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La détermination des sommes qui pourront être affectées au paiement des dettes

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La situation de surendettement ne pourra être traitée que si le débiteur retrouve une marge de manœuvre budgétaire lui permettant de payer ses créanciers. Pour chiffrer cette capacité, il faut déterminer les sommes nécessaires aux dépenses de la vie courante et les soustraire des revenus du débiteur.
Il convient donc d’abord de définir les créanciers qui seront concernés par la procédure, puis de dresser l’état du passif du surendetté et, enfin, d’évaluer les sommes nécessaires aux dépenses de la vie courante, également appelées « reste à vivre ».


A. LES CRÉANCIERS

Tous les créanciers ne sont pas concernés au même chef par la procédure de traitement du surendettement. Alors que certains sont inclus dans les effets de la procédure, d’autres en sont exclus.


I. Les créanciers inclus dans les effets de la procédure

a. Les principaux créanciers

La procédure de traitement du surendettement est conçue pour favoriser la mise en place d’un plan conventionnel de redressement. L’article L. 331-6 du code de la consommation, qui encadre le contenu du plan, précise que ce dernier est « approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers ». Concrètement, les « principaux créanciers » sont ceux qui ont été désignés par le débiteur ou qui se sont signalés à la commission à la suite d’un appel.
Le fait que seuls les principaux créanciers soient signataires du plan conventionnel de redressement ne signifie pas pour autant que les autres créanciers seront ignorés durant le déroulement de la procédure. Simplement, ils ne seront pas signataires d’un plan qui, prenant en compte leur existence et leur créance, attribuera au débiteur une somme pour faire face aux dépenses de la vie courante suffisante pour lui permettre de les désintéresser.

b. Les bailleurs

[Code de la consommation, article L. 333-1-1]
Aux termes de l’article L. 333-1-1, les créances des bailleurs sont réglées prioritairement à celles des établissements de crédit et aux crédits à la consommation. Ce texte favorise donc les bailleurs par rapport aux prêteurs.
La priorité donnée aux bailleurs peut se concevoir pour deux raisons. Tout d’abord, elle permet de sauvegarder le contrat de location et ainsi d’éviter une résiliation du bail aux torts du locataire défaillant. Ensuite, cette priorité sauvegarde le budget du bailleur qui, personne privée, attendrait le montant du loyer pour lui-même faire face à ses propres charges. Toutefois, sauf à considérer que les bailleurs professionnels sont eux-mêmes dans des situations financières délicates, on conçoit mal que ces derniers bénéficient, par rapport aux prêteurs, d’une priorité aussi nettement affichée.

c. Le créancier d’impôt

Alors que, sous l’empire de la loi du 31 décembre 1989, les dettes fiscales étaient exclues de la procédure de traitement du surendettement, au fil des réformes, elles y ont été intégrées afin de faciliter le traitement des dossiers.
Ainsi, dès lors que la saisine de la commission est faite en bonne et due forme, l’article R. 335-4 du code de la consommation précise, par référence aux articles R. 247-A-1 et R. 247-18 du livre des procédures fiscales, que cette saisine vaut demande « de remise gracieuse d’impôts directs » et « de dispense de paiement ».

d. Les prêteurs sur gage

[Code de la consommation, article L. 333-1-2]
Dans le cadre de la procédure de surendettement, les dettes issues de créances des prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal ne peuvent être effacées, ni la réalisation du gage « empêchée ou différée au-delà de la date déterminée dans le contrat de prêt ». Il s’agit ici de la prise en compte de la sûreté que constitue le gage.


II. Les créanciers exclus des effets de la procédure

[Code de la consommation, article L. 333-1]

a. Les créances exclues pouvant être réintégrées avec l’accord du créancier

En raison de leur nature, certaines dettes sont exclues de la procédure. Cependant, elles peuvent, avec l’accord du créancier, faire l’objet d’une remise, d’un rééchelonnement ou d’un effacement.
Les dettes alimentaires relèvent de cette catégorie. En raison de sa situation spécifique, il convient en effet d’apporter une attention particulière au créancier d’aliment. La dette d’aliment sera prise en compte pour l’évaluation de la situation du débiteur mais, sauf accord du créancier, sera exclue des mesures de traitement du surendettement. Ainsi, le créancier d’aliment sera payé normalement durant la période d’exécution des mesures de redressement de la situation du débiteur.
Selon la Cour de cassation (1), « au sens de l’article L. 333-1 du code de la consommation, ne constituent pas des dettes alimentaires du débiteur surendetté les dettes à l’égard d’une collectivité publique pour des créances portant sur des frais de restauration scolaire, d’accueil périscolaire ou de centre de loisirs ». Les créances ainsi désignées doivent donc être traitées selon le droit commun et ne peuvent bénéficier d’aucune priorité.
Les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale ne peuvent, elles non plus, sauf accord du créancier, faire l’objet d’une remise, d’un rééchelonnement ou d’un effacement. Ces sommes correspondent à des dommages-intérêts alloués à la victime d’une infraction pénale. Là encore, la nature même de la dette justifie l’exclusion.
Les dettes ayant pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale peuvent aussi, avec l’accord de l’organisme, être remises, rééchelonnées ou effacées (2). L’origine frauduleuse de cette dette est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale lui-même.

b. Les créances absolument exclues de la procédure

Les amendes qui ont été prononcées dans le cadre d’une condamnation pénale ne peuvent faire l’objet d’une remise, d’un rééchelonnement ou d’un effacement. Les condamnations consécutives à la commission d’une infraction pénale ne sont donc pas éligibles à la procédure de traitement du surendettement.


B. L’ÉTABLISSEMENT DU PASSIF

A l’origine, la procédure de traitement du surendettement ne formalisait pas le mécanisme d’établissement du passif. Les pratiques étaient empiriques, chaque commission établissant sa propre méthodologie.
Ces usages, parfois fortement divergents, ont conduit à préciser progressivement la méthode d’établissement du passif jusqu’à ce que la loi du 1er juillet 2010 définisse une procédure harmonisée : le débiteur doit déclarer à la commission de surendettement l’état de son actif et de son passif puis la commission pilote un système d’échange d’informations entre le surendetté, ses créanciers et elle-même.


I. La déclaration du surendetté

Le code de la consommation est assez succinct lorsqu’il dispose que le débiteur « déclare les éléments actifs et passifs de son patrimoine » (C. consom., art. L. 331-3, I). Pour réaliser cette déclaration, le débiteur utilise le formulaire ad hoc qui permet de faire apparaître ses ressources (3), son patrimoine ainsi que ses charges courantes mensuelles (4). Le dossier comprend aussi un détail des crédits permettant de préciser le montant des mensualités, la durée des prêts, le capital restant dû, le montant des impayés, les montants exigibles ainsi que l’existence d’éventuelles poursuites (5).
Les arriérés de loyer doivent être inclus dans la masse des dettes (6).


II. L’information de la commission

Afin d’avoir une vision globale du dossier et compléter ses éventuelles lacunes initiales, la commission a la possibilité de recueillir des informations.

a. L’échange d’informations avec les créanciers

1. Les créanciers désignés par le débiteur
[Code de la consommation, articles L. 331-3 et R. 332-2]
La commission informe, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les créanciers de l’état du passif déclaré par le débiteur. Cette lettre rappelle qu’ils disposent d’un délai de 30 jours pour fournir, en cas de désaccord sur cet état, les justifications de leurs créances en principal, intérêts et accessoires. A défaut, la créance sera prise en compte par la commission lors de l’établissement du plan au vu des seuls éléments fournis par la déclaration du débiteur.
Un dispositif particulier est mis en place pour les éventuelles cautions du débiteur. D’une part, les créanciers doivent indiquer si leurs créances ont été garanties par une caution et si celle-ci a été actionnée. Dans ce cas, la commission informera la caution de l’ouverture de la procédure. D’autre part, lorsque la commission est avertie par le débiteur ou par les créanciers que des dettes du demandeur ont été cautionnées, les garants sont informés de la saisine de la commission par le débiteur.
La lettre d’information leur demande de préciser, dans un délai de 30 jours, les sommes éventuellement payées en exécution de la garantie et de porter à la connaissance de la commission « toutes informations complémentaires utiles ». Il s’agit, en effet, d’informer la commission des intentions de la caution sur son éventuelle prise en charge de la dette. Le texte part du principe que la caution, qui est assez souvent un proche du débiteur, pourrait accepter de payer en ses lieu et place. Dans ce cas, le plan intégrera la caution en tant que créancier.
2. L’appel aux créanciers non désignés par le débiteur
[Code de la consommation, articles L. 331-3 et R. 332-1]
Pour parfaire son information, la commission a la possibilité de faire procéder à un appel aux créanciers. Cette publication est faite dans un journal d’annonces légales diffusé dans le département où siège la commission. L’appel précise le délai consenti aux créanciers pour déclarer leurs créances par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat de la commission.
Les frais de cet appel font l’objet d’un accord entre les parties à la procédure. A défaut, le juge désignera « la ou les parties qui supporteront les frais de l’appel ».

b. L’information par d’autres canaux

[Code de la consommation, article L. 331-3, II]
En application de l’article L. 331-3, II, alinéa 2, le débiteur peut demander à être entendu par la commission. Cette faculté était à l’origine prévue par voie de circulaire ; en raison de sa non-utilisation, elle a été légalisée et les commissions délèguent aux secrétariats cette mission, nécessaire à une meilleure compréhension de dossiers parfois complexes.
La commission peut aussi entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile. Cette audition doit être réalisée gratuitement.
La commission peut solliciter l’aide des collectivités territoriales ainsi que celle des organismes de sécurité sociale afin qu’ils procèdent à des enquêtes sociales.
Elle peut également obtenir communication de tout renseignement de nature à « lui donner une exacte information sur la situation du débiteur, l’évolution possible de celle-ci et les procédures de conciliation amiables en cours », auprès des administrations publiques, des établissements de crédit, des établissements de paiement, des associations sans but lucratif ou des fondations reconnues d’utilité publique accordant des prêts pour la création, le développement ou la reprise d’entreprise, des organismes de sécurité et de prévoyance sociale et des services de centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement.
La commission de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX), placée auprès des instances de pilotage du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), peut également être sollicitée (7). Elle pourra émettre des recommandations à destination de la commission de surendettement afin que celle-ci prenne en compte les aides financières qui peuvent être accordées au surendetté afin de l’aider à solder sa dette locative (aides du Fonds de solidarité pour le logement, des caisses d’allocations familiales ou de mutualité sociale agricole, des centres communaux d’action sociale).


III. L’information du débiteur et l’éventuelle demande de vérification des créances

[Code de la consommation, articles L. 331-4, R. 332-3 et R. 332-4]
Lorsque les informations ont été recueillies, la commission informe le débiteur de l’état du passif qu’elle a dressé. Le débiteur dispose alors de 20 jours pour demander à la commission la saisine du juge du tribunal d’instance « aux fins de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées ». Une fois ce délai de 20 jours passé, le débiteur ne pourra plus demander de vérification de créances.
La vérification concerne non seulement la créance elle-même, mais aussi la validité du titre qui la constate.
Lorsqu’il demande une vérification de créances, le débiteur doit indiquer les créances contestées et les motifs qui justifient la demande. La commission est tenue de faire droit à la requête.
La commission peut se substituer au débiteur qui ne souhaite pas demander une vérification de créance et saisir elle-même le juge aux fins de vérification.
Lorsqu’une vérification de créances a été demandée, la commission en informe les créanciers concernés et le débiteur.
La vérification opérée par le juge ne vaut que pour les besoins de la procédure et a pour objet de permettre à la commission de remplir sa mission. L’invalidité des créances ou des titres qui les constatent entraîne leur exclusion de la procédure de traitement du surendettement.


IV. L’état du passif définitivement arrêté

[Code de la consommation, articles L. 331-3, II, alinéa 7, L. 331-3-1, alinéa 7, L. 331-7 et L. 331-7-1 ; circulaire du 19 décembre 2011, NOR : JUSC1133274C]
Une fois la déclaration d’endettement faite par le débiteur, un appel aux créanciers éventuellement publié, des observations émises par les créanciers et une vérification des créances réalisée le cas échéant, le passif est définitivement arrêté par la commission.
La commission informe alors le débiteur et les créanciers de la date à laquelle cet état du passif a été définitivement arrêté. En effet, à partir de cette date, les créances qui figurent dans l’état ne produisent plus d’intérêts ou de pénalités de retard jusqu’à la mise en œuvre du plan conventionnel (C. consom., art. L. 331-6), ou jusqu’à ce que les mesures imposées ou recommandées par la commission soient opposables aux créanciers.
Cette mesure, qui revient à geler la dette au montant arrêté par la commission ou le juge, permet de protéger le débiteur contre les éventuelles revendications d’intérêts intercalaires ou de pénalités au titre de cette période.
Si la situation du débiteur l’exige, la commission peut l’inviter « à solliciter une mesure d’aide ou d’action sociale qui peut comprendre un programme d’éducation budgétaire, et notamment une mesure d’accompagnement social personnalisé » (cf. encadré, p. 34).


C. LA DÉTERMINATION DU « RESTE À VIVRE »

La pérennité des mesures de redressement repose sur une bonne évaluation de la part de ressources que le débiteur peut allouer aux remboursements de ses dettes et, par différence, des sommes qui resteront à sa disposition pour les dépenses de la vie courante. Ce dernier montant est aussi appelé « reste à vivre » (C. consom., art. L. 331-2 in fine).
Dans un premier temps, l’évaluation des sommes nécessaires à la vie courante était laissée au choix de la commission. Les pratiques variaient entre un forfait strict, défini en fonction de la taille de la famille, et la prise en compte des frais réels. De nombreuses commissions utilisaient une technique mixte combinant un forfait et un ajustement en fonction des charges réelles, exposées par le débiteur. Il résultait de ces pratiques des divergences d’appréciation parfois peu justifiables.
Pour encadrer les pratiques des commissions, la première définition unifiée du « reste à vivre » a été créée par la loi de 1998. Modifiée par les lois de 2003, 2005 et 2006, cette définition a été à nouveau précisée par la loi de 2010 (8). La multiplication des interventions législatives démontre parfaitement la sensibilité et la complexité de ce sujet.
Dans son rapport annuel 2010, la Cour des comptes relevait que « l’évaluation du “reste à vivre” est l’objet des distorsions les plus choquantes » (9) et observait que l’autonomie de chaque commission dans l’établissement de son propre barème « fait peser des soupçons d’inégalité ou d’iniquité sur l’ensemble du système ». Aussi suggérait-elle la création de critères régionaux et la prise en compte au réel de certaines dépenses comme les frais de cantine. La loi du 1er juillet 2010 a répondu à ces critiques en généralisant les pratiques les plus vertueuses. Désormais, l’évaluation du « reste à vivre » est encadrée et le montant ainsi déterminé doit être clairement exprimé.


I. Une détermination fortement encadrée

La détermination d’un plancher de « reste à vivre » peut sembler contraignante dès lors qu’elle limite symétriquement la part de ressources qui peut être allouée aux remboursements. En fait, laisser au débiteur une somme décente lui permettant de faire face de façon honorable aux dépenses de la vie courante est un élément permettant de favoriser la pérennité du plan de redressement.
Par ailleurs, la détermination d’un « reste à vivre » suffisant ne se conçoit que dans la mesure où la procédure est complétée par des mesures permettant de traiter efficacement, et si possible définitivement, les dossiers faisant apparaître une capacité de remboursement très faible, sinon nulle.

a. Un montant fixé par référence à la quotité saisissable du salaire...

[Code de la consommation, articles L. 331-2 et R. 334-1]
La part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l’apurement de ses dettes est fixée « par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu’elle résulte des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail » (cf. A savoir aussi, p. 75). Les sommes allouées aux créanciers dans le cadre des mesures de traitement du surendettement (10) ne peuvent donc excéder la part saisissable des rémunérations. L’objectif étant qu’une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité.
Dès lors que la loi n’a pas expressément exclu les prestations sociales de l’assiette du calcul, il convient de les y intégrer (11). Ainsi, la Cour de cassation a estimé que, même si les sommes perçues au titre des pensions de veuve de guerre sont incessibles et insaisissables (12), elles constituent des revenus réels qui doivent être intégrés dans la détermination du « reste à vivre » (13).
La Cour de cassation a confirmé que les juges du fond apprécient souverainement l’évaluation des ressources mensuelles réelles du débiteur (14).
Le système ainsi posé est logique et équitable car il n’y a pas de raison que, dans le cadre du traitement amiable, le débiteur soit astreint à un effort financier plus lourd que s’il faisait l’objet de procédures civiles d’exécution que l’on ne peut mettre en œuvre que si l’on est créancier porteur d’un titre exécutoire.

b. ... qui ne peut être inférieur à un plancher

[Code de la consommation, article R. 334-1]
Les sommes qui peuvent être affectées au remboursement des dettes sont plafonnées de telle sorte que celles qui restent au débiteur pour faire face aux dépenses de la vie courante ne soient pas inférieures au montant du revenu de solidarité active « socle » applicable au foyer du débiteur (15).
Par l’effet de cette réserve, le débiteur est garanti de ne pas disposer, pour ses dépenses courantes, de moins que ce qu’il aurait au titre de la solidarité nationale : les marges de manœuvre des commissions sont contraintes par le texte.

c. ... et qui doit permettre de faire face à certaines dépenses

[Code de la consommation, articles L. 331-2, alinéa 2, et R. 334-1 ; circulaire du 19 décembre 2011, NOR : JUSC1133274C ; circulaire du 22 juillet 2014, NOR : EFI1400000C]
Le « reste à vivre », tel qu’il a été défini, doit comprendre « le montant des dépenses de logement, d’électricité, de gaz, de chauffage, d’eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé ».
Objet de critiques récurrentes, les pratiques des commissions en matière de définition du « reste à vivre » ont été orientées par la circulaire du 22 juillet 2014. Les dépenses courantes d’habillement, d’alimentation, d’hygiène et ménagères, ainsi que les menues dépenses courantes peuvent être forfaitisées. A cet égard, la circulaire précise que « les dépenses les plus courantes, qui varient peu d’un débiteur à l’autre, et pour lesquelles il n’y a pas lieu d’exiger des pièces justificatives sont évaluées selon un barème tenant compte de la composition de la famille ».
Pour leur part, les frais de transports professionnels, les frais de chauffage, les frais de mutuelle de santé, le loyer, les impôts, les taxes foncières et d’habitation, les frais de garde des personnes à charge ainsi que les pensions alimentaires et les prestations compensatoires peuvent être pris en compte, sur justificatifs et pour leur montant réel.
Sont ainsi intégrés dans la liste des postes de dépenses dont la commission doit tenir compte des frais variables difficilement évaluables. « Il convient cependant de relativiser l’apport de cette mesure puisque la commission et le juge de l’exécution avaient déjà la possibilité de tenir compte de la nécessité pour le débiteur de faire face à ces dépenses dans l’appréciation de son minimum vital (16)» De manière synthétique, la part de ressources réservée en priorité au surendetté pour faire face aux dépenses de la vie courante « est déterminée au regard de l’ensemble des dépenses courantes du ménage » (C. consom., art. R. 334-1).
Si la détermination du « reste à vivre » est forfaitaire, la commission utilise le barème qui, défini dans son règlement intérieur, tient compte de la composition de la famille.
La détermination du « reste à vivre » peut aussi être faite sur la base des dépenses réelles du ménage. S’il ressort du dossier que le débiteur doit faire face à des charges particulières, le « reste à vivre » qui a été calculé peut être augmenté de façon à permettre au surendetté de faire face à ses charges. La commission peut alors lui demander de fournir des justificatifs de nature à permettre de déterminer le montant des dépenses. A défaut de production de ces justificatifs, il sera fait application du barème forfaitaire.
Une hypothèse particulière permet de dépasser le montant calculé par référence à la quotité saisissable de la rémunération : lorsqu’il s’agit d’éviter la cession de la résidence principale du surendetté. Dans ce cas, le montant des remboursements peut dépasser le plafond réglementaire, dans des limites raisonnables et si le débiteur est d’accord (C. consom., art. L. 331-2, al. 3).
Si les modalités d’évaluation des dépenses courantes du ménage par la commission ne s’imposent pas au juge, elles sont un des éléments de compréhension du dossier qui lui est soumis.


II. Un montant clairement exprimé

Les conditions dans lesquelles les dépenses des surendettés sont évaluées doivent être définies par le règlement intérieur de la commission qui, rappelons-le, est public (17).
Cette obligation a pour effet d’obliger la commission à se pencher sur le problème de la définition du « reste à vivre » et à quantifier clairement l’objectif recherché. Le secrétariat étant ensuite contraint par le règlement intérieur.
Enfin, pour chaque dossier, le montant du « reste à vivre » doit être indiqué dans le plan conventionnel de redressement, dans les mesures imposées ou dans les mesures recommandées (C. consom., art. L. 331-2, al. 2).


La mesure d’accompagnement social personnalisé

A tout moment de la procédure, la commission de surendettement peut inviter le débiteur à solliciter une mesure d’aide ou d’action sociale qui peut comprendre un programme d’éducation budgétaire, et notamment une mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP, C. consom., art. L. 331-3, II, al. 7).
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a mis en place cette mesure dont l’objectif était de limiter le recours à des régimes d’incapacité juridique pour des personnes qui, sans connaître d’altération de leurs facultés mentales, nécessitaient un soutien au moins dans la gestion du revenu tiré de leurs prestations sociales.
La MASP s’adresse ainsi à « toute personne majeure qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » (CASF, art. L. 271-1). Cette mesure comporte deux volets : une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé.
Concernant le premier volet, il est à noter que si la loi évoque la gestion des ressources, c’est bien à la gestion des prestations sociales que la mesure est en fait limitée. Quant à l’accompagnement social individualisé, il permet de mettre en place des actions d’insertion sociale afin d’amener la personne concernée à adopter des comportements de gestion du budget plus adaptés à la vie courante.
Une mesure contractuelle
Le principe qui sous-tend la mesure est le consentement. En effet, l’accompagnement social personnalisé repose d’abord sur un contrat entre l’intéressé et le conseil général. Ce contrat prévoit un certain nombre d’engagements réciproques. « En contrepartie de l’engagement du département dans le cadre de la MASP consistant à mettre à disposition de la personne un travailleur social chargé de l’accompagnement social budgétaire et à assurer une gestion satisfaisante des prestations sociales, le bénéficiaire s’efforcera de gérer mieux son budget et, le cas échéant, versera une contribution financière » (18).
Certaines actions peuvent être mises en œuvre par les services du département. Sont tout d’abord envisageables des actions en faveur de l’insertion sociale du bénéficiaire. Par exemple une garantie d’accès au logement, des aides à l’amélioration de l’habitat voire une proposition de relogement. Ensuite, le département intervient par la mise en place d’actions destinées à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales. « Les services sociaux qui sont chargés de ces actions s’assurent de leur coordination avec les mesures d’action sociale qui pourraient être déjà mises en œuvre » (CASF, art. L. 271-2), comme les contrats d’engagements réciproques des allocataires du RSA ou l’accompagnement social lié au logement.
Ainsi, le bénéficiaire peut autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qui lui sont destinées en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours (MASP de niveau 1). Cette fonction pourra être déléguée par le département. Les prestations potentiellement concernées sont limitativement énumérées (CASF, art. D. 271-2). Sont par exemple visées l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Si la situation de la personne le justifie, cette autorisation de gestion donnée au département peut être étendue à d’autres prestations comme la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), les allocations familiales ou l’allocation de rentrée scolaire (MASP de niveau 2).
Le contrat, qui peut être modifié par avenant, est conclu pour une durée de six mois à deux ans et peut être renouvelé sans que sa durée totale puisse excéder quatre ans.
Une mesure qui peut être imposée
Certaines mesures contraignantes sont prévues lorsque l’intéressé refuse le contrat d’accompagnement ou n’en respecte pas les clauses. Dans ce cas, « le président du conseil général peut demander au juge d’instance que soit procédé au versement direct, chaque mois, au bailleur, des prestations sociales dont l’intéressé est bénéficiaire à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable » (CASF, art. L. 271-5). Cependant, cette mesure coercitive ne peut être mise en œuvre qu’à deux conditions cumulatives :
  • l’intéressé ne doit pas s’être acquitté de ses obligations locatives (loyers et charges) depuis au moins deux mois ;
  • la mesure ne peut avoir pour effet de le priver des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle de sa famille.
En outre, la liste des prestations concernées est limitative et identique à celle établie pour la mesure contractuelle. De même, la mesure peut être étendue à d’autres prestations en cas de nécessité.
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 271-1 à L. 271-8, R. 271-1 à R. 271-16, D. 271-2 et D. 271-5]


(1)
Cass. avis, 8 octobre 2007, n° 07-00013.


(2)
Il s’agit des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, des caisses assurant le service des congés payés et de Pôle emploi.


(3)
Par exemple les salaires, les allocations chômage, les revenus des professions non salariées, les indemnités journalières, les rentes « accident du travail », les pensions de retraite, les aides au logement, les prestations familiales, les pensions alimentaires reçues, les pensions d’invalidité, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation de solidarité spécifique, le revenu de solidarité active, les revenus des valeurs et capitaux mobiliers, les revenus fonciers, etc.


(4)
Loyer, charges, impôts, fourniture d’énergie, téléphonie, transports, assurances, frais de cantine scolaire et de garde, pensions alimentaires versées, etc.


(5)
Formulaire Cerfa n° 13594*01 et notice explicative n° 51228#01 téléchargeables sur http://vosdroits.service-public.fr


(6)
Paris, 13 novembre 1990, n° 90/102222.


(7)
Circulaire du 31 décembre 2009 « relative à la prévention des expulsions locatives », BOMEEDDM n° 2010/4 du 10-03-10 et circulaire du 22 juillet 2014, NOR : EFI1400000C, BOAC n° 59.


(8)
La loi de 2013 a, en outre, permis d’outrepasser, avec l’accord du débiteur et dans des limites raisonnables, les sommes qui peuvent être affectées aux remboursements si cela permet d’éviter la vente de la résidence principale.


(9)
Cour des comptes, rapport public annuel, 2010, préc., p. 479.


(10)
Telles qu’elles sont fixées par les articles L. 331-6 (plan amiable), L. 331-7 (mesures imposées) et L. 331-7-1 (mesures recommandées) du code de la consommation.


(11)
Cass. civ. 1re, 12 février 2002, n° 01-04038, CCC, n° 4, avril 2002, n° 69 ; Pau, 17 janvier 2012, n° 10/05000.


(12)
Code des pensions civiles et militaires, article 105.


(13)
Cass. civ. 2e, 8 juillet 2004, n° 03-04115.


(14)
Cass. civ. 1re, 18 octobre 2000, n° 99-04145 : la Cour rejette le pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel qui avait « déterminé la part de ressources nécessaire aux dépenses du ménage par référence à ses revenus moyens, sans tenir compte des variations, inhérentes à sa situation d’intermittent du spectacle, des ressources mensuelles réelles qu’il perçoit ».


(15)
A titre indicatif, le RSA « socle » s’établit, depuis le 1er septembre 2014, à 509,30 € pour une personne seule, 763,95 € pour un foyer de deux personnes, 916,74 € s’il y en a trois...


(16)
Vigneau V., Lauriat A. « La réforme du droit du surendettement des particuliers par la loi du 1er juillet 2010 », préc. p. 2 598.


(17)
Pour mémoire, « le règlement intérieur est affiché dans les locaux du secrétariat de la commission et est accessible sur le site Internet de la Banque de France » (C. consom., art. R. 331-7-2).


(18)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 244.

SECTION 2 - L’INSTRUCTION DU DOSSIER

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