Selon la nature de l’erreur qui a été commise, la rectification d’un acte de l’état civil relèvera, selon son importance, de l’initiative de l’officier de l’état civil, du procureur de la République, du président du tribunal de grande instance ou du tribunal de grande instance. La rectification peut donc être de nature administrative ou judiciaire.
A. LA RECTIFICATION ADMINISTRATIVE
[IGREC n° 175 à 192]
L’officier de l’état civil pourra procéder de lui-même aux rectifications de l’acte de l’état civil, lorsqu’après en avoir donné lecture aux comparants celle-ci révèle que des erreurs ou des omissions ont été commises. Chronologiquement, cela suppose que l’acte n’ait pas encore été clôturé. L’acte de mariage d’une personne est considéré comme définitif lorsque qu’il a été signé par les déclarants ou les personnes intervenant à l’acte (les époux) et l’officier de l’état civil. La rectification à laquelle il est procédé est faite en présence des comparants. L’officier de l’état civil effectue les ratures et renvois en marge qu’il estime nécessaires à la rectification immédiate de l’acte. L’ensemble est signé par les comparants. Il importe peu que soit utilisé un procédé manuscrit ou de traitement de texte, voire dactylographié, pour procéder à ces rectifications. Dans le domaine de la rectification administrative, la rectification sur instruction du parquet est la règle. L’intervention du procureur de la République est ici retenue comme autorité de tutelle en matière d’acte de l’état civil. Les instructions données par le parquet ne révèlent pas une procédure de nature judiciaire. Il existe par ailleurs des règles spécifiques pour les cas particuliers de rectification.
I. Le principe : la rectification sur instruction du parquet
La loi donne au parquet un cadre d’intervention relativement clair. Les cas pouvant donner lieu à rectification sont précisés par l’Instruction générale relative à l’état civil et la loi fixe les règles concernant la compétence territoriale et la procédure suivie.
a. Les erreurs ou omissions purement matérielles
Rappelons au préalable que la langue utilisée pour les actes de l’état civil est la langue française et l’alphabet utilisé est l’alphabet romain (IGREC n° 106). Pour éviter la dénonciation systématique d’un cas d’erreur matérielle ou d’une omission, l’IGREC a défini un certain nombre de règles explicitant les usages retenus en matière d’établissement des actes d’état civil. Ces règles présentent un intérêt certain lorsque le nom de l’une des parties visées dans l’acte est un nom étranger avec une orthographe inconnue du système français (1). Ainsi, « le tilde espagnol » sur le « n » n’est pas accepté et le fait de le traduire par « n » ou « gn » ne sera pas constitutif d’une erreur matérielle.
Le caractère matériel de l’erreur ou de l’omission relève donc de l’appréciation souveraine du parquet qui décidera de la conduite à tenir dans un second temps. Un tel constat peut être fait lorsqu’un acte de l’état civil contient des énonciations qui n’ont pas à y figurer : l’acte de mariage ne se réfère pas à l’existence ou à l’absence d’un contrat de mariage, le nom ou le prénom de l’une des parties a mal été orthographié, ou l’acte de l’état civil révèle une erreur manifeste sur le domicile ou la profession des comparants ou des déclarants. Mais il est encore possible que l’acte qui doit être rectifié ait fait l’objet d’une apposition de mention qui concerne en réalité une personne tierce, ou qu’il contienne des énonciations qui n’ont pas lieu d’être (par exemple le domicile de l’usager intervenant à l’acte est celui d’une tierce personne).
Un acte de l’état civil peut encore avoir été établi à partir des documents et autres pièces fournies à cet effet. La référence inexacte ou incomplète des pièces visées dans l’acte de l’état civil peut être source d’une omission ou d’une erreur matérielle.
b. La compétence du parquet et la procédure suivie
[Code de procédure civile, article 1046 ; code civil, article 100 ; circulaire du 25 octobre 2011, NOR : JUSC1028448C, BOMJ n° 2011-11]
La fiabilité des informations découlant des actes de l’état civil relève, en dernier ressort, après celle de l’officier de l’état civil, de la responsabilité du procureur de la République. A ce titre, la loi légitime son intervention en cas d’erreur matérielle ou d’omission d’une mention contenue dans un acte de l’état civil. Le parquet peut à la fois procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions et ordonner toutes les instructions utiles aux dépositaires des registres de l’état civil. Il est le plus souvent saisi par l’officier de l’état civil. La requête adressée au parquet est accompagnée d’une lettre explicative et des pièces justificatives référencées, soumises à son appréciation souveraine. L’usager concerné peut notamment avoir intérêt à joindre à une demande de rectification de l’acte de naissance d’un enfant, le certificat d’accouchement, s’il entend démontrer que l’erreur commise au moment de l’établissement de l’acte de naissance porte sur le sexe de l’enfant.
L’article 1046 du code de procédure civile prévoit la compétence de principe du procureur de la République du lieu où l’acte qui doit être rectifié a été établi ou transcrit. Dans le cas particulier des actes de l’état civil qui relèvent de la responsabilité du Service central d’état civil, le parquet compétent en matière de rectification d’actes de l’état civil est celui du lieu où est établi ce service, c’est-à-dire à Nantes.
La rectification peut encore concerner les documents qui tiennent lieu d’actes de l’état civil pour les étrangers qui ont obtenu le statut de réfugié ou qui sont encore apatrides. Dans ce cas, la compétence territoriale du parquet relève du procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Paris. Dans un but de simplification des démarches, il est possible pour le requérant de saisir le parquet du lieu où il réside, qui transmettra alors au parquet compétent. Il est par ailleurs possible que le parquet qui est sollicité le soit en fait pour procéder à la rectification de plusieurs actes. En effet, l’erreur matérielle ou l’omission révélée dans un acte (par exemple l’acte de mariage) justifiera que l’on rectifie aussi les actes subséquents (en l’espèce, l’acte de naissance). L’existence d’une demande de rectification en cours d’instruction peut avoir des conséquences sur la mise à jour du livret de famille. Ainsi, l’acte de naissance qui doit être rectifié pourra selon les cas ne pas donner lieu à une apposition de l’information dans le livret de famille. L’alternative est la suivante pour l’usager concerné :
- si la modification envisagée concerne une mention de l’acte qui n’a pas d’influence majeure sur l’acte qui doit être rectifié, par exemple la profession des parents, le contenu du livret de famille pourra être complété ;
- dans le cas contraire – il s’agit de rectifier l’orthographe du nom ou du prénom – il apparaîtra plus prudent de différer la mise à jour du livret de famille (circulaire du 25 octobre 2011, NOR : JUSC1028448C).
L’intervention du parquet se situe à plusieurs niveaux. Il lui appartient tout d’abord de vérifier le caractère matériel de l’erreur ou de l’omission qui ont été portées à sa connaissance. Si tel n’est pas le cas, la juridiction de fond devra être saisie. A l’inverse, lorsque l’omission ou l’erreur ont une nature matérielle, le procureur de la République doit faire connaître aux parties concernées la modification qui est envisagée, et ce n’est qu’en dernier lieu qu’il ordonnera la rectification de l’erreur ou de l’omission. L’acte ainsi modifié fera l’objet d’une mention marginale dans l’acte rectifié et d’une inscription sur les registres du greffe.
La modification étant devenue effective, il importe que les intéressés en soient directement avisés, même si tel n’est pas toujours le cas. La rectification à laquelle il aura été procédé sera opposable à tous (C. civ., art. 100), mais la loi n’a pas prévu de voie de recours. Cela n’exclut pas pour autant que la rectification opérée puisse occasionner un grief à une personne tierce, ou l’une des parties visées à l’acte qui n’a pu se manifester après la déclaration d’intention du procureur de la République. Celui-ci a tout intérêt à recueillir les arguments des personnes qui font état de l’existence d’un préjudice qui résulte d’une rectification d’un acte de l’état civil. Selon le contenu des arguments exposés, il peut être convaincu d’avoir pris la bonne décision et doit expliquer aux intéressés que celle-ci ne sera pas modifiée. Dans le cas contraire, si la modification effectuée concerne en réalité le fond du droit, la compé-tence du président du tribunal de grande instance ou du tribunal de grande instance sera justifiée. De fait, les parties concernées pourront être invitées à saisir la juridiction compétente, initiative qui est partagée avec le parquet à l’origine de la modification contestée.
II. Les cas particuliers donnant également lieu à rectification administrative
Le procédé normal pour rendre directement opposable en France les actes des ressortissants français établis par l’autorité diplomatique ou consulaire compétente est la transcription de l’acte (cf. supra, chapitre 1). Si l’acte visé doit donner lieu à rectification, celle-ci interviendra dans les conditions fixées par les articles 1047 et 1048 du code de procédure civile et relève du même régime juridique que l’annulation de l’acte (cf. supra, § 1).
Mais il est également possible que l’acte ait été établi par l’autorité locale étrangère sans qu’il soit pour autant transcrit alors même que sa rectification doit être envisagée (établissement d’un nouveau lien de filiation par exemple). L’usager concerné qui veut faire transcrire l’acte de naissance (dressé par l’autorité locale étrangère) de l’un de ses enfants né à l’étranger et qui contient une erreur matérielle doit au préalable faire rectifier l’acte qui doit être transcrit. Il s’agit d’éviter la délivrance de copies ou d’extraits non conformes à l’état de la personne. Certes, le ressortissant français peut toujours s’adresser à l’autorité locale étrangère en vue d’obtenir cette rectification selon les lois en vigueur dans le pays concerné. L’urgence de la situation peut justifier que l’on s’interroge sur la compétence des autorités françaises en la matière. Si l’on se fie à l’Instruction générale relative à l’état civil, leur compétence est exclue dès lors qu’aucune transcription n’est intervenue (IGREC nos 182-3 et 503). Le principe ainsi retenu peut s’expliquer non seulement par la volonté de ne pas porter atteinte aux actes de l’état civil établis par une autorité locale étrangère, mais aussi par la volonté de ne pas accorder au requérant une transcription de fait, là où la loi invite le Service central de l’état civil et les juridictions compétentes à faire preuve de vigilance en matière de transcription des actes.
Du côté des tribunaux français, le contentieux reste faible et les décisions anciennes ne font pas preuve d’une grande homogénéité en la matière. La cour d’appel de Paris (2) et le tribunal d’Avesnes (3) ont admis qu’une telle rectification de l’acte de l’état civil pouvait intervenir s’il concernait un Français alors que l’acte lui-même n’a pas fait l’objet de transcription. Quant à la cour d’appel de Toulouse, elle considère qu’une telle demande présentée à titre incident justifie la compétence des juridictions françaises (4).
B. LA RECTIFICATION JUDICIAIRE
La rectification à laquelle il doit être procédé dépasse le champ de l’erreur ou de l’omission. Par hypothèse, le motif apprécié dans un premier temps par le parquet et dans un second temps par le tribunal de grande instance révèle une situation complexe et de nature contentieuse. Il convient donc de préciser, d’une part, quels sont les cas qui peuvent donner lieu à une telle rectification et, d’autre part, le régime juridique applicable. Nous verrons également que la situation des personnes transsexuelles constitue un cas très particulier.
I. Les cas donnant lieu à rectification judiciaire
Aucune disposition légale ou réglementaire ne détermine de manière générale les cas donnant lieu à l’annulation d’un acte de l’état civil. Il faut supposer néanmoins que l’acte qui sera déclaré nul par un tribunal le sera au titre de l’acte incomplet, surabondant ou inexact, ou parce qu’il aura été établi de manière irrégulière. Par ailleurs, un jugement supplétif peut aussi faire l’objet de rectification. Mais l’inexactitude qui entache de nullité l’acte de l’état civil peut aussi résulter d’une usurpation d’identité.
a. L’acte d’état civil incomplet, surabondant ou inexact
L’objectif de la rectification judiciaire est de corriger une irrégularité contemporaine de la rédaction de l’acte. C’est le cas lorsque l’acte est incomplet parce qu’il y manque une signature, un prénom (pour un acte de décès et rendant de fait insuffisant l’identification de la personne défunte).
L’acte peut à l’inverse être qualifié de surabondant, c’est-à-dire contenir des mentions qui n’ont pas lieu d’être indiquées dans l’acte. Rappelons à ce titre que le droit de la filiation n’autorise pas l’établissement du double lien filial si la situation révèle l’existence d’un inceste, autrement dit d’un empêchement à mariage sur le plan civil. Les erreurs dans la rédaction d’actes apparaissent :
- le plus souvent dans le cadre des déclarations faites aux fins de constater l’événement, et parce que les personnes concernées ou les membres de leur famille demandent des copies ou des extraits qui reprennent de facto l’erreur commise. Ainsi en est-il pour les actes de naissance pour lesquels la délivrance de copies ou d’extraits est une pratique assez fréquente ;
- de manière plus marginale pour les actes de décès, faute de pouvoir constater de telles erreurs à l’occasion de la délivrance d’une copie ou d’un extrait de l’acte. Quant aux actes de mariage, le fait d’une part, qu’ils soient établis à partir des actes de naissance des intéressés et dressés avant la cérémonie, et d’autre part, qu’ils soient lus aux époux, ces circonstances limitent le maintien des erreurs dans les actes de l’état civil.
Quant à l’inexactitude, elle peut résulter d’un nom mal orthographié dans chacun de ses éléments. Il existe par ailleurs un cas particulier qui donne lieu à rectification et visé par l’article 354 du code civil. Lorsqu’un enfant a fait l’objet d’une adoption plénière, il est possible que les dates et lieu de naissance de l’enfant soient connus, une fois le jugement d’adoption rendu. La décision judiciaire devra néanmoins être rectifiée avant que ne soit modifiée ipso facto la transcription déjà intervenue en marge des actes de l’état civil (cf. A savoir aussi, p. 95). Encore faut-il s’assurer qu’il s’agit bien d’une action en rectification d’un acte de l’état civil. En effet, le risque principal existant est que sous couvert d’opérer une telle rectification la demande tende, en fait, à modifier l’état de la personne. Au-delà des procédures qui sont différentes, les conséquences ne sont pas les mêmes. Rectifier un acte de naissance ne doit pas conduire à une modification de la filiation d’une personne. Le désir manifeste de porter un autre nom de famille ne peut, en dehors des conditions légales liées à la déclaration du nom de famille, résulter que d’une action en changement de nom ou être le résultat préalable d’une action en établissement ou en contestation de la filiation. De fait, il ne serait pas possible pour un usager de demander, dans le cadre d’une rectification judiciaire, à porter un nom de famille différent du sien. Il ne serait pas davantage concevable de faire supprimer d’un acte de l’état civil une reconnaissance d’enfant, quel que soit le moment où elle est intervenue, et en dehors de toute procédure liée à un contentieux en matière de filiation. La Cour de cassation est encore allée plus loin à propos d’un changement de sexe évoqué dans le cadre du transsexualisme. Une telle demande ne peut que relever d’une action en réclamation d’état (5) (cf. infra, III).
b. L’inexactitude résultant d’une usurpation d’identité
Un particulier peut avoir intérêt à obtenir la rectification d’un acte de son état civil, notamment lorsque son identité a été usurpée. Tel est le cas si le mariage d’une personne est célébré sous une identité appartenant à un tiers dont l’acte de naissance se trouve, de fait, complété, par une mention marginale. Il est nécessaire, dans ce cas précis, de faire constater au préalable par un tribunal que le mariage qui a été célébré l’a été sous une fausse identité et doit donc être déclaré nul ; mention de ce jugement sera portée en marge de l’acte de naissance de la personne dont l’identité a été usurpée. La mention marginale apposée de manière inappropriée sur l’acte de naissance du tiers doit être supprimée. En tout état de cause, l’officier de l’état civil chargé d’opérer la rectification en marge de l’acte de naissance n’a pas à connaître le motif de l’annulation (6).
c. La rectification des jugements remplaçant un acte d’état civil
[Code de procédure civile, article 1048]
Les jugements supplétifs d’actes de l’état civil, c’est-à-dire les jugements remplaçant un acte de l’état civil, peuvent aussi faire l’objet d’une rectification judiciaire. Là encore, le code de procédure civile offre plusieurs possibilités s’agissant de la compétence du tribunal. Le requérant peut présenter sa demande en rectification devant :
- la juridiction du lieu où demeure la personne dont l’état civil est en cause ;
- la juridiction qui a rendu la décision contestée ;
- le tribunal dans le ressort duquel le jugement a fait l’objet d’une transcription.
Enfin dans l’hypothèse où le requérant ne résiderait pas en France, il dispose de la faculté de saisir le tribunal de grande instance de Paris ou son président.
Ces juridictions sont aussi compétentes pour connaître des actions en rectification concernant les pièces tenant lieu d’acte d’état civil à un réfugié ou à un apatride. C’est le tribunal de Nantes, en tant que juridiction du lieu d’établissement du Service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères, qui est compétent pour connaître de la rectification de ces actes.
II. Le régime juridique applicable
[Code civil, articles 50, 99 à 101 ; code de procédure civile, articles 27, 28, 31, 436, 797, 800, 1047 à 1056]
Le fait de soumettre la rectification d’un acte à la compétence d’une juridiction justifie que soient précisés, conformément aux dispositions légales, le tribunal compétent ainsi que la procédure suivie et mise en œuvre à titre principal.
a. Le tribunal compétent
L’article 99 du code civil prévoit une procédure de rectification judiciaire et désigne le président du tribunal de grande instance pour statuer en la matière, quels que soient l’origine de l’erreur commise et son caractère volontaire ou non (7). La procédure de rectification judiciaire des actes de l’état civil se trouve réglementée par les articles 99 à 101 du code civil et par les articles 1047 et suivants du code de procédure civile. Sur le plan territorial, les règles applicables sont celles qui ont été exposées sur la rectification des jugements remplaçant un acte de l’état civil (cf. supra, I, c).
b. La procédure suivie
L’introduction d’une demande aux fins de rectification d’un acte de l’état civil relève de règles particulières. Quant à la décision rendue à l’issue de cette procédure, sa qualification aura pour conséquence d’ouvrir telle ou telle voie de recours et d’envisager ou non, par la suite, de nouvelles demandes en matière de rectification.
1. L’introduction de la demande
[Code de procédure civile, articles 27, 28, 31, 436, 797, 800, et 1049 à 1052]
Si l’on s’en tient aux termes de la loi, l’action est ouverte à toute personne justifiant d’un intérêt à agir. Elle concerne tout particulièrement le ministère public dès lors que l’ordre public est en jeu. Tel serait le cas si l’acte de l’état civil portait indication d’une filiation entachée d’inceste absolu ou, de manière plus générale, lorsque le procureur de la République est informé qu’une personne est privée d’un élément de son état civil, par exemple parce qu’elle n’est pas dotée d’un acte de naissance.
La demande présentée par voie de requête au président du tribunal de grande instance est formée, instruite et jugée comme en matière gracieuse, autrement dit elle suit une procédure simplifiée car il n’y a pas de partie adverse. Le ministère d’avocat est cependant obligatoire.
Lorsque le procureur de la République est saisi à titre principal du problème, la demande pourra être formée sans revêtir de forme particulière. Ce dernier peut toujours considérer que la demande en rectification d’un acte de l’état civil n’a pas lieu d’être. Dès lors, pour ne pas compromettre les chances d’un usager qui le souhaiterait à voir modifier son acte si la demande paraît fondée en son principe, le procureur de la République doit l’informer de la position qui est la sienne, et l’inviter à saisir lui-même la juridiction. L’affaire lui sera communiquée pour avis. En tout état de cause, le ministère public occupe une place à part entière dans la procédure. Il est notamment tenu d’assister aux débats, lorsque ceux-ci ont lieu. Lorsqu’il s’oppose à une demande de rectification d’acte de l’état civil, la nature de la demande est transformée : la procédure présente alors un caractère contentieux et l’affaire est alors instruite et jugée en audience publique (8).
Les personnes dont l’état civil est en cause ou leurs héritiers peuvent être à l’origine d’une demande en rectification judiciaire. Elles ont alors un intérêt direct à agir devant le tribunal. Elles seront de fait entendues. L’initiative procédurale prise par un tiers (par exemple, un individu ayant les mêmes nom et prénoms que la personne dont l’état civil est en cause, mais pas la même filiation) oblige le tribunal saisi à entendre ou du moins à appeler à la procédure toutes les parties concernées. La demande en rectification judiciaire introduite par voie d’assignation est privilégiée en cas de litige ou encore lorsque le demandeur veut mettre en cause une personne directement concernée par la demande en rectification judiciaire. Dans ce domaine, la vigilance s’impose : le caractère contentieux de l’action peut transformer l’action en rectification en « action d’état », c’est-à-dire en une action qui vise à doter la personne d’un état particulier, par exemple celui d’époux. La procédure introduite par la voie contentieuse conserve ce caractère jusqu’à l’issue de la procédure, ce qui implique notamment que le jugement rendu soit signifié dans les conditions habituelles. Par ailleurs, le président du tribunal de grande instance peut toujours ordonner la mise en cause de toute personne intéressée ainsi que la convocation du conseil de famille. Le juge peut ordonner ces mesures. L’audition du principal intéressé est en effet indispensable lorsqu’une contestation risque de surgir. En matière d’état civil, du fait de la prédominance du caractère gracieux de la demande, les débats sont facultatifs sans que pour autant soit méconnu le principe du contradictoire (9) et les débats ont lieu hors la présence du public. C’est le juge lui-même qui procède ou fait procéder à toutes les investigations qu’il estime utile, sans avoir besoin d’être saisi à cet effet par le requérant.
2. La décision rendue
[Code de procédure civile, articles 1054 à 1056 ; code civil, articles 50, 100 et 101]
C’est donc un jugement contentieux ou une ordonnance gracieuse qui sera rendu à l’issue des débats. Le dispositif de la décision judiciaire fait mention des prénoms et noms des parties, ainsi que, selon le cas, des lieux et dates des actes en marge desquels la mention doit être portée. Lorsque le parquet a pris l’initiative de la demande en rectification judiciaire d’un acte de l’état civil, il doit veiller à ce que la décision rendue soit notifiée ou signifiée aux parties (10). La mention de la modification opérée en marge des actes de l’état civil ne peut être requise dans l’immédiat (11) du fait de l’exercice des voies de recours. S’il y a appel, le recours formé est instruit et jugé comme en matière gracieuse. Il faut imaginer ici que la personne qui a sollicité la rectification n’a pas obtenu gain de cause devant la juridiction de première instance. L’appel peut aussi être interjeté par le ministère public dans tous les cas, et ce, même s’il n’était pas partie principale. La rectification ordonnée par le juge est opposable à tous et de plein droit, c’est-à-dire qu’elle ne donne lieu à aucune notification particulière. Toutefois, la Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler que la rectification opérée sur les actes de l’état civil ne confère de droits qu’aux personnes qui ont sollicité une telle rectification et à leurs ayants cause (12). Le fait que de telles demandes relèvent pour l’essentiel de la matière gracieuse n’exclut pas pour autant la voie de l’appel, en tant que voie de recours. Dès lors que les délais pour former appel et les voies de recours (13) auront été épuisés, le parquet procède à la transmission immédiate de la décision rectifiée à l’officier de l’état civil compétent, qui veillera pour sa part à ce qu’il en soit fait mention en marge des actes de l’état civil. De fait, lorsque la délivrance d’une copie ou d’un extrait d’un acte de l’état civil est demandée, il ne peut y être satisfait qu’une fois les rectifications ordonnées, sous peine, pour l’officier de l’état civil concerné, de s’exposer à la fois à une amende et à des dommages et intérêts si sa négligence fautive est de nature à causer un préjudice à un tiers ou à l’une des personnes visées ar l’acte d’état civil rectifié.
La nature contentieuse de la décision rendue n’autorise pas le requérant auquel la décision est opposée à présenter une nouvelle demande en rectification judiciaire portant sur le même objet. Tel n’est pas le cas si la procédure suivie et l’ordonnance qui en résulte ont eu un caractère gracieux. Il y a plus d’un siècle, la Cour de cassation (14) a posé le principe que le requérant pouvait toujours demander à ce qu’il soit procédé à une nouvelle rectification ou sollicité celle qui lui avait été refusée.
III. Le cas particulier du transsexualisme
[Code civil, articles 56 et 57 ; circulaire n° CIV/07/10 du 14 mai 2010, NOR : JUSC1012994C, BOMJL n° 2010-03]
Le sexe est l’élément essentiel qui permet d’individualiser la personne et il est déterminé dès sa naissance puisqu’il est constaté de manière obligatoire dans l’acte de naissance à partir des indications fournies par le déclarant. Dans les faits, cette mention figure sur le certificat médical établi par le médecin référent de la maternité du lieu de naissance. De fait, la mention de cet élément de l’état civil ne devrait pas donner lieu à rectification. Mais il ne faut pas exclure que, au moment de la déclaration de naissance, l’acte d’état civil contienne une mention erronée imputable au manque de vigilance de l’officier de l’état civil concerné. La première chambre civile de la Cour de cassation admet que dans de telles circonstances une demande en rectification fondée sur l’article 99 du code civil puisse être formée (15). La situation est toute autre pour l’homme ou la femme atteint du syndrome du transsexualisme et qui a la conviction d’appartenir depuis sa naissance au sexe opposé à son sexe apparent, tel qu’il a été indiqué dans son acte de naissance. La rectification judiciaire n’a pas lieu d’être, puisque en réalité la personne concernée demande à ce que son état soit modifié et qu’il ne s’agit donc pas de corriger une simple erreur. Pour autant, il n’est pas rare que dans une telle situation, la personne ait déjà subi des modifications morphologiques à la suite d’une ou de plusieurs interventions chirurgicales. La rectification de la mention du sexe sur l’acte de naissance n’est pas impossible mais elle obéit à des conditions strictes : la réalité du syndrome transsexuel dont la personne concernée est atteinte doit être établie, ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. Les preuves à rapporter sont celles qui sont communément admises par la communauté scientifique. Les critères pris en compte sont de nature médicale et non juridique. Ils sont repris dans la recommandation n° 1117 du Conseil de l’Europe relative à la condition des transsexuels du 29 septembre 1989, mentionnée dans le rapport de la Haute Autorité de santé (16). Une circulaire du 14 mai 2010 ajoute que les magistrats « [pourront] donner un avis favorable à la demande de changement d’état civil dès lors que les traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage...), ont entraîné un changement de sexe irréversible, sans exiger pour autant l’ablation des organes génitaux ». L’intéressé a donc tout intérêt à accepter le cas échéant l’expertise ordonnée par un tribunal pour faciliter la preuve recherchée, ou produire devant le tribunal des attestations émanant de médecins spécialistes de la question (psychiatre, endocrinologue, chirurgien) qui l’ont suivi dans le processus de conversion sexuelle. A défaut, la rectification demandée ne lui sera pas accordée comme n’a pas manqué de le rappeler la première chambre civile de la Cour cassation dans deux arrêts du 7 juin 2012 et un arrêt du 13 février 2013 (17).
La demande en changement d’état doit être introduite devant le tribunal de grande instance appelé à statuer de manière collégiale. La modification de l’état de la personne justifie la compétence du ministère public qui doit donner son avis pour chaque cas relevant de son ressort territorial, et à ce titre, examine les pièces médicales produites par le demandeur (18).
Le succès de l’action a pour conséquence la modification de l’acte de naissance. Mais le phénomène du transsexualisme et des situations qui s’y apparentent ne sont pas sans conséquence sur la vie sociale de la personne, à qui le changement d’état ne serait pas accordé par un tribunal. La cour d’appel de Paris a ainsi admis que la personne connue dans sa vie sociale sous un prénom féminin, qui a la conviction d’appartenir à ce sexe et qui a suivi divers traitements médico-chirurgicaux, doit se voir accorder le bénéfice du changement de prénom (19).
L’autorité ou la juridiction étrangère peut-elle rectifier un acte d’état civil établi en France, et concernant ses nationaux ?
L’intervention d’une autorité ou d’une juridiction étrangère en faveur de ses nationaux est questionnée lorsque l’acte de l’état civil qui est visé a été établi en France..
La rectification d’un acte de l’état civil par une autorité ou un tribunal étranger, pour un acte qui concerne l’un de ses nationaux, a peu de chance de produire ses effets juridiques. En effet, la Cour de cassation a estimé, il y a déjà bien longtemps (20), que les tribunaux français étaient seuls compétents pour ordonner la rectification des actes de l’état civil dressés et établis sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de leurs titulaires. Elle a par ailleurs admis que cette compétence des juridictions françaises était justifiée pour connaître d’un événement d’état civil concernant un étranger survenu dans un Etat étranger où il n’a pas été déclaré dès lors que cet étranger vit habituellement sur notre territoire (21). L’Instruction générale relative à l’état civil est pour sa part moins nuancée : les tribunaux français seraient incompétents pour rectifier des actes faits par des autorités étrangères, même concernant des Français (IGREC, n° 182-3).
Comme les Français, les étrangers vivant en France et disposant d’actes de l’état civil (22) peuvent bénéficier au cours de leur vie d’un changement de leur nom de famille. Dans le cas des étrangers, la démarche peut avoir été initiée à l’étranger et se pose alors la question de l’opposabilité du changement de nom accordé, sur le territoire français, dès lors que l’étranger y est référencé dans les registres de l’état civil (par exemple, les registres des actes de mariage). La juridiction ou l’autorité qui s’est prononcée en faveur du changement de nom de famille ne rectifie pas un acte d’état civil établi en France. Les décisions prises par ces autorités constituent néanmoins le fondement de cette demande de rectification, et ce sont les autorités françaises qui sont compétentes pour ordonner qu’il soit fait mention du changement opéré en marge des actes de l’état civil de l’intéressé. Le procureur de la République doit être saisi par requête, la demande qui lui est adressée étant accompagnée des pièces justificatives nécessaires (documents attestant de la nationalité de la personne et décision administrative ou judiciaire définitive accordant le changement de nom). Il apprécie, selon les critères rappelés par la première chambre civile le 20 février 2007 (23), à savoir notamment la conformité du changement au regard des exigences de l’ordre public français et l’absence de fraude à la loi, s’il fait droit à la requête qui lui est présentée. L’étranger bénéficiaire d’une telle décision n’est plus dans l’obligation d’en demander l’exequatur, c’est-à-dire de demander que soit constatée la régularité internationale de la décision étrangère (cf. circulaire du 25 octobre 2011).
(1)
La Cour de justice de l’Union européenne a condamné le fait pour l’Allemagne d’appliquer la translittération d’un nom grec en caractères latins parce que cela conduisait à une calligraphie déformante du nom de famille susceptible de créer une confusion auprès des tiers, (CJCE, 30 mars 1993, aff. C-168/91, Konstantinidis).
(2)
Paris, 4 février 1892, DP 1892.2.537.
(3)
T. Avesnes 20 décembre 1920, JDI 1924.388.
(4)
Toulouse, 26 avril 1893, DP 1894.2.556.
(5)
Cass., ass. plén., 11 décembre 1992, nos 91-11900 et 91-12373.
(6)
Rép. min., Demessine, n° 13766, JO Sén. (Q) du 16-09-10, p. 2426.
(7)
Cass. civ. 1re, 2 juin 1987, n° 85-16381.
(8)
Cass. civ. 1re, 23 novembre 1976, n° 73-10582, Bull. civ. I, n° 362.
(9)
Cass. civ. 1re, 13 janvier 1993, n° 91-04135.
(10)
En l’absence de dispositions légales précises, cette initiative se justifie pleinement par le fait que les personnes concernées ont un intérêt certain à être informées des modifications concernant leurs actes de l’état civil.
(11)
La mention ne pourra être requise qu’après expiration du délai d’appel (de 15 jours en matière gracieuse et de un mois en cas de contentieux ; C. proc. civ., art. 538) à compter de la notification, sauf acquiescement au cas où la décision n’a pas été notifiée à des tiers (IGREC n° 186).
(12)
Cass. civ. 1re, 25 mai 1992, nos 90-13613 et 90-16064.
(13)
Sur le détail de la mise en oeuvre des voies de recours, cf. IGREC n° 184.
(14)
Cass. civ. 25 octobre 1905, DP 1906. 1. 337, note Planiol.
(15)
Cass. civ. 1re, 26 janvier 1983, n° 81-16795, D. 1983.436.
(16)
Haute Autorité de santé. Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge du transsexualisme en France, novembre 2009 (www.has-sante.fr).
(17)
Cass. civ. 1re, 7 juin 2012, n° 11-22490 et n° 10-26947 et Cass. civ. 1re, 13 février 2013, n° 11-14515.
(18)
Rép. min., Blondin, n° 14524, JO Sén. (Q) du 30-12-10, p. 3373.
(19)
Paris, 23 septembre 2010, RG n° 09/28266.
(20)
Cass. civ., 20 février 1901, DP 1902.1.9.
(21)
Paris, 24 février 1977, D. 78, II, et Paris, 2 avril 1998, D. 1998, IR 137, RTD civ. 1998, n° 651.
(22)
En application de la convention de la Commission internationale de l’état civil (CIEC) n° 4 relative aux changements de noms et de prénoms, signée à Istanbul, le 4 septembre 1958, la France reconnaît les changements de prénom concernant un ressortissant français, cf. circulaire n° 2011-114 du 28 octobre 2011, préc., n° 89.
(23)
Cass. civ. 1re, 20 février 2007, n° 05-14082, Bull. civ, 2007, n° 68.