de celui-ci, une expédition de l’acte transcrit ne peut être délivrée qu’aux autorités judiciaires ou avec l’autorisation du procureur de la République.
Même si toutes les formalités ont été respectées, lorsqu’il apparaît ultérieurement des « éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux » laissant présager que le consentement n’a pas été libre, l’autorité diplomatique ou consulaire, après avoir procédé à l’audition des époux, ensemble ou séparément, informe immédiatement le ministère public et sursoit à la transcription. Le procureur de la République dispose alors d’un délai de six mois à compter de sa saisine pour demander la nullité du mariage. Faute de décision dans ce délai, l’autorité diplomatique ou consulaire transcrit l’acte.
Toutefois, y compris après la transcription, il est toujours possible de demander l’annulation du mariage conformément à l’article 180 du code civil (cf. supra, § 1, C).
III. Les conseils pratiques en cas de crainte de mariage forcé
Le ministère des Affaires étrangères donne un certain nombre de conseils pratiques aux personnes en risque d’être mariées de force à l’étranger (1).
Ainsi, avant le départ, il rappelle que les intéressées peuvent obtenir une opposition temporaire à sortie du territoire français auprès du préfet du département de résidence en lui écrivant et en lui précisant, outre leur identité complète figurant sur le passeport, le jour et l’heure du vol prévu, ils peuvent aussi obtenir du juge aux affaires familiales une ordonnance de protection (cf. infra, section 2, § 1).
Enfin, il est possible d’alerter, jusqu’au dernier moment, la douane ou la police de l’air et des frontières, sur le fait que l’on est forcé(e) à embarquer.
Par ailleurs, le guide du ministère des Affaires étrangères conseille de :
- photocopier tous les documents personnels importants (carte d’identité, carte de séjour, passeport, certificats de scolarité, attestation de carte Vitale) et tout autre document permettant la localisation à l’étranger (billet d’avion, adresse de résidence sur place, numéro de téléphone) et réunir les attestations (certificats médicaux, témoignages de proches...) qui caractérisent une éventuelle situation de danger, des faits de menaces verbales ou de violences physiques montrant la contrainte à partir. Sans omettre de confier tous ces documents à une personne de confiance avec laquelle un contact téléphonique ou électronique sera maintenu ;
- rassembler une somme d’argent qui sera gardée secrète pour servir à téléphoner ou à se déplacer ;
- conserver sur soi un papier récapitulant le numéro de passeport ainsi que sa date de délivrance et l’autorité émettrice, les coordonnées des lieux de séjour, ainsi que des renseignements pratiques sur le pays : numéro de téléphone et adresse du consulat de France le plus proche du lieu de séjour, coordonnées de proches à contacter, d’une association locale susceptible d’accueillir les personnes en détresse, etc. ;
- prendre un téléphone portable tout en vérifiant qu’il peut fonctionner dans le pays de séjour.
Une fois à l’étranger, le guide préconise de contacter, directement ou par l’intermédiaire d’une personne de confiance, l’ambassade ou le consulat de France le plus proche du lieu de résidence. Le consulat peut aider à organiser le retour en France. Si les papiers ont été confisqués, un laissez-passer permettant de rentrer en France pourra être délivré, après les vérifications d’usage sur l’identité et sur présentation de la déclaration de perte ou de vol.
(1)
Ministères des Affaires étrangères et du développement international, de la Justice et de l’Intérieur, « Etre victime à l’étranger, conseils, démarches et droits. Guide d’information à destination des ressortissants français victimes à l’étranger », édition 2014, Fiche 9. Le bureau de la protection des mineurs et de la famille du ministère des Affaires étrangères met également à disposition un numéro de téléphone et une adresse électronique : Tél. 01 43 17 80 32 et mariageforce.fae@diplomatie.gouv.fr