Recevoir la newsletter

Les éléments constitutifs de l’infraction

Article réservé aux abonnés

Les incriminations de non-assistance à personne en danger sont constituées, d’une part, par l’omission d’empêcher une infraction et, d’autre part, par l’omission de porter secours. Les magistrats distinguent rarement les deux alinéas de l’article 223-6. En revanche, ils font une interprétation stricte du texte et exigent plusieurs conditions pour que l’infraction soit réalisée.


A. UN PÉRIL IMMINENT ET CONSTANT...

Il faut que le péril soit imminent et constant et qu’il nécessite une intervention immédiate pour être évité, sans risque pour la personne devant agir. Il doit en fait exister un risque de réitération. La première décision du tribunal correctionnel du Mans, concernant l’affaire Montjoie, le caractérise ainsi : « Attendu que l’ensemble de ces considérations commande de ne retenir la culpabilité des prévenus que s’il est démontré, d’une part, que la victime était soumise à un risque immédiat et évident de réitération d’une agression et, d’autre part, que les intervenants sociaux en avaient pleinement conscience et n’ont pris aucune mesure, fût-ce éducative, pour remédier à cette situation (1). »


B. ... DONT L’INTÉRESSÉ A EU PERSONNELLEMENT CONSCIENCE...

Le prévenu doit avoir eu une certaine conscience du caractère immédiat du danger. Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, il doit avoir eu personnellement conscience du caractère d’imminente gravité du péril auquel se trouvait exposée la personne dont l’état requérait secours et qu’il n’ait pu mettre en doute la nécessité d’intervenir immédiatement en vue de la conjurer. C’est l’élément intentionnel de l’infraction. C’est aussi le plus subjectif : sur quels éléments les juges peuvent-ils s’appuyer pour prouver cette cons-cience du danger encouru par la personne à secourir ? Ils prendront en compte les circonstances de fait mais aussi la qualité du prévenu. Ils auront tendance à être plus exigeants dans leur appréciation à l’égard d’un professionnel que d’un simple citoyen.
A titre d’illustration, on peut citer l’affaire du foyer de l’enfance de Nantes (2).
Rappel des faits : une jeune fille de 15 ans, confiée par le parquet quelques jours plus tôt à un foyer de l’enfance, décède, n’ayant pas pris son traitement médical alors qu’elle est en fugue. Les deux jours précédant son décès, elle téléphone au foyer et donne un numéro de téléphone permettant de situer son lieu d’hébergement. Plusieurs échanges ont lieu avec les services de police, notamment de la part du responsable du foyer. Celui-ci fait un signalement de fugue, mais omet de mentionner le lieu où se trouve la jeune fille – l’adresse lui avait été transmise par un éducateur.
Le tribunal de grande instance de Nantes estime non réalisée l’incrimination de non-assistance à personne en danger. Il rappelle que les dispositions de l’article 223-6 du code pénal exigent, pour être caractérisées, « que les prévenus aient eu personnellement conscience du caractère d’imminente gravité du péril auquel se trouvait exposée la personne dont l’état requérait secours, et qu’ils n’aient pas pu mettre en doute la nécessité d’intervenir immédiatement en vue de le conjurer ». Il estime également que l’élément moral, qui se définit par une attitude d’indifférence par rapport à un péril imminent, apparaît de même non caractérisé. Le tribunal évoque alors tous les faits qui laissent penser que les éducateurs ne pouvaient connaître l’état d’imminente gravité du péril et toutes les actions qu’ils ont menées, témoignant qu’ils n’étaient pas indifférents à la situation de la jeune fille.
La cour d’appel de Rennes saisie par le ministère public estime, de son côté, que le responsable du foyer de l’enfance « ne pouvait ignorer qu’il existait un risque que celle-ci néglige son traitement d’autant qu’elle avait des tendances suicidaires ». Mais elle reproche surtout à celui-ci de ne pas avoir transmis l’adresse où pouvait se trouver la jeune fille. Elle condamne le responsable du foyer à six mois de prison et renvoie l’affaire sur l’action civile au tribunal administratif.
Enfin, la Cour de cassation statuant sur le pourvoi « constate qu’il n’existe aucun moyen de nature à permettre l’admission du pourvoi » et confirme donc la position des magistrats de Rennes.
Le commentaire doit être nuancé. Il n’est pas certain que la condamnation repose sur des éléments strictement juridiques, ou alors il faut considérer que les juges ont modifié les conditions d’application de l’article 223-6 du code pénal. Si, selon le tribunal, les éducateurs n’ont pas eu conscience de la gravité d’un péril imminent, la cour d’appel estime, quant à elle, qu’ils auraient dû avoir conscience qu’il existait un risque, notamment que la victime ne prenne pas ses médicaments ou se suicide. Mais il existe une grande différence entre la notion de risque et la conscience de la gravité d’un péril imminent. A posteriori, en cas de dommage, un tribunal pourra toujours déclarer qu’il existait un risque. Dans cette affaire, les magistrats ont donc fait référence à la notion de risque pour l’application de l’article sur la non-assistance à personne en danger. Le tribunal a certainement pris en compte le fait que les éducateurs avaient pour mission professionnelle de protéger les enfants. Mais la cour d’appel reproche au directeur la non-transmission des informations à la gendarmerie. Ainsi, en se situant en dehors d’un fonctionnement normal avec les autorités judiciaires, le responsable du service s’exposait à une condamnation.
Mais sur le plan juridique, il semble que, pour aboutir à cette condamnation, les éléments constitutifs de la réalisation de l’incrimination ont été analysés très largement par la cour d’appel, et trop rapidement par la Cour de cassation. Encore une fois, la condamnation semble s’expliquer par le statut professionnel et le comportement de la personne mise en cause.


C. ... MAIS POUR LEQUEL IL S’EST ABSTENU VOLONTAIREMENT

L’intéressé doit avoir décidé de s’abstenir. L’abstention doit donc être volontaire et intentionnelle, sans pour autant impliquer l’intention de nuire. Là encore, les juges déduiront l’intention coupable des faits mais aussi du statut professionnel de la personne jugée.


(1)
Trib. corr., Le Mans, 29 octobre 1993. Même position du TGI de Nantes, le 15 mars 2000.


(2)
TGI Nantes, 15 mars 2000, Ministère public, consorts X. c/ éducateurs foyers de l’enfance et autres ; Rennes, 20 novembre 2001 ; Cass. crim., 18 juin 2002, JDJ n° 218, octobre 2002, p. 55 et s.

SECTION 2 - L’ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur