Pour faciliter le passage des travailleurs handicapés du milieu protégé vers le milieu ordinaire, un mécanisme d’accompagnement peut être proposé par l’ESAT au travailleur handicapé et à son nouvel employeur.
A. LES SITUATIONS CONCERNÉES
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 344-2-5]
Cet accompagnement peut être mis en place lorsqu’une personne handicapée accueillie dans un établissement ou un service d’aide par le travail conclut un des contrats de travail suivants :
- contrat de travail à durée déterminée ;
- contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi (C. trav., art. L. 5134-20) (cf. infra, A savoir aussi) ;
- contrat unique d’insertion-contrat initiative emploi (C. trav., art. L. 5134-65) (cf. infra, A savoir aussi).
B. LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 344-2-5]
Dans ce cas, une convention est passée entre l’ESAT et le nouvel employeur et éventuellement le service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS). Cette convention est mise en place en accord avec la personne handicapée ou son représentant. Généralement, le SAVS propose un accompagnement pluridisciplinaire qui vise à favoriser l’autonomie de la personne dans sa vie quotidienne. Cela passe par un soutien psychologique, des aides d’assistantes sociales pour les démarches administratives, un soutien tant professionnel que médico-social pour les gestes du quotidien et la santé physique...
Selon le rapport « Le Houréou », « des SAVS pro, encore peu développés, se sont mis en place pour apporter, au cas par cas, des réponses aux besoins des personnes qui veulent travailler dans un milieu ordinaire tout en ayant besoin d’un suivi médico-social pour éviter les décrochages professionnels et se maintenir durablement en emploi » (1).
Cette convention précise les modalités de l’aide apportée par l’ESAT et éventuellement le SAVS au travailleur handicapé et à son employeur pendant la durée du contrat de travail dans la limite d’une durée maximale de un an renouvelable deux fois pour cette même durée.
En cas de rupture de ce contrat de travail ou lorsqu’elle n’est pas définitivement recrutée par l’employeur au terme de celui-ci, la personne handicapée est réintégrée de plein droit dans l’ESAT d’origine ou, à défaut, dans un autre ESAT avec lequel un accord a été conclu à cet effet. La convention prévoit également les modalités de cette réintégration.
L’emploi en milieu ordinaire
En dehors du milieu protégé ou adapté (cf. supra, chapitres 1 et 2), les personnes handicapées peuvent travailler en milieu ordinaire, c’est-à-dire dans une entreprise privée classique ou au sein de la fonction publique.
Dans ce cadre, elles bénéficient d’une protection contre les discriminations et des dispositifs d’aides sont proposés pour faciliter leur adaptation à l’emploi.
En tout état de cause, les entreprises privées comme les services de la fonction publique sont tenus à une obligation d’emploi des travailleurs handicapés : tout employeur d’au moins 20 salariés ou agents est tenu d’employer à temps plein ou à temps partiel des travailleurs handicapés, mutilés de guerre ou assimilés, dans la proportion de 6 % de l’effectif total de ses salariés (C. trav., art. L. 5212-1 et L. 5212-2). En pratique, selon une étude de l’Agefiph et du FIPHFP de juin 2014 (2), en 2011, 100 100 établissements étaient assujettis à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans le privé et employaient 370 900 travailleurs handicapés. Dans le secteur public, 10 596 employeurs publics étaient, au 1er janvier 2012, assujettis à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés et on comptait 196 730 travailleurs handicapés dans leurs effectifs, avec une répartition de 34 % pour l’État, les établissements publics nationaux, les organismes consulaires, 24 % pour la fonction publique hospitalière et 42 % pour la fonction publique territoriale.
Des mesures de lutte contre les discriminations
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte » en raison notamment de son handicap. Ce principe vaut aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.
Ce principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés s’applique en matière de rémunération, d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
Néanmoins, des différences de traitement fondées sur l’inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail en raison de son état de santé ou de son handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont « objectives, nécessaires et appropriées » (C. trav., art. L. 1133-3). De même, les mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination (C. trav., art. L. 1133-4).
Pour garantir l’application de ce principe, les associations régulièrement constituées depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer en justice toutes actions en faveur des personnes handicapées victimes d’une discrimination (C. trav., art. L. 1134-3). Elles peuvent exercer ces actions en faveur d’un candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou d’un salarié, sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé. Ce dernier doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. De son côté, l’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Avant de trancher, le juge peut ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav., art. L. 1134-1).
L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés
L’article L. 5212-13 du code du travail fixe la liste des bénéficiaires de cette obligation d’emploi. Il s’agit notamment des personnes reconnues travailleurs handicapés par la CDAPH.
Les employeurs privés ou publics peuvent s’acquitter de cette obligation selon plusieurs modalités, notamment :
- l’emploi direct de personnes handicapées ;
- la passation de contrats de sous-traitance ou de prestations de services avec des organismes employant des personnes handicapées, comme les ESAT, les centres de distribution de travail à domicile ou les entreprises adaptées (C. trav., art. L. 5212-6). Cette modalité n’entre en compte au maximum que pour 50 % de l’obligation légale d’emploi (soit 3 %) (C. trav., art. L. 5212-6 et R. 5212-9) ;
- l’accueil de personnes handicapées en stage, dans la limite de 2 % de l’effectif total des salariés de l’entreprise, et pour un stage d’une durée minimale de 40 heures (C. trav., art. L. 5212-7 et R. 5212-10) ;
- la signature d’un accord de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement agréé prévoyant la mise en œuvre d’un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés (C. trav., art. L. 5212-8) ;
- le versement à l’Agefiph d’une contribution annuelle (C. trav., art. L. 5212-9). Le montant de cette contribution peut être modulé en fonction de l’effectif de l’entreprise et des emplois déterminés par décret, exigeant des conditions d’aptitude particulières, occupés par des salariés de l’entreprise. Il tient également compte de l’effort consenti par l’entreprise en matière de maintien dans l’emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires de l’obligation d’emploi, notamment ceux pour lesquels l’Agefiph a reconnu la lourdeur du handicap, ou ceux rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi. Le montant de la contribution peut également être majoré pour les entreprises qui ne consentent aucun effort en matière d’emploi de personnes handicapées (C. trav., art. L. 5212-12).
Le projet de loi « Macron » pour la croissance et l’activité, présenté en conseil des ministres le 10 décembre et qui est actuellement débattu au Parlement pourrait étendre les moyens pour les employeurs de s’acquitter de leurs obligations. En effet, le texte gouvernemental propose de faire des périodes de mise en situation en milieu professionnel une nouvelle modalité d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (projet de loi, art. 92) (3). Par ailleurs, le projet prévoit d’intégrer les contrats de sous-traitance passés avec les travailleurs indépendants handicapés dans les modalités d’accomplissement partiel de l’obligation d’emploi, à l’instar des contrats de sous-traitance passés avec des entreprises adaptées ou des CDTD (projet de loi, art. 93).
Des aides aux employeurs et aux travailleurs handicapés
Les entreprises privées qui recrutent des salariés handicapés dont l’efficience au travail est moindre que celle d’un salarié valide peuvent bénéficier d’aides versées par l’Agefiph ou par le FIPHFP. Ces aides ne sont pas versées automatiquement mais uniquement si elles s’avèrent nécessaires pour faciliter l’emploi des personnes handicapées (cf. tableau récapitulatif en annexe, p. 71).
Par ailleurs, les textes législatifs prévoient une aide légale pour compenser la lourdeur du handicap du salarié. Cette aide est accordée à l’issue d’une procédure de reconnaissance de la lourdeur de ce handicap instruite par l’Agefiph (C. trav., art. L. 5212-9 et R. 5213-39 et s.).
(1)
Le Houérou A., « Dynamiser l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire, aménager les postes et accompagner les personnes », rapport au Premier ministre, Assemblée nationale, septembre 2014, téléchargeable sur www.social-sante.gouv.fr. Sur l’expérimentation d’un dispositif « d’emploi accompagné », cf. Paquet M., « “Emploi accompagné” » : le retard français bientôt comblé ? », ASH n° 2887 du 12-12-14, p. 32.
(2)
Agefiph et Fiphfp, « Chiffres clés, Les personnes handicapées et l’emploi », juin 2014, disponible sur www.agefiph.fr
(3)
Ce dispositif permet aux personnes suivant un accompagnement social ou professionnel personnalisé (dont les personnes reconnues travailleurs handicapés) de se confronter à des situations réelles de travail pour découvrir un métier ou un secteur d’activité, confirmer un projet professionnel, faire émerger de nouvelles compétences ou initier une démarche de recrutement.