L’acte qui peut être déclaré nul est un acte dont les énonciations sont fausses, ou qui n’a pas été établi de manière régulière. Il est encore possible que l’acte ait été dressé par une personne qui n’est pas régulièrement investie de la fonction d’officier d’état civil. Il faut encore réserver le cas particulier de l’annulation d’un acte d’état civil concernant un étranger ou un Français vivant à l’étranger. Quel que soit le motif invoqué, la mise en œuvre de l’action en nullité relève de conditions précises dont il conviendra de mesurer les effets.
A. L’ACTE D’ÉTAT CIVIL DONT LES ÉNONCIATIONS SONT FAUSSES
[IGREC nos 152 et suivants]
Les énonciations essentielles qui figurent dans l’acte de l’état civil peuvent être considérées par l’intéressé lui-même, ou une tierce personne, comme fausses ou sans objet, bien que l’acte lui-même soit régulier en la forme ; l’acte est alors annulé. Des exemples en sont donnés par l’Instruction générale relative à l’état civil : tel serait le cas pour l’acte qui constate une naissance imaginaire ou le décès d’une personne vivante, ou d’un acte de mariage qui serait toujours inscrit dans les registres de l’état civil alors même qu’il a été déclaré nul par un tribunal. La contrevérité étant ici flagrante, le tribunal de grande instance qui serait saisi ne disposerait d’aucune alternative : l’acte de l’état civil nul n’a plus d’existence juridique et la personne concernée ne pourrait plus s’en prévaloir.
B. L’ACTE IRRÉGULIER EN LA FORME
[Code civil, article 58, alinéa 4 ; IGREC, nos 162 et suivants]
L’annulation concerne alors l’acte instrumentaire, c’est-à-dire l’acte de l’état civil qui est invoqué comme moyen de preuve. L’acte de l’état civil, par exemple un acte de naissance, peut être irrégulièrement dressé, bien que ses énonciations soient exactes. Tel serait le cas si un usager venait déclarer une naissance une seconde fois. Le cas concerne plus rarement l’acte d’état civil « retrouvé » alors même qu’il a été l’objet d’une perte ou d’une destruction, ou l’acte ayant donné lieu à une transcription qui n’avait pas lieu d’être : l’exemple peut être donné de l’acte de l’état civil d’un usager ayant une nationalité étrangère et qui aurait été retranscrit sur les registres consulaires français. Il appartient au seul tribunal de grande instance de dire si l’acte visé doit être déclaré nul. La juridiction saisie doit vérifier si l’acte contesté en tant qu’instrumentum (support matériel), est simplement affecté d’une irrégularité formelle. Il s’agit donc d’apprécier si l’irrégularité commise a des répercussions sur l’acte lui-même et les effets qu’il produit, c’est-à-dire si cette irrégularité touche indirectement à la substance de l’acte. Tel serait le cas si l’acte de mariage d’un usager, tel qu’il est établi par l’officier de l’état civil, ne permettait pas de considérer qu’il y a eu une union célébrée dans le respect des conditions légales. L’autorité légale naturellement affectée à l’acte de l’état civil serait remise en cause.
De fait, la nullité de l’acte ne serait pas prononcée si les juges y voyaient un simple oubli ou une simple négligence. Dans d’autres circonstances, et au vu des documents produits en preuve, l’oubli d’une signature peut se révéler primordial et attester d’une volonté manifeste de changement de volonté chez l’une des parties à l’acte et être privé de toute force probante.
C. L’ACTE ÉTABLI PAR UNE PERSONNE QUI N’EST PAS RÉGULIÈREMENT INVESTIE DE LA FONCTION D’OFFICIER D’ÉTAT CIVIL
[Code général des collectivités territoriales, article R. 2122-10 modifié ; IGREC nos 166 et 167]
Nous l’avons vu (cf. supra, chapitre 1), le maire peut déléguer, à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune, les fonctions qu’il exerce en tant qu’officier de l’état civil. L’acte de l’état civil établi par l’une des personnes légalement autorisées à le faire est donc valable et produit tous ses effets juridiques. La question de la validité de l’acte reste posée pour la personne qui a dressé l’acte sans être investie de manière régulière de la fonction d’officier de l’état civil, ce qui veut dire aussi que l’officier d’état civil normalement compétent, ou la personne déléguée à cette fin, était absent. Dans de telles conditions, et quel que soit l’acte dressé, celui-ci est entaché de nullité. Cette situation diffère de celle où l’acte de l’état civil a été reçu de manière irrégulière (par exemple par un secrétaire de mairie) avant d’être signé par l’officier de l’état civil. En 1883, dans l’affaire célèbre connue sous le nom des mariages de Montrouge, la Cour de cassation a considéré comme valables les mariages célébrés alors par un simple conseiller municipal n’ayant pas reçu compétence pour le faire (1). Il était alors rappelé que dans chaque commune, chaque membre de l’équipe municipale tenait ses prérogatives de la loi du 20 septembre 1792 pour célébrer les mariages et pouvait donc intervenir en qualité d’officier de l’état civil. Par la suite, la jurisprudence a aussi admis que l’incompétence territoriale de l’officier de l’état civil n’était pas, en l’absence de fraude, suffisamment grave pour entraîner la nullité du mariage (2). C’est parfois l’intervention du législateur qui a permis de couvrir l’irrégularité commise, l’objectif étant de ne pas priver les personnes de l’état civil qui était le leur. Ainsi, une loi du 28 février 1922 a validé les actes de l’état civil dressés au cours de la guerre de 1914 par toute personne qui avait reçu le pouvoir d’intervenir en qualité d’officier de l’état civil, à quelque titre et sous quelque nom que ce soit.
Cette situation doit être distinguée de celle où l’acte de l’état civil ne contient pas toutes les signatures requises. Ainsi en est-il de l’acte dépourvu de la signature de l’officier de l’état civil ou de celle d’un comparant à l’acte. Il est possible de remédier à cette situation si :
- dans la première hypothèse, l’officier de l’état civil est toujours en fonction ; sa signature pourra être apposée sur l’acte dès que la défaillance est constatée. A défaut d’intervention de l’officier de l’état civil, l’instruction générale de l’état civil prévoit que le tribunal soit saisi pour apprécier la validité de l’acte ainsi établi et ordonner qu’il soit procédé à sa régularisation le cas échéant ;
- dans la deuxième hypothèse, il faut imaginer la situation où pour un même acte de l’état civil, par exemple un acte de mariage, la signature figure sur l’un des registres seulement. La régularisation a posteriori est envisageable. L’officier de l’état civil peut toujours rappeler la personne concernée pour apposer la signature manquante ;
- dans le cas où il apparaît que la signature manquante d’une partie (de l’époux, d’un parent appelé à donner son consentement) fait défaut sur les deux registres, la difficulté est tout autre. En effet, la question du consentement à l’acte et à la célébration du mariage est posée, et c’est la raison pour laquelle le procureur de la République est informé. Celui-ci doit donner ses instructions à l’officier de l’état civil qui l’a sollicité. L’impossibilité matérielle (accident rendant impossible l’apposition de signature) ou juridique (changement de volonté après la célébration du mariage) de signer l’acte ne laisserait donc pas d’autre alternative que de saisir le tribunal ; au vu des documents et des circonstances liées à l’empêchement de signer, les juges de fond apprécient souverainement si le mariage qui a été célébré est valable ou non.
D. L’ACTE D’ÉTAT CIVIL CONCERNANT UN ÉTRANGER OU UN FRANÇAIS ÉTABLI À L’ÉTRANGER
[Code de procédure civile, articles 1047 et 1048 ; décret n° 2008-521 du 2 juin 2008, JO du 4-06-08 ; IGREC n° 518]
L’extranéité de la situation n’entraîne pas toujours l’adoption de règles spécifiques. Ainsi lorsque l’acte de l’état civil a été établi en France au profit d’un étranger, la procédure d’annulation suivra les règles posées par l’article 1048 du code de procédure civile. Le président du tribunal de grande instance du lieu où demeure la personne dont l’état civil est en cause interviendra au même titre qu’il le ferait pour un ressortissant français. La juridiction de Nantes doit être saisie lorsque l’acte visé est détenu par le Service central de l’état civil. Dans un tel cas, l’acte a été le plus souvent établi par un agent diplomatique ou consulaire (3). Tel serait le cas pour l’usager dont le mariage a été célébré à l’étranger auprès de l’autorité consulaire. C’est le tribunal de grande instance de Paris ou son président qui est compétent pour se prononcer sur la nullité d’une pièce ou d’un document tenant lieu d’état civil pour un réfugié ou un apatride.
E. L’ACTION EN NULLITÉ ET LES CONSÉQUENCES DE L’ANNULATION D’UN ACTE D’ÉTAT CIVIL
[Code de procédure civile, articles 42, 303 à 316]
De manière classique, la nullité d’un acte peut être soulevée incidemment à l’occasion d’une procédure judiciaire où l’acte est produit, ou encore à titre principal et de manière autonome, parce que l’usager concerné prend l’initiative d’introduire une instance en nullité de l’acte. Un intérêt d’ordre public s’attache à ce que toute personne ait un état civil régulier, et de ce fait le ministère public peut agir directement, comme la personne intéressée. Tel serait le cas, par exemple, si le parquet soupçonnait que la femme désignée dans l’acte de naissance n’est pas la mère biologique ou que l’acte de mariage de la personne révèle un état de bigamie. La demande d’annulation de l’acte de l’état civil est portée devant la juridiction du lieu où demeure le défendeur, c’est-à-dire le tribunal de grande instance du lieu de résidence ou du domicile de la personne qui n’a pas pris l’initiative du procès. Il s’agira le plus souvent de démontrer que l’authenticité d’un acte de l’état civil a été altérée.
La loi prévoit à ce titre une procédure spécifique, la procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques. L’altération concerne les faits qui sont relatés par l’officier de l’état civil à partir des constatations qu’il a pu faire ou des déclarations recueillies. S’il apparaît en réalité que l’officier de l’état civil n’a fait que reprendre dans l’acte contesté des déclarations inexactes ou mensongères, la procédure ne relève pas de l’inscription de faux mais d’une action en rectification. Les cas de nullité relevant d’une procédure d’inscription de faux sont le plus souvent liés à une action d’état des personnes (4) : mariage déclaré nul ou perte du lien de filiation dans le cadre d’une action en contestation. Il peut encore être question du sort des actes de l’état civil pour une personne qui a été déclarée absente, et qui réapparaît à son domicile. La procédure qui est introduite est de nature gracieuse, parce qu’il n’y a pas de partie adverse. Elle prend une forme contentieuse si c’est l’acte en tant que tel et non pas seulement le moyen de preuve qui est contesté. Les règles de procédure applicables à une action en annulation sont les mêmes que celles qui concernent l’action en rectification des actes (cf. infra, § 2). L’acte qui serait déclaré nul serait matériellement anéanti et donc privé d’effet juridique. Le cas échéant, il sera nécessaire qu’un autre acte soit établi. Une telle démarche est facilitée lorsque le tribunal de grande instance prend la responsabilité d’annuler un acte et de veiller à son remplacement en déclarant l’état de la personne. L’état d’époux ne serait plus accordé à l’usager dont l’acte de mariage a été annulé. L’intéressé serait donc considéré comme une personne célibataire.
Il en résulte par ailleurs que le jugement qui déclare nul un acte de l’état civil est mentionné en marge de l’acte annulé, mais également de tous les actes directement concernés. Le jugement déclarant l’acte de mariage nul est mentionné en marge de cet acte mais aussi en marge de l’acte de naissance de chacun des ex-époux. Lorsque le jugement est supplétif, c’est-à-dire lorsqu’il a pour fonction de remplacer l’acte annulé, la décision définitive doit être transcrite sur les registres de l’état civil, et mention de l’annulation est portée en marge de l’acte annulé.
(1)
Cass. 17 août 1883, DP 1884. 1. 5.
(2)
TGI Paris, 10 novembre 1992, D. 1993. 467 et la jurisprudence citée, IGREC, n° 164.
(3)
Décret n° 2008-521 du 2 juin 2008, art. 2, JO du 4 juin qui retient la compétence générale des chefs de mission diplomatique en matière d’état civil.
(4)
Ce qui est désigné sous le nom « d’action état des personnes » vise les actions en justice qui tendent à reconnaître le statut d’une personne au regard de la loi, par exemple le statut d’époux ou celui d’enfant doté d’une filiation.