Recevoir la newsletter

Les règles déontologiques

Article réservé aux abonnés

Les codes de déontologie regroupent l’ensemble des règles que se fixe une profession. Si toutes les professions ne se sont pas dotées de codes ou de chartes de déontologie, elles se reconnaissent toutes dans un certain nombre de principes et de valeurs éthiques. Dans le travail social, mis à part celui de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS), il n’existe pas encore de code de déontologie pour les professions sociales malgré plusieurs initiatives (1). Il convient toutefois de souligner la publication, le 17 avril 2014, par l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES), de la charte d’éthique professionnelle des éducateurs spécialisés (2). Cette charte a pour objectif « de traduire une visée concrète permettant de donner des points de repères qui puissent soutenir les professionnels au quotidien ». De nombreux articles sont consacrés au secret professionnel. Ces articles regroupent les situations dispersées dans le code pénal concernant les éducateurs spécialisés et donnent quelques indications pour leur mise en œuvre.
Cependant, dans l’optique d’établir un cadre déontologique global, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a prévu l’élaboration d’une « charte nationale » par les fédérations et organismes représentatifs des personnes morales publiques et privées gestionnaires d’établissements et de services. Celle-ci doit notamment définir « les principes éthiques et déontologiques afférents aux modes de fonctionnement et d’intervention, aux pratiques de l’action sociale et médico-sociale [...] » (CASF, art. L. 311-2). Mais cette charte n’a toujours pas vu le jour. Un « immobilisme » des fédérations et organismes gestionnaires d’établissements et de services qui « s’explique principalement par les rivalités existant entre les acteurs du monde associatif, ceux représentant le secteur public autonome ou rattaché à l’hôpital, et le secteur privé commercial des EHPAD » (3).
(A noter)
Dans ce cadre de la responsabilité, les codes de déontologie servent souvent de référence aux magistrats pour apprécier le comportement fautif ou non d’un professionnel.


A. QUELQUES EXEMPLES DE CODES DE DÉONTOLOGIE



I. Le code de déontologie médicale

Depuis toujours, le secret médical est un des piliers de l’exercice de la médecine. Nous l’avons vu, c’est l’article 378 du code pénal de 1810 qui, pour la première fois, apporte une consécration législative au secret, en citant au premier rang des personnes qui y sont astreintes les médecins et les professionnels de la santé. L’obligation de secret figure aujourd’hui dans le code pénal (art. 226-13 et 226-14), lequel ne fait plus référence aux médecins. Il traite du secret professionnel et non plus spécifiquement du secret médical. Il ne s’agit plus du secret « confié » mais du secret dont le professionnel est dépositaire.
Le respect du secret est une obligation éthique qui figure donc à l’article 4 du code de déontologie médicale (C. santé publ., art. R. 4127-4). « Le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
Les codes de déontologie médicale successifs ont précisé la définition du secret professionnel, avant que n’intervienne l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades. Aux termes de cet article, « toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes ». Concrètement, tout professionnel des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux est tenu de respecter ce secret déontologique. Sont ainsi visés les sages-femmes territoriales (PMI) et hospitalières (4), les infirmiers, les psychologues (qui disposent d’un code de déontologie mais sans valeur réglementaire), les aides médico-psychologiques, les ergothérapeutes...
Le code de la sécurité sociale rappelle lui aussi que le secret professionnel est au nombre des principes de la médecine en France. L’article L. 162-2 énonce en effet que « dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont [...] le secret professionnel [...] ». Pour la jurisprudence, tant judiciaire qu’administrative, le secret médical revêt un caractère général et absolu, à quelques nuances près, et est à la fois d’intérêt privé et d’intérêt public.


II. Le code de déontologie des assistants de service social

Les fondements déontologiques de la profession d’assistant de service social figurent dans le code de déontologie de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS) qui, n’ayant pas fait l’objet d’un décret, n’a donc aucune valeur réglementaire, mais constitue une référence pour l’ensemble des professionnels. Il est enseigné dans la formation de base et il est pris en compte par la jurisprudence. Ses dispositions s’imposent à tout adhérent de l’association, titulaire du diplôme d’Etat d’assistant de service social ou étudiant en service social. Le premier code de déontologie fut élaboré en 1949. Il a été remanié et remis à jour à plusieurs reprises. Plusieurs articles font référence à l’obligation de secret professionnel.
Il en est ainsi de l’article 3 traitant « De la confidentialité » : « L’établissement d’une relation professionnelle basée sur la confiance fait de l’assistant de service social un “confident nécessaire” reconnu comme tel par la jurisprudence et la doctrine. » Ou encore de l’article 4 relatif au secret professionnel : « L’obligation légale de secret s’impose donc à tous les assistants de service social et étudiants en service social, sauf dérogations prévues par la loi. »
De son côté, l’article 17 donne des indications aux assistants de service social amenés à témoigner en justice sur l’attitude à tenir. Ainsi, « l’assistant de service social ne doit ni déposer ni témoigner en justice pour tout ce dont il a pu avoir connaissance du fait ou en raison de sa profession – obligation confirmée par la jurisprudence – et garde cependant, aux termes de la loi, selon les dispositions du code pénal, la liberté de témoigner dans les cas de dérogation au secret professionnel » (cf. infra, chapitre 3).
Quant à l’article 21, il traite des obligations du professionnel envers son employeur : « L’assistant de service social rend compte régulièrement de son activité aux responsables de son organisme employeur. Il le fait dans la forme la mieux adaptée au contexte dans lequel il s’insère, et dans les limites compatibles avec le secret professionnel et les objectifs généraux de sa profession. »
Comme l’exprimait en 2007 Marie-Claude Eglin, alors responsable de la commission déontologie à l’ANAS, « le code sert de base et de fil conducteur à la réflexion que tout professionnel doit mener dans le cadre de son action. Il l’aide à prendre la décision qui lui semble la plus adaptée à la situation rencontrée, en toute conscience et responsabilité. En aucune manière [...], le code de déontologie ne peut être l’énoncé de règles précises qui donneraient la réponse à toute question éthique que se poserait le professionnel » (5).


(A noter)

Les assistants de service social sont par ailleurs tenus au secret professionnel à raison de leur profession par un texte légal (CASF, art. L. 411-3) (cf. infra, chapitre 2).


III. Les éléments de comparaison

Encore une fois, ces deux codes de déontologie ont une valeur différente et leur non-respect a des effets particuliers. Le non-respect du code de déontologie médicale sera sanctionné par le conseil de l’ordre des médecins. Dans le secteur social, où il n’existe pas de code de déontologie ayant une valeur réglementaire, ni de conseil de l’ordre, nulle sanction ne pourra être prise à l’encontre d’un travailleur social sur le seul non-respect d’un de ces textes. Certains, du côté des autorités politiques, regrettent d’ailleurs l’absence d’ordre professionnel dans le champ social, comme il en existe au Québec. Mais il faut dire que le mauvais fonctionnement et les positions idéologiques du conseil de l’ordre des médecins n’encouragent vraiment pas les professionnels du travail social à s’engager dans cette voie.


B. LA CHARTE ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE DES ÉDUCATEURS SPÉCIALISÉS

L’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) vient de se doter très récemment d’une charte éthique professionnelle. Ce projet, engagé en 2008, avait pour ambition « de réfléchir aux principes fondamentaux du métier d’éducateur spécialisé déterminé lui-même par l’intérêt des usagers ». Emanant d’éducateurs spécialisés issus de différents secteurs (handicap, protection de l’enfance, exclusion sociale...), la charte « ne devait pas répondre à des impératifs de bonnes où mauvaises conduites » ni « énoncer dans un document référence de nouvelles normes devant s’appliquer aux éducateurs spécialisé », explique l’ONES. Au contraire, il s’agissait de traduire « une visée concrète permettant de donner des points de repères qui puissent soutenir les professionnels au quotidien » et ce que devient l’éthique des éducateurs spécialisés « en terme de processus en constante évolution lorsqu’elle est confrontée au réel des situations rencontrées ».
Pour l’organisation, qui constate que « l’éthique est ces dernières années trop souvent mise à mal par de nouvelles logiques gestionnaires, administratives ou organisationnelles », la charte d’éthique « ne garantit aucun résultat, aucune efficacité mais offre un socle fondateur à partir duquel les éducateurs spécialisés peuvent légitimer leurs démarches et mieux lutter contre certaines dérives ». Concrètement, si « elle n’a rien d’une recette, elle appelle au contraire à l’éthique de chacun pour faire question, se confronter aux problèmes, aussi difficiles et imprévisibles qu’ils soient ».
Les dispositions de la charte d’éthique s’imposent aux professionnels titulaires du diplôme d’État d’éducateur spécialisé et aux étudiants éducateurs spécialisés. Parmi celles-ci, l’article 10 évoque le « rapport de confiance » qui doit s’instaurer entre l’éducateur spécialisé et la personne qu’il accompagne, celle-ci devant être assurée que le caractère secret des informations la concernant sera respecté.
Toute une série d’articles ont trait au secret professionnel, à la confidentialité et au partage des informations. Ainsi, l’article 11 rappelle qu’« il appartient à chaque éducateur spécialisé de respecter le silence dans les conditions définies par le code pénal sur la part d’informations qu’il détient, comprend, devine ou apprend, dès lors qu’il s’agit de l’intimité d’une personne où d’informations liées à sa vie privée, quelles que soient les missions de l’établissement ou du service dans lequel il exerce sa fonction. Il n’est pas nécessaire que le déposant de l’information lui octroie un caractère secret pour qu’elle le soit. Le secret professionnel vise à protéger les usagers ».
L’article 12 liste les différentes hypothèses dans lesquelles la loi autorise les éducateurs spécialisés à révéler un secret ou leur impose de le faire. Ils sont ainsi autorisés à informer les autorités médicales, judiciaires ou administratives en cas de connaissance de priva-tions, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger (C. pén., art. 226-14). Etant précisé que les éducateurs spécialisés soumis au secret professionnel (par mission ou par fonction) ont l’autorisation et non l’obligation de parler (C. pén., art. 434-3) (cf. infra, chapitre 2, section 3, § 1, B). Lorsqu’ils concourent à la protection de l’enfance, ils ont en revanche l’obligation de transmettre au président du conseil général les informations préoccupantes concernant un mineur en danger (CASF, art. L 226-2-1).
Dans le cadre de la prévention de la délinquance, l’article 13 impose aux éducateurs spécialisés « d’informer le maire et le président du conseil général lorsqu’ils constatent l’aggravation d’une situation et que celle-ci rend nécessaire l’intervention de plusieurs professionnels. Les éducateurs spécialisés qui interviennent dans ce cadre ne révèlent pas le contenu de la situation mais font part de son aggravation pour qu’une intervention coordonnée puisse être mise en œuvre ».
Enfin, l’article 14 évoque le partage d’informations. « L’éducateur spécialisé qui intervient avec d’autres professionnels auprès d’une même personne est autorisé à partager avec ces professionnels une information relative à sa prise en charge et strictement nécessaire à celle-ci. Ce partage d’informations ne peut se faire que si les professionnels concernés travaillent autour des mêmes objectifs. Dans ce cas, l’éducateur spécialisé s’assure que le partage d’informations soit nécessaire, raisonnable et modéré ».


C. LES RÈGLES DÉONTOLOGIQUES DES FONCTIONNAIRES DU SECTEUR SOCIAL

Une grande partie des professionnels du secteur social relèvent de la fonction publique, et particulièrement des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ils sont donc soumis aux principes et aux règles juridiques qui les orientent dans l’accomplissement de leurs missions. Enfreindre un impératif déontologique exposerait, en effet, à différentes responsabilités (disciplinaire, civile, pénale, administrative et financière), selon certains auteurs (6). Outre les obligations spécifiques attachées à ce secteur (discrétion et secret professionnel, cf. supra, § 2, A), tout fonctionnaire du secteur social est tenu à l’impartialité et à une obligation de neutralité dans ses relations avec l’usager. Dans ses relations avec son employeur, il devra respecter une obligation d’obéissance hiérarchique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, art. 28), une obligation d’exclusivité dans l’exercice de ses fonctions (même si sur ce point précis certains assouplissements ont été apportés par la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique) et des obligations de probité et d’honnêteté. En dehors du service, il reste tenu à une obligation de dignité de la vie privée et à une obligation de réserve.


(1)
A titre d’exemples : rapport de la mission déontologie et travail social, « La déontologie au carrefour des libertés des usagers et des professionnels du travail social », présenté par J.-P. Rosenczveig, juin 1992, non publié ; « Références déontologiques pour l’action sociale », texte adopté aux journées d’études de l’Association nationale des communautés éducatives (ANCE) du 30 mai 1996 à Carcassonne ; projet de code interprofessionnel de déontologie de l’ANCE, JDJ 1995, n° 142, p. 11. Cette association a été remplacée par le Réseau national des communautés éducatives (RNCE) depuis 2003 ; Charte de l’association francophone des intervenants en toxicomanie, citée par Garapon A., JDJ 1993, p. 734 ; ANESM, « Le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux », recommandations de bonnes pratiques professionnelles, juin 2010.


(2)
Cette charte est publiée sur le site de l’ONES (www.ones-fr.org).


(3)
Bauduret J.-F., Institutions sociales et médico-sociales, De l’esprit des lois à la transformation des pratiques, Dunod, 2013, p. 158.


(4)
Dourgon L., « Le secret professionnel des sages-femmes », JDJ-RAJS, n° 246, juin 2006, p. 39.


(5)
Eglin M.-C., « Actualité du code de déontologie des assistants sociaux. Depuis le code de déontologie de 1994 : quelles évolutions ? », in Revue française de service social, n° 227/2007-4, p. 79.


(6)
Sur ce sujet, cf. Dyens S., « Déontologie des fonctionnaires du secteur social », La Gazette santé-social, n° 39, mars 2008, p. 44.

SECTION 1 - LES FONDEMENTS DU SECRET PROFESSIONNEL

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur