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Le secret professionnel a pour premier objectif d’assurer la crédibilité de certaines professions qui exercent une fonction sociale : les professionnels de la santé (secret médical), les journalistes (secret des sources), les avocats (secret professionnel lié au droit de la défense), les travailleurs sociaux (secret de la vie privée). Mais le secret professionnel vise également à protéger l’intimité des usagers.


A. CRÉDIBILISER UNE FONCTION SOCIALE

Le travail social nécessite une réelle relation de confiance entre le professionnel et les personnes qu’il prend en charge. L’établissement d’une telle relation ne peut se faire sans la garantie du respect du secret professionnel. Pour qu’une personne en difficulté accepte de partager « ses secrets » avec le professionnel qui la suit, il faut qu’elle soit assurée que, en toutes circonstances, ses confidences ne seront pas dévoilées à un tiers et ne pourront être utilisées à d’autres fins que l’aide sollicitée.
Ainsi, le secret professionnel crédibilise le travail de ces professionnels et garantit leurs conditions d’intervention ; « plus qu’un simple outil, c’est presque une technique de travail au service d’un métier » (1). Son existence est une condition nécessaire à l’exercice de certaines missions. Par exemple, si un éducateur de rue acceptait de donner systématiquement des informations à la police, il perdrait toute crédibilité auprès des jeunes.
L’existence de ce secret doit être acceptée par les différents partenaires des intervenants sociaux (diverses autorités responsables, justice). Pour que la justice puisse jouer son rôle, il est nécessaire que les missions de recueil des informations par les professionnels du travail social puissent s’exercer normalement.
Cependant, certains intérêts sont considérés comme « supérieurs » par la société ou l’Etat afin de préserver l’ordre public et social. Ainsi, la lutte contre le terrorisme l’emporte sur les droits de la défense ou de l’information, la lutte contre les mauvais traitements à enfant prime sur la possibilité de silence. Au secret professionnel général et absolu, affirmé par la Cour de cassation comme ne devant souffrir aucune exception, se substitue un secret professionnel à géométrie variable en fonction d’une certaine hiérarchie des valeurs.
Face à cette complexité due aux libertés données par la loi et aux pressions exercées par les autorités, la question est toujours, pour le professionnel, celle de son positionnement face à l’usager. Doit-il sauvegarder l’intérêt privé ou protéger l’intérêt public ? L’usager se confie parce qu’il voit dans le travailleur social un conseiller et non un dénonciateur. En 1994, lors de la réforme du code pénal, le législateur avait tranché, estimant que la condamnation pénale des travailleurs sociaux, comme des autres intervenants, n’améliorait pas la protection des personnes et que, face à ces conflits d’intérêts, l’obligation de signalement systématique sous menace de sanctions pénales n’était pas la meilleure solution. Force est pourtant de constater que sous le poids de l’opinion publique, les magistrats ont de plus en plus tendance à durcir les condamnations pénales à l’égard des professionnels.


B. PROTÉGER LA VIE PRIVÉE DE L’USAGER

Si l’objectif premier du secret professionnel est bien de garantir la confiance dans une profession, il répond également à la nécessité de protéger la vie privée et la dignité des personnes qui se confient.
Exposant sa situation personnelle, l’usager confie des informations relevant de son intimité, protégées, notamment par l’article 9 du code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent [...] prescrire toutes mesures [...] propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée [...] (2). » Pour la jurisprudence, est ainsi « illicite toute immixtion dans la vie privée d’autrui (3) ». L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est souvent évoqué : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance [...]. »
Le droit au respect de la vie privée se définit comme le droit de n’être pas troublé par autrui ni chez soi (inviolabilité du domicile), ni dans son quant-à-soi (intimité). La notion de vie privée englobe notamment la vie familiale et conjugale, la vie professionnelle, la pratique religieuse, l’état de santé, la vie intime et amoureuse, l’image, la correspondance, la situation financière...
Dans l’exercice de son métier, l’intervenant social est amené à rencontrer des personnes ou des familles en grande difficulté sociale, financière voire physique, à entrer dans leur intimité et à recueillir des informations sur leur vie privée. Les usagers des services sociaux ont droit à la confidentialité des informations qu’ils lui confient explicitement ou non. Ils doivent pouvoir compter sur sa discrétion et avoir confiance en lui. Ils sont en quelque sorte liés par un « contrat de confiance » qui est la base de leur relation.
Le professionnel peut donc voir sa responsabilité engagée pour le non-respect de la vie privée d’un usager. Sur le plan civil, il a été jugé que dans le cadre d’une procédure de divorce, une assistante sociale ayant connu les époux dans l’exercice de ses fonctions ne peut pas attester de faits couverts par le secret professionnel. En l’espèce, il s’agissait d’un adultère (4).
De même, un infirmier de secteur psychiatrique, participant à la réalisation d’un court-métrage consacré à l’activité artistique comme mode de traitement des malades atteints de troubles psychiques, qui communique au réalisateur des informations lui permettant d’entrer en contact avec un patient dépendant du centre hospitalier, a manqué à l’obligation de secret professionnel. Ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire, en l’occurrence l’exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans, assortie du sursis pour un an (5).
Rappelons, en outre, que la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale garantit à l’usager des établissements et services sociaux ou médico-sociaux l’exercice d’un certain nombre de droits et libertés individuels. Lui sont notamment assurés le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ainsi que la confidentialité des informations le concernant, laquelle recouvre évidemment le secret professionnel mais est plus large car elle exige la discrétion des professionnels (CASF, art. L. 311-3, 1° et 4°).
La responsabilité d’un département a également été engagée pour la divulgation présumée d’informations confidentielles détenues par le service de l’aide sociale à l’enfance, informations qui, aux termes de l’article L. 133-4 du code de l’action sociale et des familles, sont protégées par le secret professionnel. Une femme ayant accouché sous X fait irruption dans la vie de son enfant âgé de 14 ans et de ses parents adoptifs. Elle semble avoir obtenu des informations relatives au nouvel état civil de sa fille biologique et au nom de ses parents adoptifs. Ceux-ci demandent réparation au département. Le Conseil d’Etat considère que « la circonstance que la mère biologique d’une enfant confiée à sa naissance au service de l’aide sociale à l’enfance, puis adoptée, ait eu connaissance des informations relatives à la nouvelle identité de cet enfant et à celles de ses parents adoptifs révèle une faute dans le fonctionnement du service de l’aide sociale à l’enfance du département de nature à engager la responsabilité de ce dernier, sauf à ce qu’il établisse que la divulgation de ces informations est imputable à un tiers ou à une faute de la victime » (6). Une faute présumée du service de l’ASE est donc admise. C’est à ce service de faire la preuve qu’il n’a pas commis de faute.


(1)
Couturier M., « Le secret professionnel en travail social », thèse, mémoire de diplôme, Université du droit et de la santé, Lille 2, 2002.


(2)
Cet article reprend l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui énonce : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a le droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »


(3)
Toulouse, 15 janvier 1991, Association régionale pour la sauvegarde de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte c/ Hoyer et autres, RDSS, 1992, p. 132, obs. Lhuillier J.-M. ; Cass. civ. 1re, 6 mars 1996, n° 94-11273 et Cass. civ. 2e, 3 juin 2004, n° 02-19886, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr, comme tous les arrêts disposant d’un numéro de pourvoi cités dans cet ouvrage.


(4)
Cass. civ. 2e, 24 juin 1992, n° 90-18021.


(5)
Conseil d’Etat, 1er juin 1994, req. n° 150870.


(6)
Conseil d’Etat, 17 octobre 2012, Consorts B, n° 348440.

SECTION 1 - LES FONDEMENTS DU SECRET PROFESSIONNEL

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