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La transmission des informations préoccupantes

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Le signalement aux autorités administratives trouve son fondement dans les articles L. 221-6 et L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que dans l’article L. 2112-6 du code de la santé publique.


A. DANS LE CADRE DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE

L’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles, créé par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, énonce que les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfance (personnels des services de l’ASE et des services judiciaires) ainsi que celles qui lui apportent leur concours (services sociaux, services de PMI, Education nationale, PJJ, CCAS...) doivent transmettre sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l’être, au sens de l’article 375 du code civil.


I. La notion d’information préoccupante

Les termes utilisés « informations préoccupantes » ont donné lieu à de multiples tentatives de définition et à de nombreux débats. Ils juxtaposent des notions qui sont souvent distinguées en droit : les faits objectifs et leur qualification. Il aurait alors été sans doute préférable de s’en tenir dans un premier temps à des éléments factuels, la qualification relevant ensuite d’une autre autorité. « Par exemple en droit pénal, la qualification des faits appartient au magistrat seul. En laissant la possibilité à chaque acteur de qualifier les faits en information préoccupante, le risque était grand de voir se diffuser des qualifications très diverses et non homogènes. A la limite, toute information peut être qualifiée de préoccupante puisque seule la subjectivité des personnes est sollicitée (1). » De plus comme pour les personnes tenues au secret professionnel, le législateur en mentionnant « les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfance et celles qui lui apportent leur concours » n’a pas défini précisément les personnes qui ont obligation de transmettre ces informations.

a. La définition de l’information préoccupante

[Code de l’action sociale et des familles, article R. 226-2-2]
De nombreux professionnels attendaient une définition réglementaire de l’information préoccupante. Celle-ci a été donnée par le décret du 7 novembre 2013 organisant la transmission d’informations entre départements, en application de l’article L. 221-3 du code de l’action et des familles (2) : « L’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 pour alerter le président du conseil général sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. » Cette définition reprend les termes « des informations laissant craindre... » utilisés dans le guide ministériel consacré à la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation (3).
Outre de définir la notion d’information préoccupante, ce décret de 2013 organise la transmission d’informations entre départements lorsqu’une famille déménage et que sa nouvelle adresse est connue.

b. Les modalités de la transmission à un autre département

1. La procédure
[Code de l’action sociale et des familles, articles R. 221-5-1 à R. 221-5-3]
Cette transmission d’informations s’applique aux familles bénéficiaires d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aides financières, de mesures judiciaires de protection de l’enfance ou qui font l’objet d’une information préoccupante en cours de traitement ou d’évaluation. Le président du conseil général du département d’origine doit informer les parents ou les représentants légaux du mineur de la procédure de transmission d’informations qu’il engage. Lorsque le mineur est concerné par une prestation administrative d’aide sociale à l’enfance, il doit en outre recueillir leur accord écrit avant d’engager la procédure. A défaut, il évalue si l’interruption de cette prestation met en danger ou risque de mettre en danger le mineur concerné. En cas de mise en danger, le président du conseil général du département d’origine, après en avoir informé les parents, saisit l’autorité judiciaire et transmet au président du conseil général du département d’accueil les informations relatives au mineur et à sa famille. En cas de simple risque, il transmet directement les informations sans saisir l’autorité judiciaire.
2. Les documents transmis
[Code de l’action sociale et des familles, articles R. 221-6 et R. 221-7]
Le président du conseil général du département d’origine transmet au président du conseil général du département d’accueil la copie des documents suivants :
  • les informations recueillies par le département dans le cadre d’une information préoccupante ;
  • l’ensemble des décisions d’assistance éducative ou d’attribution de prestation administrative d’aide sociale à l’enfance ;
  • le rapport d’évaluation, le rapport annuel de situation de l’enfant, le rapport circonstancié ainsi que le projet pour l’enfant ;
  • le cas échéant, tout autre document susceptible d’éclairer les spécificités de la situation du mineur.
Toutefois, lorsque le juge des enfants du département d’origine se dessaisit et si celui du département d’accueil maintient l’exercice de la mesure d’assistance éducative sous la responsabilité du président du conseil général du département d’origine, seule une copie de la décision d’assistance éducative en cours et de l’ensemble des documents permettant la prise en charge financière du mineur concerné est transmise au président du conseil général du département d’accueil.
La transmission de ces documents doit intervenir dans les meilleurs délais, sous pli confidentiel, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

c. Les règles d’accès et de conservation des informations

[Code de l’action sociale et des familles, articles R. 221-9 et R. 221-10]
Les données peuvent être conservées pendant une durée de deux ans à compter de la fin de la dernière opération enregistrée ou de la dernière mesure sociale décidée. Toutefois, les informations relatives aux enfants bénéficiant d’actions éducatives en milieu ouvert et celles relatives aux enfants placés peuvent être conservées respectivement pendant cinq et dix ans.
Les informations préoccupantes étant informatisées, les parents peuvent avoir accès à ces données et demander à les rectifier en vertu des articles 39 et 40 de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978.

d. Les conséquences de l’absence d’information des parents

Cette information sera transmise à la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. En cas de saisine de l’autorité judiciaire, le président du conseil général en informe par écrit les parents de l’enfant ou son représentant légal (CASF, art. L. 226-5).
Une jurisprudence mérite d’être mentionnée concernant cette absence d’information des parents. La responsabilité administrative d’un département a en effet été engagée à la suite de la demande d’un père ayant subi un dommage pour un signalement jugé fautif. En situation de divorce, une mère énonce des faits répréhensibles concernant ses enfants à un directeur de collège. Celui-ci transmet une information au département qui, à son tour, fait un signalement au parquet. Deux faits sont reprochés aux agents de la cellule de recueil et de signalement du département. Premièrement, le manque d’investigation complémentaire sur le fondement du non-respect de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles (absence de rencontre du père, absence d’évaluation complémentaire notamment concernant la position du père face à une intervention du service ASE). Deuxièmement, le manque d’information du père sur le signalement effectué en violation de l’article L 226-5 du code de l’action sociale et des familles. Le département justifie ces faits par le respect de l’application d’un protocole signé entre le département et la justice aux termes duquel il incombait au procureur de la République de lui indiquer à partir de quelle date il pouvait informer l’intéressé. Pour le tribunal administratif, ce protocole ne permet pas de déroger à cette obligation procédurale. Le préjudice du père est important, car ce signalement a servi dans la procédure de divorce où le père a vu son droit de garde retiré. Celui-ci a fait une dépression et même perdu son emploi. Le tribunal administratif condamne le département à verser 15 000 € au père de l’enfant et 1 500 € à son avocat (4).


II. Une transmission d’informations réciproque

Le président du conseil général et le procureur de la République doivent se transmettre réciproquement toutes les informations en leur possession. Le président du conseil général doit aviser le procureur des actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de la famille intéressés. Le procureur de la République informe, dans les meilleurs délais, le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine. De plus, toute personne travaillant au sein des organismes qui participent à la protection de l’enfance (5) qui avise directement, du fait de la gravité de la situation, le procureur de la République de la situation d’un mineur en danger adresse une copie de cette transmission au président du conseil général. Lorsque le procureur a été avisé par une autre personne, il transmet au président du conseil général les informations nécessaires à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance confiée à ce dernier, et il informe cette personne des suites réservées à son signalement. Encore une fois, la finalité de ces dispositions est de permettre au président du conseil général de connaître l’ensemble des situations d’enfants en difficulté sur le département (CASF, art. L. 226-4).


B. DES TEXTES SPÉCIFIQUES

Une obligation de transmission d’informations incombe également au personnel du service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) (C. santé publ., art. L. 2112-6, al. 2). En effet, chaque fois que celui-ci constate que la santé ou le développement de l’enfant sont compromis ou menacés par des mauvais traitements, et sans préjudice des compétences et de la saisine de l’autorité judiciaire, il en rend compte sans délai au médecin responsable du service qui provoque d’urgence toutes mesures appropriées.
Lorsqu’un médecin du service départemental de PMI estime que les circonstances font obstacle à ce que l’enfant reçoive les soins nécessaires, il lui appartient de prendre toutes mesures relevant de sa compétence propres à faire face à la situation. Il en rend compte au médecin responsable du service (C. santé publ., art. L. 2112-6, al. 3).
Ce texte ne prévoit pas expressément la saisine du président du conseil général, alors que l’ancien article L. 152 du code de la santé publique prévoyait la saisine obligatoire du directeur des services départementaux. L’expression « provoquer toutes mesures appropriées » semble laisser une marge de manœuvre au médecin responsable. Mais ces médecins du conseil général font partie des personnels chargés de mettre en œuvre la politique de protection de l’enfance, visés par l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles. Ils doivent donc transmettre les informations préoccupantes à la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation. Cette position n’est pas partagée par certains médecins et par le conseil de l’ordre. Pour eux, en effet, si un médecin, quel qu’il soit, estime qu’il doit signaler un enfant en danger, il doit le faire au procureur de la République. Il n’a pas à passer par la cellule. En revanche, s’il s’agit d’une information préoccupante qui ne nécessite pas un signalement d’emblée, il peut en faire part à la cellule.
Il sera difficile d’aller à l’encontre de cette position, même si elle ne semble pas correspondre à la volonté du législateur. Toute personne en situation d’urgence peut toujours saisir directement le parquet. Au final, c’est lui qui décidera soit de saisir la justice, soit de charger le département d’exercer une mesure de protection administrative.
Les médecins participant au fonctionnement des cellules d’évaluation des signalements sont tenus au secret médical. S’ils doivent donner les indications nécessaires à la prise de décision, ils ne doivent jamais communiquer, par exemple, le contenu des certificats médicaux aux autres membres, non médecins, de ces cellules. Toutefois, un magistrat pourra a posteriori examiner le fonctionnement de cette cellule et éventuellement juger que le secret médical n’a pas été respecté.


(1)
Lhuillier J.-M., « Information préoccupante et signalement : la mise en œuvre des textes issus de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance », RDSS n° 5/2010, p. 947.


(2)
Décret n° 2013-944 du 7 novembre 2013, JO du 9-11-13.


(3)
Guide pratique « Protection de l’enfance », La Cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation, ministère de la Santé et des Solidarités, consultable sur www.reforme-enfance.fr/guides.html


(4)
CAA Nantes, 5 juillet 2012, n° 11NT00456, RDSS n° 6/2012, p. 1147, obs. Lhuillier.


(5)
Il s’agit des organismes mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, à savoir les services publics, les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être.

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