Le règlement intérieur est un acte unilatéral de l’employeur ayant pour objet de permettre à celui-ci d’organiser le fonctionnement de l’établissement dont il a la responsabilité et, de ce fait, il régit les droits et les obligations des salariés. Ce texte constitue un acte réglementaire qui doit être conforme aux dispositions des lois, règlements et conventions collectives applicables. Bien que soumis à l’avis des instances consultatives du personnel, il ne fait pas l’objet d’une négociation. Ce pouvoir propre d’organisation de l’employeur a comme contrepartie sa responsabilité. En effet, c’est parce qu’il a ce pouvoir d’organisation sur les salariés par le biais du règlement intérieur qu’il va voir sa responsabilité engagée plus souvent que celle des autres salariés ou dirigeants, comme les présidents.
Obligatoire dans les établissements d’au moins 20 salariés (il reste facultatif en dessous de ce seuil), il est défini aux articles L. 1311-1 à L. 1322-4 et R. 1321-1 à R. 1323-1.
Dans les établissements et services sociaux, il ne doit pas être confondu avec d’autres règlements : le règlement de fonctionnement et le règlement de l’association.
Le règlement de fonctionnement, en ce qui le concerne, a pour objet de fixer les droits des usagers. Il doit être distingué du règlement intérieur car il ne relève pas des mêmes textes ni des mêmes procédures d’élaboration. Il existe cependant une difficulté terminologique, car dans les établissements de santé, cette distinction n’est pas faite et le règlement intérieur des établissements de santé fixe à la fois les obligations des salariés et les droits et devoirs des usagers.
Le règlement intérieur ne doit pas non plus être confondu avec le règlement des diverses instances d’une institution gérant des établissements ou services sociaux. Dans les associations par exemple, on trouve un règlement d’association régissant les diverses instances de pouvoirs : assemblée générale, conseil d’administration, directeur.
A. LE CHAMP D’APPLICATION
La législation est différente entre les établissements privés et les établissements publics. Mais la même question se pose en ce qui concerne l’obligation d’élaborer différents règlements intérieurs lorsqu’une multiplicité d’établissements existe dans une institution.
I. Pour les établissements privés
L’instauration d’un règlement intérieur est obligatoire dans les établissements privés et « dans tout organisme de droit privé quels que soient leur forme et leur objet, où sont employés habituellement au moins 20 salariés » (C. trav., art. L. 1311-2). Le règlement intérieur s’impose à tous les membres du personnel comme au directeur.
II. Pour les établissements publics
Le règlement intérieur prévu par le code du travail n’est pas obligatoire dans les établissements publics sociaux, à l’exception de ceux à caractère industriel ou commercial (C. trav., art. L. 1311-1). Mais l’élaboration d’un tel règlement est inhérent au bon fonctionnement de tout service public. Cette norme peut se définir comme une décision de l’autorité administrative édictant une règle juridique caractérisée par sa généralité et son impersonnalité. Certains règlements s’inspirent de la législation du code du travail. Ils doivent également être tous soumis aux instances consultatives du personnel et aux autorités de tutelle ou de contrôle qui peuvent contester la validité de certaines clauses. Revêtant la nature d’un acte administratif, le contrôle de légalité est effectué devant le juge administratif, les tribunaux judiciaires étant toujours incompétents pour apprécier la légalité d’un règlement intérieur d’une entreprise publique.
Mais une même question se pose : chaque établissement doit-il avoir un règlement intérieur spécifique ? Par exemple, une association nationale gérant une multiplicité d’établissements peut-elle se contenter d’élaborer un seul règlement intérieur pour toutes ces structures réparties sur l’ensemble du territoire national ou chaque établissement doit-il avoir un règlement propre ? Deux remarques peuvent être faites. Dans son deuxième alinéa, l’article L. 1311-2 du code du travail prévoit que des « dispositions spéciales peuvent être établies pour une catégorie de personnel ou une division de l’entreprise ou de l’établissement ». De plus, il a été jugé que le code du travail « n’interdisait pas à une entreprise comportant plusieurs établissements où sont employés habituellement au moins 20 salariés d’établir un règlement intérieur unique pour l’ensemble de ses établissements dès lors que ceux-ci ne présentent pas [...] de particularités exigeant l’édiction de dispositions propres à l’un ou plusieurs d’entre eux » (1). Ainsi, il serait préférable, quand une association gère divers types d’établissements pour enfants et pour adultes, que des dispositions spécifiques soient élaborées pour chaque catégorie d’établissements ou qu’il existe au minimum des dispositions particulières.
B. LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE
Dans les établissements privés, le règlement intérieur « ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, à l’avis des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » (C. trav., art. L. 1321-4). Dans les établissements publics, il doit être soumis au comité technique d’établissement.
Il fait l’objet de mesure de publicité et doit être affiché à une place convenable aisément accessible sur les lieux où le travail est effectué, ainsi qu’à la porte des locaux où se fait l’embauchage. Il doit être transmis avec les différents avis à l’inspecteur du travail. En cas de modification ou de retrait des clauses du règlement par l’employeur, la même procédure doit être respectée (C. trav., art. L. 1321-4).
Les notes de service ou tout autre document relevant de l’hygiène, de la sécurité, de la discipline sont considérés comme des adjonctions au règlement intérieur. Ils doivent respecter la procédure énoncée. Lorsque l’urgence le justifie, les prescriptions relatives à l’hygiène et à la sécurité peuvent recevoir une application immédiate. Elles doivent cependant être envoyées immédiatement et simultanément au secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), aux secrétaires du comité d’entreprise et à l’inspection du travail.
Le règlement intérieur va s’imposer au directeur, notamment pour l’application des sanctions. Contrairement à ce que pensait la cour d’appel de Montpellier, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé qu’un règlement intérieur n’a pas seulement « une valeur indicative » (2). En l’espèce, dans le règlement intérieur d’une association pour enfants et adultes handicapés, il était prévu que le licenciement pour faute grave ne pouvait être ordonné que pour des « absences répétées et injustifiées après application des sanctions inférieures ». L’existence préalable de sanctions inférieures était ainsi nécessaire au licenciement. La direction de l’établissement ne peut, dès lors, licencier un salarié sur le fondement d’une seule faute, même si cette faute est admise comme « grave » par le tribunal : l’éducateur avait quitté son poste de surveillance des enfants, alléguant un motif de santé, en informant un collègue, mais sans prévenir la direction.
D’autres jurisprudences soulignent également l’attachement que les juridictions accordent au respect du règlement intérieur par les salariés. Conscients que la discipline au regard de l’autorité hiérarchique et le respect des normes d’organisation sont primordiales au bon fonctionnement des établissements sociaux et notamment à la sécurité des usagers, les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner durement le non-respect des instructions données par le personnel de ces établissements. Par exemple, le Conseil d’Etat a admis le licenciement d’un moniteur-éducateur pour avoir fait une déposition à la gendarmerie à propos de faits délictuels commis par des enfants admis dans un établissement spécialisé, sans en avoir référé préalablement à sa direction (3). Dans le même esprit, la Cour de cassation a admis le licenciement d’une éducatrice qui avait écrit directement au juge des enfants, sans passer par sa hiérarchie, pour lui faire part de son opinion sur une décision concernant un enfant pris en charge dans l’établissement (4).
(1)
Conseil d’Etat 5 juin 1987, req. n° 74480.
(2)
Cass. soc., 17 décembre 1997, n° 94-43237.
(3)
Conseil d’Etat, 12 avril 1995, req. n° 133800, B. Heniau c/ Fondation Les orphelins apprentis d’Auteuil, Droit social, note Hennion-Moreau S., 1996, p. 156.
(4)
Cass. soc., 3 novembre 1993, n° 92-40742, Fessay c/ Association départementale de la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence.