[Code civil, articles 345-1, 354 et 356 ; code de l’action sociale et des familles, article L. 147-1 ; circulaire du 28 octobre 2011, NOR : JUSC1119808C]
Dans le cadre d’une adoption plénière, la filiation d’origine disparaît au profit de la filiation adoptive. De fait, le jugement d’adoption qui est transcrit tient lieu d’acte de naissance pour l’adopté. L’article 354 du code civil enjoint au procureur de la République de procéder à la transcription du jugement d’adoption plénière dans les 15 jours à compter de la date à laquelle il est passé en force de chose jugée. Autrement dit, cette formalité de publicité doit être accomplie dans les 15 jours à compter de la date à partir de laquelle ce jugement n’est plus susceptible de recours, et ne peut donc être remis en cause. Cette transcription est effectuée sur les registres de l’état civil du lieu de naissance de l’adopté. La loi détermine son contenu et répond indirectement à la question de la protection et/ou de la connaissance de la filiation d’origine de l’adopté. En effet, l’alinéa 3 de l’article 354 du code civil énonce que la transcription doit comporter le jour, l’heure, le lieu de naissance et le sexe de l’enfant, ainsi que son nom de famille et ses prénoms tels qu’ils résultent du jugement d’adoption. Elle contient également les prénoms, noms, date et lieu de naissance, profession et domicile du ou des adoptants. La référence au lieu de naissance de l’enfant est parfois encore sujette à controverse dans la mesure où sa connaissance « faciliterait » pour les uns la révélation des origines de l’adopté, alors que pour d’autres, il s’agit uniquement d’appliquer l’article 57 du code civil qui fait référence au lieu de naissance de la personne. Ce lieu de naissance ne doit pas être fictif mais réel (circulaire du 28 octobre 2011, point 3). Dans l’hypothèse où il ne serait pas possible de le déterminer, le lieu de naissance de l’adopté est fixé dans la commune du domicile de l’adoptant. Il en est différemment, comme n’a pas manqué de le rappeler la Cour de cassation (1), lorsque l’enfant adopté est né à l’étranger et que les adoptants résident en France. Dans un tel cas, c’est le lieu de naissance réel de l’enfant qui doit apparaître, même s’il s’agit d’une ville étrangère et qu’elle révèle de facto l’adoption de la personne. Par ailleurs, il faut ajouter que le code civil se garde bien de faire référence d’une quelconque manière à la filiation réelle de l’enfant.
Les père et mère de l’adopté sont ses parents adoptifs. La confidentialité liée à la filiation d’origine de l’enfant a pour conséquence qu’aucun extrait, aucune copie de l’acte de naissance d’origine ne peut être délivré à l’intéressé. Est inscrit la mention « adoption » sur les registres de l’état civil d’origine, et de fait l’acte de naissance d’origine doit être considéré comme un acte nul mais il n’est pas détruit. La conservation de cet acte relève de l’intérêt général. Le procureur de la République est seul autorisé à le consulter, notamment pour vérifier qu’il n’existe pas un empêchement à mariage. Au-delà du régime général de l’adoption plénière, la situation de l’enfant adopté par le conjoint de son parent présente un intérêt certain. En outre, le fait d’avoir été adopté par une ou deux personnes a une influence directe sur le nom de famille de l’adopté.
A. L’ADOPTION PLÉNIÈRE DE L’ENFANT DU CONJOINT
L’article 345-1 du code civil détermine les cas dans lesquels cette modalité de l’adoption plénière peut être envisagée. En effet, l’enfant peut être adopté par le conjoint de son parent (par exemple, la mère) :
→ lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint ;
→ lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ;
→ lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;
→ lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.
Dans le cas de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, la requête en adoption est présentée par l’époux seul mais le jugement d’adoption produit ses effets à l’égard des deux époux. L’adoption confère à l’enfant une filiation qui peut, dans certains cas, se substituer à sa filiation d’origine. En effet, l’adopté cesse d’appartenir exclusivement à sa famille par le sang, excepté pour ce qui concerne les empêchements à mariage. Par exemple, si la mère de l’enfant s’est vue totalement retirer l’autorité parentale par une décision judiciaire, l’enfant adopté par la nouvelle épouse de son père voit sa filiation maternelle d’origine anéantie puisque la filiation adoptive lui est substituée. La filiation paternelle est maintenue (C. civ., art. 345-1, 2°). Les mêmes règles s’appliquent lorsque le premier conjoint du parent non adoptif (par exemple la mère) est décédé, et n’a pas laissé de grands-parents ou que ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant (C. civ., art. 345-1, 3°). Dans ce dernier cas, la filiation est maintenue à l’égard du parent non adoptif (le père) et établie à l’égard de la mère adoptive. Dans ces cas, l’acte de naissance d’origine de l’enfant est annulé et un nouvel acte de naissance est établi.
Il est encore possible que l’enfant n’ait eu, au moment de son adoption par le conjoint de son parent, qu’une filiation établie à l’égard de celui-ci (par exemple sa mère). En effet, l’acte de naissance du futur adopté révèle, sur le terrain de sa filiation et dans notre exemple, sa filiation maternelle, mais il peut n’y avoir aucune filiation établie du côté paternel (avant l’adoption). Tel serait le cas de l’enfant reconnu à la naissance par sa mère uniquement et qui, plus tard, sera adopté par l’homme que celle-ci a épousé. Dans ce cas, la filiation adoptive complète la filiation déjà établie (C. civ., art. 345-1, 1°).
Par ailleurs, l’enfant déjà adopté par un parent (par exemple la mère) peut faire l’objet d’une nouvelle adoption par le conjoint de l’adoptant (le mari de sa mère adoptive). La deuxième adoption plénière est prononcée avec le consentement du parent adoptif. Concernant l’état civil de l’adopté, le dispositif du premier jugement d’adoption est annulé et le dispositif du second jugement est transcrit en maintenant la filiation adoptive établie en premier lieu, et en y ajoutant celle à l’égard du second conjoint de l’adoptant.
L’anéantissement de la filiation d’origine ne remet pas en cause le droit pour l’adopté de connaître ses origines. C’est à partir de la copie intégrale de son acte de naissance nouveau que l’adopté pourra prendre connaissance de la situation qui est la sienne. En effet, la copie intégrale fait référence au jugement d’adoption et à la juridiction qui l’a rendu. Dès lors, il peut avoir accès aux pièces judiciaires du dossier d’adoption et, le cas échéant, solliciter le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) pour connaître, dans les conditions posées par la loi, l’identité de ses parents biologiques. La loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 sur l’accès aux origines autorise les personnes concernées – adoptés, pupilles, anciens pupilles – à connaître l’identité de leurs auteurs ou des membres de leur famille (ascendants, descendants, collatéraux du père ou de la mère de naissance) si ces derniers ne s’y sont pas opposés de leur vivant (CASF, art. L. 147-6.).
B. L’IMPACT DE L’ADOPTION PLÉNIÈRE SUR LE NOM DE FAMILLE DE L’ADOPTÉ
Les dispositions de l’article 357 du code civil issues des lois n° 2002-304 du 4 mars 2002 sur le nom de famille, et n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, s’appliquent aux enfants nés à compter du 1er janvier 2005. De fait, le nom des personnes nées avant le 1er janvier 2005 et adoptées par la voie de l’adoption plénière, avant l’entrée en vigueur de la loi ouvrant le mariage pour tous, est soumis aux dispositions antérieures à la loi du 4 mars 2002. A contrario, que l’enfant soit né avant ou après le 1er janvier 2005 importe peu pour l’attribution de son nom de famille en tant que personne adoptée, dès lors que le jugement d’adoption est postérieur au 19 mai 2013 (2).
I. L’adoption est antérieure au 19 mai 2013
[Code civil art. 311-21 et 357, anciens]
Dans ce premier cas de figure, l’intéressé est né avant le 1er janvier 2005 (3) et a été adopté avant le 19 mai 2013. Différentes hypothèses peuvent se présenter.
a. L’adoption par une personne seule
Lorsque l’adoption est faite par une personne seule (célibataire), l’adopté prend le nom de l’adoptant.
b. L’adoption plénière conjointe ou l’adoption de l’enfant du conjoint
Dans le cas de l’adoption plénière conjointe par deux époux, le nom de l’enfant est déterminé selon les règles posées par l’article 311-21 (ancien) du code civil, auquel renvoie l’article 357 ancien du même code. De fait, les parents adoptifs avaient la faculté, depuis le 1er juillet 2006, d’effectuer une déclaration du nom de famille, à savoir soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre.
Dans l’hypothèse de l’adoption de l’enfant du conjoint :
- l’épouse adopte l’enfant de son mari, l’enfant conserve le nom de celui-ci (père d’origine de l’enfant) ;
- le mari adopte l’enfant de son épouse, l’enfant prend le nom de l’époux (nom de l’adoptant et beau-père de l’enfant).
Exemple
• Adoption par le mari de l’enfant de son épouse
Nom d’origine de l’adopté : Mercier-Dutilleul
Nom de la mère : Dutilleul
Nom de l’époux (adoptant) : Bernard
Le nom de l’adopté sera : Bernard
Mais il ne s’agit là que d’une possibilité parmi d’autres. En effet, l’article 357 du code civil (ancien) prévoyait que, si l’adoptant était une femme mariée ou un homme marié, le tribunal pouvait, dans le jugement d’adoption, décider à la demande de l’adoptant que le nom de son conjoint, sous réserve du consentement de celui-ci, sera conféré à l’enfant. Le tribunal pouvait également, à la demande de l’adoptant et sous réserve du consentement de son conjoint, conférer à l’enfant les noms accolés des époux dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Si le mari ou la femme de l’adoptant était décédé ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal appréciait souverainement après avoir consulté les héritiers du défunt ou ses successibles les plus proches.
c. L’adoption par une femme mariée ou devenue veuve d’un enfant qui n’est pas celui de son conjoint ou ex-conjoint
Dans ce cas, l’adopté prend le nom de l’adoptante. Toutefois, celle-ci peut solliciter du tribunal qu’il attribue à l’enfant le nom de son époux ou conjoint décédé. Le tribunal peut autoriser que l’enfant adopté porte le nom de l’époux décédé ou qui serait dans l’impossibilité de donner son consentement. Les héritiers ou successibles les plus proches peuvent être consultés (4).
II. L’adoption est postérieure au 19 mai 2013
[Code civil, articles 311-21, 311-23, 357 et 363 ; circulaire du 29 mai 2013, NOR : JUSC1312445C, BOMJ n° 2013-05]
Dans ce second cas de figure, peu importe que l’enfant soit né avant ou après le 1er janvier 2005. Là encore, plusieurs hypothèses sont à considérer.
a. L’adoption par une personne seule
Lorsque l’adoption est réalisée par une personne seule (célibataire), l’adopté prend le nom de l’adoptant.
b. L’adoption plénière conjointe et l’adoption de l’enfant du conjoint
Dans cette hypothèse, les adoptants ou l’adoptant et son conjoint peuvent souscrire une déclaration conjointe de choix de nom de famille au profit de l’adopté, dès lors qu’ils n’ont pas d’autres enfants communs, ou lorsqu’ils ont des enfants communs, ce sont des enfants nés avant le 1er janvier 2005 et qui n’ont pas bénéficié du changement de nom par adjonction du nom ; ou ces enfants communs sont nés avant leur mariage et la filiation a été établie de manière différée sans qu’ils aient bénéficié pour autant d’une déclaration conjointe de changement de nom.
1. L’adoption plénière conjointe par deux époux
Le nom choisi peut être :
- soit le nom de l’un d’eux. Si le nom est un double nom de famille, ce nom est divisible aux générations futures et chaque partie du nom doit être distinguée par la rubrique (1re partie......... 2e partie.......) ;
- soit une partie du nom de l’un d’eux ;
- soit leurs deux noms accolés dans l’ordre qu’ils souhaitent.
2. L’adoption de l’enfant du conjoint
L’adoptant et son conjoint peuvent choisir :
- le nom du conjoint (parent par le sang) ;
- le nom de l’adoptant (ou une partie du double nom de famille) suivi du nom du conjoint (ou une partie du double nom de famille de celui-ci) ;
- le nom du conjoint ou parent d’origine (ou une partie du double nom de famille) suivi du nom de l’adoptant (ou une partie du double nom de famille de l’adoptant).
Une déclaration conjointe de nom de famille peut être faite, mais le choix est limité au nom de famille déjà retenu si les adoptants ou l’adoptant et son conjoint ont un enfant pour lequel ils ont effectué une déclaration conjointe de changement de nom devant l’officier de l’état civil depuis le 1er juillet 2006.
En l’absence de déclaration de choix de nom, l’enfant adopté prend le nom de l’adoptant ou celui du mari de l’adoptante en cas d’adoption de l’enfant du conjoint.
Exemple
Nom de l’adoptant : Jardin-Eden
Nom du conjoint : Fournier-Bernard
A défaut de choix, l’enfant prend le nom de famille de Jardin-Fournier
c. L’adoption plénière par une seule personne (mariée ou veuve) d’un enfant qui n’est pas l’enfant du conjoint ou ex-conjoint
Dans cette hypothèse, l’enfant prend le nom de l’adoptant ; la loi ouvrant le mariage pour tous ne permet plus d’attribuer à l’enfant adopté le nom de l’époux ou du conjoint décédé, ou les noms accolés des deux époux dans l’ordre qu’ils ont choisi.
(1)
Cass. civ. 1re, 12 novembre 1986, n° 85-10183 et 85-10907, Bull. civ., I, n° 258. NB : Les actes de naissance originaires des personnes adoptées en la forme plénière entre 1966 et 1996 (réformes successives en matière d’adoption), qu’il s’agisse d’un acte de naissance de droit commun ou d’un acte de naissance provisoire, sont revêtus de la mention « adoption » et considérés comme nuls (C. civ., anc. art. 354). Désormais, mention sommaire de la transcription du jugement d’adoption doit être portée en marge des registres de la commune où a été dressé cet acte à la date de la naissance de l’adopté (C. civ., art. 354 al. 1er nouveau).
(2)
La loi ouvrant le mariage pour tous a été publiée au Journal officiel du 18 mai. Selon l’article 1er du code civil, elle est applicable le lendemain de sa publication au Journal officiel.
(3)
Dans cette hypothèse, l’intérêt de la distinction subsiste pour les personnes adoptées avant le 19 mai 2013 puisque les dispositions nouvelles ne s’appliquent qu’à compter de cette date.
(4)
Toutefois, cette alternative ne se présente plus depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 qui établit des règles nouvelles pour le nom des adoptés en la forme plénière et la forme simple. Les nouvelles dispositions sont applicables à toutes les procédures d’adoption, et quel que soit l’âge de l’adopté (en ce sens, cf. circulaire du 29 mai 2013, NOR : JUSC1312445C).