L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui est notamment assuré « l’accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires » (CASF, art. L. 311-3, 5°). Le dernier alinéa de cet article précisait que « les modalités de mise en œuvre du droit à communication sont fixées par voie réglementaire ». Mais, contre toute attente, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a abrogé ce dernier alinéa. Le ministère des Affaires sociales a évoqué la diversité des dossiers sociaux pour justifier cette décision. Il ne fait pas de doute que le législateur ayant favorisé l’accès aux dossiers médicaux et judiciaires aurait dû également organiser le droit d’accès au dossier social.
Il n’en demeure pas moins que les principes généraux du droit s’appliquent au moins dans les établissements publics, lesquels participent au service public contrairement aux établissements privés.
Le droit à l’information ne concerne pas uniquement le dossier des personnes, mais s’étend à tout type de document relatif à la prise en charge, ce qui vise non seulement les aspects médicaux mais aussi les dimensions sociales : courriers divers, cahier de liaison ou de transmission, synthèses diverses, rapports psychologiques...
Derrière cette question, se profile celle du « dossier social », la difficulté provenant du fait que celui-ci n’a jamais fait l’objet de réglementation précise, tant la diversité des établissements et services sociaux est grande. Ce type de dossier n’est pas, sauf exception, régi par des textes législatifs ou réglementaires. Dans la pratique, l’ensemble des informations concernant une famille ou une personne (notes, rapports...) constitue un document administratif de type nominatif, au sens de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Actuellement, seules certaines structures sont soumises à l’obligation d’établir un dossier de la personne prise en charge : les établissements accueillant des enfants ou des adolescents présentant des déficiences intellectuelles (CASF, art. D. 312-37), les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (CASF, art. D. 312-59-6), les pouponnières à caractère social (CASF, art. D. 312-137 et D. 312-151). Pour les autres établissements et services, il n’y a pas d’obligation réglementaire mais l’accompagnement individualisé des personnes nécessite de recueillir et d’organiser les informations qui les concernent et donc de constituer un dossier pour chacune d’elles.
Pourtant, le secteur social ne pourra pas faire l’économie de cette réflexion sur la composition du dossier social, sur les personnes pouvant y accéder et sur les procédures de mise en œuvre. En l’absence de décret fixant les modalités de mise en œuvre du droit à communication, le ministère des Affaires sociales a établi un guide à l’attention des établissements sociaux et médico-sociaux concernant le dossier de la personne accueillie ou accompagnée (1).
Toujours est-il que la mise en œuvre du droit à communication constitue une opportunité pour les professionnels de l’action sociale de renforcer leurs exigences qualitatives à l’égard de leurs écrits. Et de faire un tri des informations qui doivent être conservées dans le dossier de l’usager. Selon le guide ministériel, les écrits professionnels nécessaires à l’échange d’informations (documents de type cahier de liaison, ou note « volante ») n’ont pas vocation à être conservés, ils ont un intérêt temporaire. Si, et seulement si, un événement prend du sens au regard du projet personnalisé, alors il est repris dans le dossier de la personne. Les écrits intermédiaires des professionnels, tels que les brouillons ou notes, ont également vocation à être détruits (s’ils sont conservés à des fins d’étude, ils sont « anonymisés »). De plus, ces documents pourraient être consultés dans le cadre d’un contrôle ou d’une procédure judiciaire. Seul le document finalisé est intégré au dossier.
En l’absence de texte spécifique, c’est donc la réglementation de droit commun qui s’applique, en fonction de la nature des pièces constitutives. A cet égard, la loi du 17 juillet 1978 (art. 6, II) précise clairement que le droit d’accès et de communication concerne la personne directement intéressée et non pas un parent ou un ayant droit. La Commission d’accès aux documents administratifs le rappelle régulièrement. A la mort de son fils accueilli dans un établissement public pour adultes handicapés, une mère sollicitait la communication des documents suivants le concernant : son projet individuel de vie, le compte rendu de synthèse interdisciplinaire, les observations quotidiennes (écrits de professionnels, transmissions, bilans) sur la prise en charge dont il fit l’objet, versées à son dossier individuel. Invitée à donner un avis par le directeur de l’établissement médico-social, la CADA a considéré, dans une séance du 2 février 2006, que « les documents demandés constituent des documents administratifs couverts par le secret de la vie privée et des dossiers personnels de la personne à laquelle ils se rapportent de telle sorte qu’ils ne peuvent être communiqués qu’à celle-ci, conformément au II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. En cas de décès, le contenu de ces documents ne paraît pas de nature à justifier un droit d’accès des ayants droit » (2).
En revanche, il semblerait difficile, par exemple comme cela est prévu concernant la santé, qu’un enfant puisse empêcher ses parents de consulter son dossier social. Pour les services de soins psychiatriques, cette disposition pose déjà de nombreuses questions aux thérapeutes. Dans le champ de l’enfance, il a été jugé cependant que ce droit ne pouvait être exercé que dans l’intérêt de l’enfant. Dans une affaire, des parents souhaitaient obtenir communication du dossier médical de leur enfant qui avait séjourné dans un établissement spécialisé. L’enfant ayant quitté l’établissement et étant devenu majeur, il a été jugé que les parents ne pouvaient plus, au titre de représentants de l’autorité parentale, avoir accès au dossier de leur enfant (3).
(1)
Le dossier de la personne accueillie ou accompagnée. Recommandations aux professionnels pour améliorer la qualité. Guide pour les établissements sociaux et médico-sociaux, 2009, disponible surwww.social-sante.gouv.fr
(2)
CADA, séance du 2 février 2006, conseil n° 20060634.
(3)
Conseil d’Etat, 1e SS, 6 décembre 1993, req. n° 143493.