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La preuve de la nationalité

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[Code civil, articles 17 à 32-5 ; décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, modifié, articles 34 et 52]
En la matière, le dispositif applicable repose sur un système de preuve légale, au moins pour la preuve de la nationalité française dont les principes trouvent leur fondement dans le code civil et le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. La charge de la preuve pèse sur la personne qui entend se prévaloir de la nationalité française. Cette preuve est renversée lorsque la personne concernée est en mesure de se prévaloir d’un certificat de nationalité. Dans la première hypothèse, la règle posée par l’article 30 du code civil ne fait qu’appliquer le droit commun de la preuve. Toutefois, lorsqu’une personne tierce, par exemple une administration, une commune ou un conseil général prétend que telle ou telle personne est française ou relève d’une autre nationalité elle n’a pas à en apporter la preuve. C’est à l’individu dont la nationalité est en cause qu’il appartient de prouver la nationalité qui est la sienne. Ainsi, c’est à la personne qui est invitée à quitter le territoire français et qui est arrêtée de prouver qu’elle est bien française pour faire échec aux poursuites pénales dirigées à son encontre. A l’inverse, la délivrance du certificat de nationalité octroie à son titulaire une présomption simple de nationalité française (1). Celle-ci lui permet là encore de faire échec à un arrêté d’expulsion tant que le ministère de l’Intérieur ne prouve pas avoir saisi le procureur de la République aux fins d’intenter une « action négatoire de la nationalité française » à son égard (2). Cette règle est jugée fondamentale par la Cour de cassation (3). Mais l’administration peut toujours combattre la force probante qui découle de ce certificat de nationalité, notamment lorsqu’elle est en mesure d’établir qu’il a été obtenu par fraude (4). La force probante conférée au certificat de nationalité par l’article 31-2 du code civil « dépend des documents qui ont permis de l’établir » (5). Pour détruire la force probante du certificat de nationalité, il est possible de contester la sincérité des documents produits pour l’obtenir (6) ou de prouver que cette nationalité a été perdue (pour les personnes relevant d’un ancien territoire d’outre-mer devenu indépendant et qui n’a pas usé des possibilités légales pour faire une déclaration d’acquisition de la nationalité française). La force probante du certificat de nationalité découle de l’original et non des photocopies. Le Conseil d’Etat a ainsi estimé justifiée la décision de l’administration qui a refusé de délivrer un passeport, faute pour l’intéressé d’avoir produit l’original ou la copie certifiée conforme d’un certificat de nationalité (7).
Comment prouver la nationalité française par les actes de l’état civil ?
Depuis la loi n° 78-731 du 12 juillet 1978, il est possible de prouver la nationalité française par la production d’un acte de naissance ou du livret de famille. En effet, la loi prévoit que : « mention est portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité » (C. civ., art. 28). La loi n° 98-170 du 16 mars 1998 a ajouté à l’article 28 du code civil un alinéa indiquant que doit figurer en marge de l’acte de naissance la mention de la toute première délivrance de certificat de nationalité française. En dehors des hypothèses visées, la preuve de la nationalité française ne figure pas en marge de l’acte de naissance des personnes. La loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 complète le dispositif existant en précisant que les mentions relatives à la nationalité sont portées d’office sur les copies et sur les extraits avec indication de la filiation des actes de naissance ou des actes dressés pour en tenir lieu (C. civ., art. 28-1). Ces mentions sont également portées à la demande des intéressés sur les extraits sans indication de la filiation ou sur le livret de famille. Le même article 28-1 prévoit l’apposition d’office sur le livret de famille et sur tous les extraits des mentions relatives à la perte de la nationalité.
PREUVE D’UNE NATIONALITÉ ÉTRANGÈRE DÉTERMINÉE
Il peut être nécessaire à la personne de prouver une nationalité autre que la nationalité française. Elle sera amenée à agir ainsi notamment lorsqu’elle entend se prévaloir de son statut personnel, par exemple, pour divorcer devant un tribunal français. La Cour de cassation a rappelé, il y a quelques années, que la nationalité étrangère est une question de fait qui échappe à son contrôle (8). Il faudrait donc admettre, à l’inverse, que, l’ordre juridique de l’Etat étranger dont la nationalité est en cause est compétent pour déterminer les conditions d’obtention et de perte de la nationalité visée. A titre d’exemple, c’est au regard du droit italien et du droit allemand que les législateurs respectifs de ces deux pays déterminent le droit applicable en matière de nationalité. S’agissant des modes de preuve retenus pour prouver la nationalité d’un ressortissant étranger, il faut constater que la jurisprudence prend en compte des présomptions graves, précises et concordantes du moins s’il s’agit de prouver la nationalité étrangère par le sang. Dans les faits, cela conduit à retenir la possession d’état d’étranger pour l’individu qui peut se prévaloir d’un acte officiel établi à l’étranger ou d’une attestation fournie par l’autorité étrangère compétente. La portée de celle-ci doit toutefois être nuancée : au-delà des pièces et documents étrangers qui pourraient être analysés comme des pièces préconstituées, les renseignements fournis par les consulats étrangers au parquet ne vont pas lier le juge judiciaire lorsque la nationalité des personnes engagées dans une instance devra être établie.
LE CAS PARTICULIER DES FRANÇAIS ISSUS DES ANCIENNES COLONIES ET DES ANCIENS PROTECTORATS FRANÇAIS
Les personnes concernées doivent démontrer qu’elles ont conservé ou acquis la nationalité française à l’indépendance et doivent fournir une copie ou un extrait de l’acte, à défaut un document administratif ou judiciaire ou un acte de notoriété établi devant un juge d’instance. Les actes de l’état civil de ces personnes peuvent être établis sur les registres du Service central d’état civil à Nantes, dès lors que ces registres ont pu être conservés et emmenés en France à la fin de la période de décolonisation. Par ailleurs, l’Instruction générale relative à l’état civil fait état des hypothèses où il est possible d’assurer la délivrance de copies ou d’extraits d’actes de l’état civil par reproduction du registre d’origine. Le ministère des Affaires étrangères a reconstitué certains de ces registres qui n’ont pas pu être emmenés et il dispose même du « troisième registre », qui était obligatoire, en son temps, dans les anciennes colonies françaises. Ces dispositions ont pu être reprises dans de nombreuses conventions ou de nombreux accords de coopération conclus à partir de l’indépendance.
LE CAS PARTICULIER DE L’ALGÉRIE
A l’issue de l’indépendance, les accords d’Evian (18 mars 1962) ont permis, entre autres, de prendre en compte des statuts personnels divers et multiples : Français d’origine, Français anciennement de statut local mais jamais devenu Algérien, Français anciennement de statut local par déclinaison de la nationalité algérienne, Algérien ayant conservé un droit de devenir Français. De fait, la situation des personnes établies en Algérie, avant l’indépendance, fait l’objet de dispositions spéciales. S’agissant de la preuve de la nationalité française, celle-ci peut être facilitée par la présentation du livret de famille (livret établi en Algérie avant l’indépendance) ou d’un acte de notoriété (établi selon la loi du 20 juin 1920, articles 1 et 2) qui remplace la production des copies ou des extraits dans les cas où celle-ci est requise. Les personnes qui peuvent ainsi se prévaloir de la nationalité française sont assimilées et de manière définitive à des étrangers pour l’Algérie.
[Code civil, articles 28 et 28-1 ; IGREC nos 637-2, 718 à 720 et 724]
La personne qui veut prouver sa nationalité française doit justifier qu’elle se trouve dans un des cas d’attribution ou d’acquisition de cette nationalité, tels qu’ils sont prévus par la loi. Le régime de preuve est facilité lorsque celle-ci est préconstituée. C’est le cas lorsque la nationalité française dépend d’une déclaration du prétendant à la nationalité française, ou lorsqu’elle résulte d’un décret. Chaque fois que le bénéficiaire de la nationalité française doit s’en prévaloir, il produit un exemplaire enregistré de sa déclaration, ou une attestation délivrée par l’autorité qui a procédé à son enregistrement, et qui constate que la déclaration a été souscrite et enregistrée. L’usager amené à prouver sa nationalité française peut aussi fournir la copie intégrale de son acte de naissance (avec la mention de la nationalité française portée sur l’acte, sous forme de mention marginale). Lorsque l’usager a été naturalisé ou réintégré dans la nationalité française, la preuve de cette nationalité résulte de l’acte de naissance de l’intéressé sur lequel figure la mention du décret. Elle peut aussi être fournie en présentant un exemplaire du Journal officiel où une attestation du ministre constatant l’existence du décret.
Dans une majorité de cas, la nationalité française résulte de la filiation de la personne et des conditions posées par les articles 19-3 et 19-4 du code civil. Il faut en principe établir que ses parents ou du moins l’un d’entre eux est né en France. Cette preuve n’est pas toujours aisée et c’est la raison pour laquelle l’article 30-2 du code civil dispose que : « Lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie, sauf la preuve contraire si l’intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui de façon constante de la possession d’état de Français. » La possession d’état à laquelle se réfère la loi est celle qui est liée au statut d’enfant de Monsieur X et de Madame Y. Elle peut être établie en prouvant que les actes de l’état civil dressés à l’étranger ont fait l’objet d’une transcription sur les registres consulaires ou au Service central d’état civil, en produisant une carte nationale d’identité en cours de validité ou récemment périmée. La personne qui doit prouver sa nationalité et qui est établie à l’étranger peut se prévaloir d’une carte consulaire. La possession d’état de Français à laquelle se réfèrent ces documents doit exister au moment où la personne concernée entend invoquer la nationalité française, ou avoir existé de manière constante (9) et continue (10).
L’état de « Français », par la possession d’état, peut donc être prouvé sur deux générations, c’est-à-dire en prouvant que l’un de ses parents et un grand-parent, sont de nationalité française. Il s’agit d’établir que l’on est français en remplissant les conditions requises par la loi (C. civ., art. 30-1). La preuve contraire reste, bien sûr, toujours possible (C. civ., art. 30-2).


(1)
Cass. civ. 1re, 29 novembre 1961, Bull civ., n° 565, Conseil d’Etat du 31 janvier 1992, req. n° 122009.


(2)
Une action négatoire est une action déclaratoire. L’objet de cette action prévue à l’article 29-3 du code civil est de faire juger qu’une personne a ou non la nationalité française. La personne qui se voit contester sa qualité de Français peut introduire une action déclaratoire de nationalité devant le TGI. Cf. sur ce sujet, Cass. civ. 1re, 3 décembre 2008, n° 08-10718.


(3)
Cass. civ. 1re, 13 février 2013, n° 12-12810 ; Cass. civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-17519 ; Cass. civ. 1re, 1er décembre 2010, n° 09-73023 ; pour les cas où était contester la cohérence des actes de l’état civil produits ; Cass. civ. 1re, 25 mars 2009, n° 08-14334 et Cass. civ. 1re, 4 mai 2011, n° 10-12847.


(4)
Cass. civ. 1re, 23 janvier 2007, 2 arrêts, nos 06-11724 et 06-13009.


(5)
Cass. civ. 1re, 27 octobre 1993, n° 91-18404.


(6)
Cass. civ. 1re, 18 janvier 2012, n° 10-25987 et Cass. civ. 1re, 29 février. 2012, n° 10-25565.


(7)
Conseil d’Etat, 17 janvier 1990, req. n° 89576.


(8)
Cass. civ. 1re, 8 janvier 1974, n° 72-12612.


(9)
Cass. civ. 1re, 15 mai 2001, n° 99-15450.


(10)
Cass. civ. 1re, 27 avril 2004, n° 01-18018.

SECTION 3 - LES ÉVÉNEMENTS AFFECTANT L’ÉTAT CIVIL D’UNE PERSONNE

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