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Les exceptions prévues par l’article 226-14 du code pénal

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L’article 226-14 du code pénal énumère trois hypothèses particulières dans lesquelles la levée du secret est possible. De plus, il met en place un système de protection pour les professionnels qui décident de parler, en excluant les poursuites disciplinaires.


A. LES HYPOTHÈSES DE LEVÉE DU SECRET

Si le professionnel choisit de révéler les faits, il n’y aura pas de violation du secret professionnel. S’il choisit de garder le secret, il ne pourra pas non plus être poursuivi pour non-dénonciation.


I. La révélation de privations ou de sévices infligés à un mineur ou à une personne vulnérable

[Code pénal, article 226-14, 1°]
Dès 1971, les professionnels avaient la possibilité de signaler les mauvais traitements sur mineurs. En 1994, lors de la réforme du code pénal, cette exception a été étendue aux personnes en état de vulnérabilité.
Désormais, « celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique » n’encourt aucune sanction.
Sont concernés tous les professionnels tenus au secret qui ont appris, découvert ou constaté les mauvais traitements à l’occasion de l’exercice de leur profession. Les privations concernent notamment les aliments et les soins. En tout état de cause, la santé de la victime ou son intégrité physique doivent être compromises.


II. La révélation de violences physiques, sexuelles ou psychiques

[Code pénal, article 226-14, 2°]
L’article 226-13 ne s’applique pas « au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ».
Cette exception est à la fois plus précise et plus large que la précédente.
Plus précise car elle traite ici de la situation particulière des médecins et du secret médical. En outre, seul le consentement de la victime peut délier le médecin du secret professionnel. En revanche, la loi a facilité le signalement pour les mineurs et les personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur incapacité physique ou psychique ; le médecin n’a pas à recueillir leur accord avant de signaler la situation. Le signalement ne peut être fait qu’au procureur de la République, qui décide s’il est opportun de poursuivre ou non.
Cette dérogation légale est aussi plus large que la première, puisqu’elle ne se limite pas aux présomptions de violences sexuelles mais concerne un plus grand nombre d’infractions. La loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance a ajouté les privations aux sévices. Désormais, les médecins ne peuvent plus être condamnés en cas de signalement de privations, ce qui constitue une harmonisation avec la première exception. En outre, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a ajouté le signalement des sévices et privations infligés à toute personne vulnérable.


III. La dénonciation de personnes dangereuses

[Code pénal, article 226-14, 3°]
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a donné aux personnels soumis au secret professionnel la faculté d’informer les autorités de la dangerosité d’une personne. Ainsi, les professionnels de la santé ou de l’action sociale peuvent informer le préfet ou, à Paris, le préfet de police, « du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une ».
Sont donc concernés par cette exception les médecins et autres professionnels de santé ainsi que les travailleurs sociaux. Seul le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut être le destinataire de l’information. Cette dernière porte sur les personnes dangereuses venues consulter un professionnel. Elles ne pourront faire l’objet d’une dénonciation que si elles présentent un danger pour elles-mêmes ou pour la société. En outre, elles doivent détenir une arme ou avoir exprimer leur volonté d’en acquérir une. A défaut, le professionnel ne pourra faire aucun signalement.
A l’époque, la mention expresse des travailleurs sociaux a fait vivement réagir l’Association nationale des assistants de service social (ANAS). Celle-ci notait, en effet, que « rajouter une possibilité de levée du secret professionnel [...] risque d’augmenter la confusion et de mettre les travailleurs sociaux dans une position d’informateurs des services de police ou de gendarmerie. Or les travailleurs sociaux ne sont pas, et ne peuvent pas être, des auxiliaires de police. A chacun son métier » (1).


B. LA PROTECTION DU PROFESSIONNEL



I. L’absence de sanctions disciplinaires

[Code pénal, article 226-14, in fine]
Le professionnel qui effectue un signalement aux autorités compétentes, en respectant les conditions posées par la loi, ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire, selon l’article 226-14 du code pénal.
Dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 janvier 2004, cet alinéa interdisait les poursuites disciplinaires pour les seuls médecins, auteurs d’un signalement entrant dans le cadre de la deuxième dérogation légale. Ces derniers faisaient l’objet de poursuites et de sanctions par le conseil de l’ordre en cas de non-reconnaissance de mauvais traitements après enquêtes ou de jugement de relaxe.


II. La protection des professionnels de l’action sociale

Par ailleurs, les salariés ou les agents des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) bénéficient d’une double protection en cas de signalement de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie. En effet, l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles précise qu’une telle action ne peut pas être prise en considération pour décider de mesures défavorables envers le salarié en matière d’embauche, de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. En outre, en cas de licenciement, l’intéressé peut demander au juge à être réintégré.
La Cour de cassation a jugé à cet égard que le licenciement pour faute grave du directeur adjoint d’un centre d’aide par le travail [NDLR : aujourd’hui établissement et service d’aide par le travail] à la suite d’un signalement « d’actes de maltraitance caractérisée à l’égard de personnes handicapées » était nul. Et ce même si ce motif n’est pas l’élément déterminant de la décision de licenciement. Il importe peu que les autres griefs invoqués puissent à eux seuls justifier le licenciement, dès lors que la dénonciation de mauvais traitements est prise en considération dans la lettre de licenciement (2).
Il ne faut pas, cependant, que le salarié fasse un signalement par mauvaise foi avec l’intention malveillante de nuire à la direction de l’établissement. Ainsi, la mauvaise foi est une limite à la protection légale du salarié (3).


Les exceptions prévues par la loi

La première phrase de l’article 226-14 du code pénal pose un principe général : « L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. » Autrement dit, le professionnel qui décide de divulguer des informations à caractère confidentiel ne peut être poursuivi pour violation du secret professionnel « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » (pour les cas où la loi impose la levée du secret, cf. infra, chapitre 4). En conséquence, l’article 226-14 doit s’articuler avec les autres dispositions du code pénal concernant les obligations de signalement, ainsi qu’avec les autres codes tels que le code de la santé publique ou le code de l’action sociale et des familles.
En posant ce principe, l’article 226-14 du code pénal se révèle peu précis, ce qui est regrettable eu égard aux enjeux. En effet, cet article ne mentionne pas les obligations prévues par les articles 434-1 (dénonciation de crimes) et 434-11 du code pénal (témoignage en faveur d’un innocent) (cf. infra, § 2, A, et section 2, § 2). En outre, il doit s’articuler avec l’article 434-3 du code pénal qui oblige à dénoncer les mauvais traitements, privations ou atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne vulnérable (cf. infra, § 2, B). Tous ces articles excluent les personnes tenues au secret professionnel. Il aurait donc été judicieux de les réunir en un seul article pour plus de lisibilité et de clarté, à l’instar du code civil allemand qui mentionne de façon précise toutes les exceptions.
Par ailleurs, l’article 226-14 du code pénal ne fait pas non plus état des possibilités de parler dans le cadre du secret partagé (cf. infra, chapitre 5), ou de celles qui sont mises en place par l’article L. 411-3 du code de l’action sociale et des familles. Cet article prévoit en effet que les assistants de service social peuvent communiquer à l’autorité judiciaire ou administrative chargée de la protection de l’enfance des indications sur les mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises, sans risquer une sanction sur le fondement de l’article 226-13.


(1)
Dubasque D., ASH n° 2280 du 11-10-02, p. 32.


(2)
Cass. soc., 26 septembre 2007, Association entraide universitaire, n° 06-40039 ; Boulmier D., « Le témoignage de mauvais traitements : du bon usage de l’article L. 313-24 du CASF », RDSS n° 1/2008, p. 126.


(3)
Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 08-42666.

SECTION 1 - LES POSSIBILITÉS DE DÉNONCIATION

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