Afin de laisser à disposition du débiteur des sommes lui permettant de faire face, dans une certaine mesure, aux dépenses de la vie courante, le code du travail met en place un système de plafonnement de la saisie de ses rémunérations.
A. LA PROCÉDURE
[Code du travail, articles L. 3252-2, R. 3252-2 et R. 3252-3]
Une procédure spécifique permet au créancier de procéder au recouvrement des sommes qui lui sont dues par la saisie de la rémunération d’un salarié. Les sommes ainsi saisissables ne le sont que dans la limite de proportions fixées par un décret en Conseil d’Etat pour l’année en cours. Sont pris en compte la rémunération du débiteur et les avantages en nature dont il bénéficie.
A titre indicatif, pour 2014, le barème de saisie des rémunérations est le suivant (1), étant précisé que la part saisissable est calculée sur le montant de la rémunération nette annuelle constatée lors des 12 mois qui précèdent la notification de la saisie :
- 1/20 sur la tranche inférieure ou égale à 3 700 € ;
- 1/10 sur la tranche supérieure à 3 700 € et inférieure ou égale à 7 240 € ;
- 1/5 sur la tranche supérieure à 7 240 € et inférieure ou égale à 10 800 € ;
- 1/4 sur la tranche supérieure à 10 800 € et inférieure ou égale à 14 340 € ;
- 1/3 sur la tranche supérieure à 14 340 € et inférieure ou égale à 17 890 € ;
- 2/3 sur la tranche supérieure à 17 890 € et inférieure ou égale à 21 490 € ;
- la totalité sur la tranche supérieure à 21 490 €.
Les seuils sont augmentés de 1 400 € par an et par personne à charge qui habite avec le débiteur (conjoint ou concubin, enfants à charge, ascendant dont les ressources sont inférieures au montant forfaitaire du RSA).
B. LE CAS PARTICULIER DES PENSIONS ALIMENTAIRES
[Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 213-1 à L. 213-6 et R. 213-1 à R. 213-10]
Afin de garantir le budget du créancier d’aliment et de limiter les effets du plafonnement de la quotité saisissable de la rémunération du débiteur, une procédure spécifique de paiement des pensions alimentaires a été mise en place par une loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire. Les procédures de droit commun se sont en effet avérées trop lourdes, trop complexes et trop coûteuses à mettre en œuvre. Le texte de 1973 a donc mis en place une procédure simple, rapide, peu onéreuse et très efficace qui est actuellement intégrée dans le code des procédures civiles d’exécution.
I. Le mécanisme
Tout créancier d’une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension. Le créancier peut, en particulier, exercer ce droit auprès de l’employeur (débiteur de salaires) ou du dépositaire de fonds.
II. Sa mise en œuvre
La demande est recevable dès qu’une échéance d’une pension alimentaire, fixée par une décision judiciaire devenue exécutoire, n’aura pas été payée à son terme.
La demande de paiement direct est faite par l’intermédiaire de l’huissier de justice du lieu de résidence du créancier de la pension. Toutefois, si une administration publique est subrogée dans les droits d’un créancier d’aliments, elle peut elle-même former la demande de paiement direct. Si c’est un organisme débiteur de prestations familiales (CAF ou CMSA) qui agit pour le compte d’un créancier d’aliments, il peut former lui-même la demande de paiement direct.
Dans les huit jours de sa saisine, l’huissier procède à la notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si les documents remis par le créancier ne permettent pas cette notification, dans ce même délai de huit jours, l’huissier doit mettre en œuvre les moyens qui lui permettront de la réaliser (recherche de renseignements auprès des administrations par exemple).
III. Le recueil des informations
Pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, les administrations, les organismes de sécurité sociale ainsi que les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de réunir et de communiquer, en faisant toutes les diligences nécessaires, à l’huissier qui forme la demande de paiement direct, tous les renseignements qui permettent de déterminer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles (CPCE, art. L. 152-1).
IV. Les effets
[Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 213-2, R. 213-1 et R. 231-6]
Dans les huit jours de la notification, le tiers doit accuser réception de la demande de paiement direct et préciser s’il peut y donner suite.
La demande de paiement direct vaut, par préférence à tout autre créancier, attribution au bénéficiaire des sommes qui en font l’objet au fur et à mesure qu’elles deviennent exigibles. A la différence de la saisie-attribution, la procédure de paiement direct produit donc des effets échelonnés puisque le tiers est tenu de verser directement ces sommes au bénéficiaire selon les échéances fixées par le jugement.
La demande de paiement direct peut être contestée devant le juge, mais cette contestation ne suspend pas l’obligation qui pèse sur le tiers de payer directement les sommes dues au créancier de la pension alimentaire.
V. Les termes de pension concernés
[Code des procédures civiles d’exécution, article L. 213-4]
La procédure de paiement direct des pensions alimentaires est une procédure efficace car unique alors que ses effets sont étendus : le paiement direct, applicable aux termes à échoir de la pension alimentaire, produit des effets pour le futur. La procédure est aussi applicable aux termes échus, les six derniers mois précédant la notification de la demande de paiement direct pouvant être recouvrés par ce moyen.
Le règlement de ces sommes est fait par fractions égales sur une période de 12 mois.
VI. Les frais de la procédure
[Code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-7]
Les frais du paiement direct d’une pension alimentaire incombent au débiteur de la pension. Aucune avance ne peut donc être demandée au créancier pour la mise en œuvre de la procédure. Si le débiteur ne peut être retrouvé ou si la procédure est infructueuse, les émoluments de l’huissier sont avancés par le Trésor public.
VII. L’utilisation amiable du paiement direct
[Code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-9]
Devant le juge saisi d’une demande de pension alimentaire, le débiteur d’aliment peut accepter que la pension donne lieu à paiement direct. Dans ce cas, il indique le tiers débiteur qui sera chargé du paiement et l’extrait du jugement qui constate l’accord des parties est notifié au tiers débiteur.
VIII. L’échec à l’insaisissabilité partielle des revenus
[Code du travail, articles L. 3252-5 et R. 3252-5 ; code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-10]
Aux termes de l’article L. 3252-5 du code du travail le prélèvement direct du terme mensuel courant et des six derniers mois impayés des pensions alimentaires peut être poursuivi sur la totalité de la rémunération. Ce paiement est d’abord imputé sur la fraction insaisissable et ensuite, s’il y a lieu, sur la fraction saisissable.
Toutefois, la somme qui, dans tous les cas, est laissée à la disposition du débiteur de la pension correspond au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA « socle ») pour un allocataire (2).
Si le compte faisant l’objet de la procédure de paiement direct est alimenté par des rémunérations du travail, le tiers saisi doit donc laisser cette somme à la disposition du débiteur, sans qu’aucune demande ne soit nécessaire, Si le débiteur est titulaire de plusieurs comptes, cette somme est imputée sur un seul d’entre eux.
C. L’EXPÉRIMENTATION DE LA GARANTIE CONTRE LES IMPAYÉS DE PENSION ALIMENTAIRE
[Loi n° 2014-873 du 4 août 2014, article 27, JO du 5-08-14 ; décrets nos 2014-1226 et 2014-1227 du 21 octobre 2014, JO du 23-10-14]
Afin d’améliorer la situation des personnes qui élèvent seules leurs enfants à la suite d’une séparation ou d’un divorce, un mécanisme de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) est expérimenté, en exécution de l’article 27 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette expérimentation durera 18 mois et fera l’objet d’un rapport d’évaluation qui présentera notamment une évolution comparée du taux de recouvrement de l’ensemble des caisses d’allocations familiales selon qu’elles participent ou non à l’expérimentation, et un diagnostic des disparités relevées entre elles.
I. Les bénéficiaires
L’expérimentation est ouverte aux bénéficiaires de l’allocation de soutien familial (ASF) dont l’un des parents, ou les deux, se soustrait à son obligation d’entretien et aux bénéficiaires de l’aide au recouvrement, résidant ou ayant élu domicile dans les départements dont la liste est fixée par arrêté (3), ainsi qu’aux débiteurs de créances alimentaires à l’égard de ces bénéficiaires, quel que soit leur lieu de résidence.
(A noter)
La GIPA permet également de maintenir le droit à l’allocation de soutien familial pour le père ou la mère titulaire du droit à l’allocation, qui s’est marié, a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage jusqu’au premier jour du sixième mois civil suivant celui au cours duquel l’événement a eu lieu.
II. La transmission des informations
En vue de faciliter la fixation de l’obligation d’entretien par l’autorité judiciaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales transmet au parent bénéficiaire de l’allocation de soutien familial les renseignements dont il dispose concernant l’adresse et la solvabilité du débiteur dans les meilleurs délais, dès lors que le droit à l’ASF est ouvert et que le parent débiteur est en état de faire face à son obligation d’entretien ou au versement d’une pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice.
III. La notion de « hors d’état »
Aux termes de la loi du 4 août 2014, est regardée comme se soustrayant ou se trouvant hors d’état de faire face à l’obligation d’entretien ou au versement de la pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice la personne en défaut de paiement depuis au moins un mois. Le décret du 21 octobre 2014 a précisé cette notion de « hors d’état ». L’intéressé est ainsi considéré comme « hors d’état » lorsqu’il est insolvable ou sans adresse connue. Concrètement, le débiteur défaillant est considéré insolvable par la caisse d’allocations familiales ou de mutualité sociale agricole quand il se trouve notamment dans les situations suivantes :
- bénéficiaire du RSA « socle », qu’il soit majoré ou non, y compris en cas de cumul avec le RSA « activité » ;
- débiteur disposant de ressources nulles ou inférieures au minimum absolument insaisissable, soit une somme égale au RSA « socle » fixé pour un foyer composé d’une seule personne, sans enfant, sans considération de la composition du foyer ;
- débiteur dont la totalité des revenus est insaisissable ;
- bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à taux plein ou à taux réduit en complément d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité ;
- débiteur pour lequel une décision de justice a suspendu le versement de la pension alimentaire déjà mise à sa charge par le juge aux affaires familiales ou n’a pas fixé le montant de l’obligation d’entretien en raison de la faiblesse ou de l’absence de ses ressources ou de l’absence d’éléments concernant sa situation ;
- débiteur insolvable en raison d’une incarcération (y compris dans les chantiers extérieurs), cette situation excluant le régime de semi-liberté ;
- débiteur bénéficiaire de l’allocation de solidarité spécifique, de l’ancienne allocation unique dégressive au taux plancher et de l’allocation temporaire d’attente ;
- parent mineur ;
- personne sans domicile fixe, sans ressources ou bénéficiaire de l’une des prestations sociales précitées (RSA « socle », AAH, ASS...) ;
- débiteur pour lequel il est impossible d’établir la solvabilité en raison de l’absence d’éléments identifiés lors du contrôle sur son domicile ou sur sa situation financière.
Peut également être considéré comme hors d’état de faire face à cette obligation ou à ce versement le parent débiteur ayant fait l’objet d’une plainte déposée à la suite de menaces, de violences volontaires sur le parent ou l’enfant, de condamnations pour de telles violences ou en cas de violences du débiteur mentionnées dans une décision de justice, ainsi que le parent débiteur domicilié ou ayant sa résidence habituelle dans le pays d’origine du demandeur ou du bénéficiaire de l’ASF qui a obtenu la qualité de réfugié sur le territoire.
La situation du débiteur fait l’objet d’un contrôle au moins une fois par an par la CAF ou la CMSA. Au terme de ce contrôle si les conditions précitées ne sont plus remplies, le débiteur cesse d’être considéré comme « hors d’état » de faire face à l’obligation d’entretien ou au versement d’une pension alimentaire.
IV. Le droit à l’ASF différentielle
Le droit à l’allocation différentielle de soutien familial est ouvert au parent dont la créance alimentaire pour enfants est inférieure au montant de l’allocation de soutien familial, même lorsque le débiteur s’acquitte intégralement du paiement de cette créance. L’allocation différentielle versée n’est alors pas recouvrée et reste acquise à l’allocataire.
Toutefois, en l’absence de décision de justice fixant le montant de l’obligation d’entretien, l’ASF peut être versée, y compris lorsque le parent débiteur s’acquitte d’une contribution dont le montant est inférieur à celui de l’allocation.
V. Les incidences sur les procédures d’exécution
Pour l’expérimentation et afin d’améliorer le recouvrement des pensions alimentaires impayées, la procédure de paiement direct, lorsqu’elle est mise en œuvre par l’organisme débiteur des prestations familiales, est applicable aux termes échus de la pension pour les 24 derniers mois avant la notification de la demande de paiement direct (au lieu des six derniers mois) ; le règlement de ces sommes sera réalisé par fractions égales sur une période de 24 mois (au lieu de 12 mois).
Par coordination, l’expérimentation prévoit que le prélèvement direct de la pension sur la rémunération du débiteur d’aliment peut concerner le terme mensuel courant et les 24 derniers mois impayés (au lieu des six derniers mois).
(1)
Décret n° 2013-1192 du 19 décembre 2013, JO du 21-12-2013.
(2)
Soit 509,30 € depuis le 1er septembre 2014.
(3)
A savoir l’Ain, l’Aube, la Charente, la Corrèze, les Côtesd’Armor, le Finistère, la Haute-Garonne, l’Hérault, l’Indre-et-Loire, la Loire-Atlantique, la Haute-Marne, la Meurthe-et-Moselle, le Morbihan, le Nord, le Rhône, la Saône-et-Loire, Paris, la Seine-et-Marne, le Territoire de Belfort et La Réunion : arrêté du 21 octobre 2014, NOR : AFSS1423398A, JO du 23-10-14.