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L’accès au compte bancaire

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Afin de permettre aux particuliers en situation de fragilité de bénéficier des services liés à l’utilisation d’un compte bancaire, le législateur est intervenu, d’une part, pour permettre aux personnes qui en sont démunies d’accéder à un compte et, d’autre part, pour plafonner les frais qui peuvent être perçus par la banque en cas d’incident.


A. LE DROIT AU COMPTE BANCAIRE

[Code monétaire et financier, articles L. 312-1, D. 312-5 et D. 312-6]
En raison du caractère intuitu personae de la convention de compte bancaire, un banquier peut refuser à un client l’ouverture d’un compte de dépôt alors que l’utilisation d’un tel compte est une quasi-obligation sociale et économique. En considération des besoins du client, la loi lui reconnaît le droit d’obtenir l’ouverture d’un compte de dépôt malgré l’opposition de l’établissement. Ce sujet est loin d’être anecdotique puisque, en 2013, 41 493 personnes physiques ont bénéficié de la procédure de droit au compte (1).
Ce dispositif a récemment été conforté par le Conseil d’Etat. Dans un arrêt du 10 septembre 2014 (2), il a en effet jugé que le droit au compte bancaire, contesté en l’espèce par un établissement de crédit, ne mettait en cause ni la liberté contractuelle découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, ni le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de ce texte. La Haute juridiction a rappelé que le législateur est en droit d’apporter à la liberté contractuelle « des limitations justifiées par un motif d’intérêt général, à condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ». En l’occurrence, le droit au compte résultant de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier répond « à l’objectif d’intérêt général de lutte contre contre les situations d’exclusion bancaire, dans un contexte où la généralisation de l’utilisation des virements, notamment pour le versement de salaires et de prestations, rend indispensable la détention d’un compte bancaire ».


I. La notion de droit au compte

[Code monétaire et financier, article L. 312-1]
Toute personne physique ou morale domiciliée en France, quelle que soit sa nationalité, dépourvue d’un compte de dépôt, a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix (3). Il en est de même de toute personne physique de nationalité française résidant hors de France et dépourvue d’un compte de dépôt.
Le droit au compte ne peut donc s’exercer que pour l’ouverture d’un compte de dépôt et ne peut être mis en œuvre qu’au profit d’une personne qui n’est pas déjà titulaire d’un compte de ce type. Ainsi, ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes qui sont soit déjà titulaires d’un compte de dépôt individuel, soit co-titulaires d’un compte collectif.
Pour ouvrir le compte, le demandeur s’adresse à l’établissement de crédit de son choix et lui remet une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne dispose d’aucun compte de dépôt. L’établissement qui refuse d’ouvrir un compte doit adresser une attestation de refus d’ouverture de compte au demandeur, qui peut saisir la Banque de France afin qu’elle désigne un établissement de crédit qui le lui ouvrira. Ainsi, entre janvier et août 2014, 32 087 personnes physiques ont eu recours à cette démarche (4).
Pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, l’établissement de crédit qui a refusé l’ouverture du compte doit informer le demandeur de l’existence de cette procédure et lui proposer de transmettre la demande à la Banque de France.
En outre, pour les demandes émanant de personnes physiques, « le département, la caisse d’allocations familiales, le centre communal ou intercommunal d’action sociale dont cette personne dépend, une association ou une fondation à but non lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles ou une association de consommateurs agréée peut également transmettre en son nom et pour son compte la demande de désignation et les pièces requises à la Banque de France » (C. mon. fin., art. L. 312-1, al. 2).
La demande d’ouverture du droit au compte doit être accompagnée d’un certain nombre de pièces justificatives de l’identité et du domicile du postulant qui sont énumérées par l’arrêté du 30 mai 2014 (C. mon. fin., art. R. 312-2) (5).
La loi précise les critères qui doivent être mis en œuvre par la Banque de France lorsqu’elle désigne l’établissement tenu d’ouvrir le compte bancaire. Ainsi, la banque est choisie en fonction de la proximité du domicile du demandeur ou d’un autre lieu de son choix. La Banque de France doit aussi prendre en compte les parts de marché de chaque établissement concerné. La désignation doit être réalisée « dans un délai d’un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises ». Le demandeur recevra un courrier l’informant notamment du nom et de l’adresse de l’établissement désigné pour ouvrir le compte. Il aura également la possibilité d’obtenir cette information directement auprès de l’agence qui a lancé la procédure, s’il a autorisé cette communication sur le formulaire de demande de droit au compte.
Selon une décision du tribunal administratif de Paris du 16 mars 2005, les dispositions de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier « ne prévoient pas que la désignation d’un établissement bancaire soit subordonnée à la régularité du séjour du demandeur » (6). La Banque de France ne peut donc fonder son refus de mettre en œuvre la procédure de droit au compte bancaire sur une condition non prévue par la loi.
L’établissement désigné ouvrira le compte, dans les trois jours ouvrés, après avoir procédé aux vérifications d’usage (identité et domicile du postulant). Il faut cependant noter que les services liés au compte pourront être limités aux services bancaires de base (cf. infra, II).
La décision de l’établissement de clôturer le compte fait l’objet d’une notification écrite et motivée adressée au client et, pour information, à la Banque de France. Un préavis minimal de deux mois doit être obligatoirement consenti au titulaire du compte.


II. Un contenu limité aux « services bancaires de base »

[Code monétaire et financier, articles D. 312-5 et D. 312-6]
Les services bancaires de base proposés dans le cadre du droit au compte sont définis par l’article D. 312-5 du code monétaire et financier. Ils comprennent :
  • l’ouverture, la tenue et la clôture du compte ;
  • un changement d’adresse par an ;
  • la délivrance à la demande de relevés d’identité bancaire ;
  • la domiciliation de virements bancaires ;
  • l’envoi mensuel d’un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
  • la réalisation des opérations de caisse ;
  • l’encaissement de chèques et de virements bancaires ;
  • les dépôts et les retraits d’espèces au guichet de l’organisme teneur de compte ;
  • les paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement (TIP) ou virement bancaire ;
  • des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
  • une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l’établissement de crédit qui l’a émise ;
  • deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services.
Ce service bancaire de base est fourni gratuitement aux personnes physiques ou morales domiciliées en France ayant ouvert un compte au titre du droit au compte (C. mon. fin., art. D. 312-6). En application de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement (cf. encadré, p. 78), les établissements de crédit devront, à compter du 14 novembre 2015, proposer à leurs clients bénéficiaires des services bancaires de base « un contact annuel afin d’évaluer si, compte tenu de l’évolution de leur situation personnelle et de leurs besoins, une autre offre de produits et services bancaires serait plus adaptée ». Par ailleurs, les banques s’engagent à contacter leurs clients interdits de chéquier pour les informer de l’existence de « moyens de paiement alternatifs à prix modéré » (environ 3 € par mois en moyenne). Cette même information est également insérée dans la lettre qui annonce au client son inscription au fichier central des chèques et lui enjoint de restituer les moyens de paiement qu’il détient.


B. LE PLAFONNEMENT DES FRAIS

[Code monétaire et financier, articles R. 312-4-1 à R. 312-4-3]
L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 prévoit un plafonnement des commissions dues par un consommateur en raison du traitement des irrégularités de fonctionnement de son compte bancaire. Ces commissions sont plafonnées par mois et par opération.
Ainsi, les frais perçus pour un incident (rejet de chèque, de virement ou de prélèvement) sont plafonnés à 8 € par opération et 80 € par mois.
Des plafonds spécifiques (4 € par opération et 20 € par mois) sont prévus pour :
  • les bénéficiaires du service bancaire de base ;
  • les consommateurs en situation de fragilité financière, eu égard notamment au montant de leurs ressources, qui bénéficient d’une offre spécifique s’inspirant des services bancaires de base (cf. supra, A, II) et permettant de disposer de services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
L’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier (applicable depuis le 1er octobre 2014) précise que la situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par la banque à partir :
  • de l’existence ou de la répétition pendant trois mois consécutifs d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ;
  • du montant des ressources portées au crédit du compte ;
  • des éléments dont elle aurait connaissance et qu’elle estime de nature à occasionner des incidents de paiement (dépenses portées au débit du compte...).
Sont de facto considérés en situation de fragilité financière les surendettés dont le dossier est recevable ainsi que les tireurs d’un chèque impayé ou les personnes ayant fait l’objet d’une déclaration de retrait de carte bancaire (événements inscrits pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques).
Ces personnes en situation de fragilité financière devront recevoir, par écrit, une proposition de souscrire une offre spécifique comprenant au moins les services bancaires suivants :
  • la tenue, la fermeture et, le cas échéant, l’ouverture du compte de dépôt ;
  • une carte de paiement à autorisation systématique ;
  • le dépôt et le retrait d’espèces dans l’agence de l’établissement teneur du compte ;
  • quatre virements mensuels SEPA, dont au moins un virement permanent, ainsi que des prélèvements SEPA en nombre illimité ;
  • deux chèques de banque par mois ;
  • un moyen de consultation du compte à distance ainsi que la possibilité d’effectuer à distance des opérations de gestion vers un autre compte du titulaire au sein du même établissement ;
  • un système d’alertes sur le niveau du solde du compte ;
  • la fourniture de relevés d’identités bancaires ;
  • le plafonnement spécifique des commissions d’intervention prévu à l’article R. 312-4-2 ;
  • un changement d’adresse une fois par an.
Le tarif de cette offre spécifique ne peut dépasser 3 € par mois, montant revalorisé annuellement en fonction de l’indice INSEE des prix à la consommation hors tabac.




(2)
Conseil d’Etat, 10 septembre 2014, n° 381183.


(3)
Gloukoviezoff G., « Le droit au compte : promesse tenue ? », RDSS n° 2/2014, p. 366.




(5)
Arrêté du 30 mai 2014, JO du 7-05-14.


(6)
Tribunal administratif de Paris, ord., 16 mars 2005, n° 050280519.

SECTION 3 - L’AIDE À L’ACCÈS À DES SERVICES MINIMAUX

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