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Les enjeux sur la pratique professionnelle

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Une distinction doit être faite entre les deux alinéas de l’article 223-6 du code pénal. Le premier concerne l’omission d’empêcher une infraction, le second la non-assistance à personne en péril (1). Certains auteurs soulignent la notion de temps (2). Dans le cas du second alinéa, le péril doit être imminent et constant. Dans le cas du premier, la notion de temps est moins importante malgré les mots « par une action immédiate ». A l’appui de leur argumentation, ces auteurs mentionnent la décision ancienne du tribunal correctionnel de Lille qui spécifie : « On ne saurait prétendre que les mesures qui s’imposent doivent être prises seulement au moment de l’exécution des faits ; il faut et il suffit, pour que la loi soit applicable, que l’on ait eu des motifs sérieux de croire que le crime devait être commis (3). » Les modalités de l’intervention semblent susciter quelques hésitations de la part de la chambre criminelle de la Cour de cassation. A priori, nous l’avons vu, l’article 223-6, alinéa 1er, du code pénal n’impose pas la dénonciation. C’est ainsi qu’avait été jugé non-répréhensible, sur le fondement de l’ancien article 63, alinéa 1er, du code pénal (art. 223-6, al. 1er actuel), le fait pour un policier de n’avoir pas dénoncé le hold-up que voulait commettre son beau-frère (4). Le commentateur de cet arrêt explique cette décision par la nécessité pour la cour de distinguer l’article 63, alinéa 1er (art. 223-6, al. 1er actuel) de l’article 434-1 du code pénal concernant l’obligation de dénonciation de crimes. Ces articles semblent être, en cette circonstance, en effet assez proches.
La distinction entre les deux alinéas de l’article 223-6 est cependant délicate lorsqu’il s’agit des mauvais traitements à enfant. D’autant que c’est sur le fondement de cet article que les condamnations concernant les obligations de signalement sont susceptibles d’intervenir. En effet, il n’est pas impossible que la chambre criminelle se fonde sur l’alinéa 1er de l’article 223-6 du code pénal pour retenir l’incrimination de non-dénonciation de crime ou de délit contre l’intégrité corporelle. Et que l’on se trouve face à la situation paradoxale où le professionnel tenu au secret, et auquel l’article 434-3 du code pénal reconnaît la liberté de conscience, pourra ne pas révéler des faits déjà commis, mais pourra être poursuivi pour n’avoir pas empêché une infraction à venir dont il ignorait si elle serait commise. On retrouve ici la notion de risque retenue par les juges dans l’affaire du foyer de Nantes. L’article 223-6 peut alors servir de support à une condamnation pénale pour les travailleurs sociaux dans certaines situations. L’on sait, par exemple, qu’en cas d’inceste, il existe un risque de réitération des actes criminels. La jurisprudence a déjà assis des décisions sur ce fondement. La Cour de cassation a approuvé la condamnation d’une mère qui se serait abstenue, bien qu’informée, d’intervenir pour empêcher des relations sexuelles de son mari avec leur fille adoptive (5). En outre, elle a clairement affirmé que l’obligation qui s’impose à un éducateur de jeunes délinquants ou inadaptés d’empêcher, par une action immédiate, un délit contre l’intégrité corporelle d’une personne alors qu’une telle action est sans risque pour lui-même, doit « prévaloir sur la crainte de compromettre éventuellement l’efficacité de son action de prévention » (6). Un travailleur social tenu au secret professionnel pourrait donc se voir condamné non pas pour n’avoir pas dénoncé un crime passé, mais pour n’avoir pas empêché un crime ou un délit prévisible. Or, comme le soulignent Christian Guéry et Christian Chomienne, souvent la seule possibilité d’empêcher un crime est de dénoncer les faits aux autorités. La situation sera donc délicate pour les professionnels qui y sont confrontés.


(1)
Cf. Rennes, 15 novembre 2011, n° 11/ 1467, préc.


(2)
Chomienne C. et Guéry C., article préc.


(3)
Trib. corr. Lille, 27 juin 1950, D. 1950.695 ; JCP, 1950.II.5837.


(4)
Cass. crim., 7 novembre 1990, n° 88-85439.


(5)
Cass. crim., 31 mars 1992, n° 92-80186.


(6)
Cass. crim., 21 novembre 1974, n° 73-93525.

SECTION 2 - L’ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER

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