Le secret professionnel, notion de droit pénal, se distingue du devoir de confidentialité ou de discrétion qui relève du droit civil ou administratif. Par conséquent, le non-respect d’une obligation de discrétion donne lieu à une condamnation civile ou administrative et éventuellement à des sanctions disciplinaires, alors que la violation du secret professionnel conduit à une condamnation pénale.
La distinction entre la violation du secret professionnel et la violation de l’obligation de discrétion est également importante pour la détermination de la responsabilité si un dommage a été causé. Dans le premier cas, c’est le travailleur social qui assumera personnellement la condamnation, une peine d’amende ou une peine privative de liberté, par exemple. Dans le second cas, c’est l’employeur, au titre de la responsabilité civile ou administrative, qui sera déclaré responsable et son assureur qui paiera l’indemnisation fixée (1).
La responsabilité d’un département a ainsi été engagée du fait de la faute résultant du manquement par deux assistantes sociales à leur obligation de secret professionnel (2). En relatant devant des tiers à une assistante maternelle des faits graves, susceptibles de remettre en cause son agrément, dont elle-même et son mari étaient soupçonnés sur la base de divers signalements et dont elles étaient chargées de vérifier l’exactitude dans le cadre d’une enquête qu’elles effectuaient à la demande du service de l’aide sociale à l’enfance, les assistantes sociales ont manqué à l’obligation de secret professionnel édicté par l’article 225 du code de la famille et de l’aide sociale [NDLR : CASF, art. L. 411-3]. Un tel manquement constituant une faute de nature à engager la responsabilité du département. Un directeur d’hôpital ayant lu un rapport médical d’une salariée devant son conseil d’administration s’est vu condamné également pour le non-respect de la confidentialité d’un dossier, et l’assurance de l’hôpital a été contrainte d’indemniser la salariée (3).
Tout salarié, du public ou du privé, est tenu à un devoir de discrétion. Celui-ci est compris comme l’obligation de ne pas révéler à l’extérieur de l’entreprise les informations relatives à son activité : informations concernant le fonctionnement interne de l’institution, que tous les salariés de l’entreprise peuvent être appelés à connaître, ou informations obtenues personnellement dans le cadre de l’activité propre.
A. LES FONCTIONNAIRES DU SECTEUR SOCIAL
Le statut général des fonctionnaires soumet les agents des trois fonctions publiques – Etat, territoriale et hospitalière – au secret professionnel « dans le cadre des règles instituées dans le code pénal » (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, art. 26, al. 1). Les fonctionnaires doivent également « faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions » (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, art. 26, al. 2).
L’obligation de discrétion s’impose envers toutes les personnes extérieures à l’institution concernant des informations relatives à la structure elle-même, au personnel ou aux usagers.
L’obligation de discrétion semble absolue à l’égard des tiers, personnes physiques. En revanche, en cas de signalement aux autorités judiciaires ou de tutelle, cette obligation perd de son importance. En effet, les fonctionnaires peuvent être appelés à transmettre des informations confidentielles. Cette transmission doit respecter certaines règles, notamment celles qui sont prévues par le règlement intérieur de l’institution (cf. annexe 1, p. 100). Ainsi, le Conseil d’Etat a admis le licenciement d’un éducateur pour avoir fait une déposition à la gendarmerie à propos de faits délictuels commis par des enfants admis dans un établissement spécialisé, sans en avoir référé préalablement à sa direction, en ne respectant pas les instructions données par l’établissement sur l’attitude à tenir face à ces agissements (4). La haute juridiction administrative tient à conserver au directeur d’un établissement les moyens d’organiser sa structure, et le respect du règlement intérieur en est un élément essentiel.
B. LES PROFESSIONNELS SOUMIS AU DROIT DU TRAVAIL
Tout salarié est tenu d’exécuter son contrat de travail de bonne foi (C. trav., art. L. 1222-1). Ainsi, il n’a pas à divulguer à des tiers des informations concernant son activité. D’autant plus que le travailleur social a connaissance d’informations touchant à l’intimité des personnes dont il a la charge.
Il est soumis à l’autorité hiérarchique de son employeur. Dans la droite ligne du Conseil d’Etat, la Cour de cassation a admis le licenciement pour faute grave d’une éducatrice qui avait, malgré l’interdiction qui lui en avait été faite, écrit directement au juge des enfants, en méconnaissance du principe hiérarchique, pour lui faire part de son opinion sur une décision concernant un enfant pris en charge dans l’établissement (5).
Le licenciement d’éducateurs spécialisés pour cause réelle et sérieuse a également été confirmé dès lors qu’ils ont porté à la connaissance de personnalités extérieures, dont les autorités de tutelle, les différends qui les opposaient à l’équipe médicale du centre sur la procédure d’admission des toxicomanes pendant le temps de négociations consacrées à la réorganisation des services (6).
Est également fondé le licenciement d’un animateur d’un centre de sauvegarde, qui révèle au personnel d’une maternité les menaces de reconduite à la frontière d’un demandeur d’asile. « Mais attendu que la cour d’appel relève que la démarche d’ordre privée entreprise par le salarié en faveur d’une personne réfugiée n’avait été possible qu’en divulguant à des tiers des informations confidentielles qu’il avait recueillies dans le cadre de ses fonctions et en agissant à l’insu de l’association qui l’employait tout en faisant état de sa qualité professionnelle ; qu’elle ajoute qu’il avait ce faisant outrepassé les limites des pouvoirs d’intervention de l’employeur, non habilité à prendre en charge les demandeurs d’asile après le rejet définitif de leur requête, que par ces seuls motifs, elle en a déduit à bon droit que les faits reprochés, qui constituaient des manquements graves à ses obligations professionnelles et ne relevaient pas de la liberté d’expression reconnue au salarié, justifiaient le licenciement intervenu (7). »
(1)
Lhuillier J.-M., « La responsabilité des professionnels de l’action sociale, en matière pénale, civile et administrative », Numéro juridique ASH, 2e éd., décembre 2012, p. 18.
(2)
CAA Lyon, 3e ch., 30 décembre 1992, M. et Mme X. c/ Département du Puy-de-Dôme, n° 91LY00520.
(3)
CAA Nancy, plénière, 30 mai 2002, centre hospitalier général Maillot, n° 96NC03040.
(4)
Conseil d’Etat, 12 avril 1995, req. n° 133800, B. Heniau c/ Fondation Les orphelins d’Auteuil, Droit social, Hennion-Moreau S., 1996, p. 156.
(5)
Cass. soc., 3 novembre 1993, Fessay c/ Association départementale de la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, n° 92-40742.
(6)
Paris, Mallet c/ Association Charonne, 23 novembre 1987, doc. n° 28758, Juris-Data.
(7)
Cass. soc., 6 avril 2011, n° 09-72520. Cf. aussi « Le pouvoir disciplinaire de l’employeur », in « La responsabilité des professionnels de l’action sociale en matière pénale, civile et administrative », Lhuillier J.-M., Numéro juridique ASH, 2e éd., décembre 2012, p. 65.