[Code de la sécurité sociale, articles L. 512-2 et D. 512-1 et suivants ; circulaire CNAF n° 2010-15 du 15 décembre 2010 ; lettre-circulaire CNAF n° 2010-111 du 16 juin 2010]
Les ressortissants non européens qui ne peuvent se prévaloir ni du droit de l’Union européenne, ni d’une convention bilatérale, doivent remplir les conditions édictées par le code de la sécurité sociale pour ouvrir droit aux prestations familiales françaises.
A. LES CONDITIONS APPLICABLES À L’ALLOCATAIRE
Ces étrangers bénéficient de plein droit des prestations familiales s’ils sont titulaires d’un titre exigé d’eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou d’accords internationaux pour résider régulièrement en France. Le titre de séjour est une condition impérative (1).
B. LES CONDITIONS APPLICABLES AUX ENFANTS
I. La naissance en France, ou l’arrivée en France
Le droit aux prestations familiales est réservé aux parents étrangers, en situation régulière, dont les enfants à charge sont nés en France, arrivés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial ou ayant la qualité de réfugié. Il est également ouvert lorsque l’enfant est entré régulièrement en France avec ses parents ; dans ce cas, l’enfant n’étant pas entré en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial, il n’y a pas à produire le certificat de contrôle médical délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) (2).
Les enfants peuvent également justifier de leur qualité d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour en tant qu’apatride, d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour dans le cadre de la protection subsidiaire, d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour comptant des mentions spécifiques, d’enfant d’étranger titulaire de la carte de séjour dans le cadre des liens personnels et familiaux avec la France, à la condition que l’enfant soit entré en France au plus tard en même temps que l’un des parents titulaires de la carte de séjour.
Les enfants recueillis dans le cadre d’une Kafala (procédure de recueil d’enfant propre au droit musulman et voisine de l’adoption) ne sont pas dispensés de justificatif. Pour les enfants confiés à une tierce personne par une décision de Kafala prise par l’autorité judiciaire algérienne, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit la possibilité de bénéficier du regroupement familial. Les enfants recueillis dans le cadre d’une Kafala dans un autre Etat sont généralement exclus du bénéfice de la procédure de regroupement familial. Toutefois, dans certaines situations, le regroupement familial peut être accordé. En l’absence de justificatifs, un droit aux prestations ne peut être ouvert (3).
Les enfants dont le ou les parents sont titulaires d’une carte de séjour portant la mention « Compétences et talents » sont dispensés de justificatif (4). De même, sont dispensés de justificatif les enfants, quelle que soit leur nationalité, lorsque l’allocataire a la nationalité d’un pays de l’Espace économique européen ou de la Suisse.
II. La résidence en France
[Code de la sécurité sociale, article R. 512-1 ; circulaire DSS/2A/2B/3A n° 2008-245 du 22 juillet 2008, NOR : SJSS0830642C, BO Santé-Protection sociale-Solidarités n° 2008/8]
L’enfant doit vivre de façon permanente en France. Est considéré comme résidant en France tout enfant qui vit de façon permanente en France métropolitaine. Est également réputé résider en France l’enfant qui, tout en conservant ses attaches familiales sur le territoire métropolitain où il vivait jusque-là de façon permanente, accomplit, hors de ce territoire :
- soit un ou plusieurs séjours provisoires dont la durée n’excède pas trois mois au cours de l’année civile ;
- soit un séjour de plus longue durée lorsqu’il est justifié, dans les conditions prévues par arrêté, que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d’apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle ;
- soit un ou plusieurs séjours de durée au plus égale à celle de l’année scolaire lorsqu’il est établi, dans les conditions prévues à l’arrêté précité, que la famille a sa résidence principale en France dans une zone frontalière, que l’enfant fréquente dans le pays voisin à proximité de la frontière un établissement de soins ou un établissement d’enseignement et qu’il rejoint sa famille à intervalles rapprochés.
C. LES DIFFICULTÉS DE MISE EN ŒUVRE
I. La nécessité du certificat médical délivré par l’OFII
Un contentieux très abondant alimente les tribunaux français.
Liste des titres de séjour à présenter par l’étranger
L’article D. 512-1 du code de la sécurité sociale liste les titres de séjour ou documents en cours de validité que l’étranger doit présenter pour justifier la régularité de son séjour et bénéficier des prestations familiales :
- carte de résident ;
- carte de séjour temporaire ;
- certificat de résidence de ressortissant algérien ;
- récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci-dessus ;
- récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d’une durée de trois mois renouvelable portant la mention « reconnu réfugié » ;
- récépissé de demande de titre de séjour d’une durée de six mois renouvelable portant la mention « étranger admis au séjour au titre de l’asile » ;
- autorisation provisoire de séjour d’une validité supérieure à trois mois ;
- passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco valant autorisation de séjour ;
- livret spécial, livret ou carnet de circulation ;
- récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d’une durée de validité de trois mois renouvelables délivré dans le cadre de l’octroi de la protection subsidiaire, accompagné de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou de la Commission des recours des réfugiés accordant cette protection. Il faut y ajouter, bien que le décret modificatif ne soit pas paru, la carte de séjour portant la mention « compétences et talents ».
Alors qu’il avait été initialement jugé que dès lors que les parents étrangers résident régulièrement en France avec leurs enfants mineurs, le droit aux allocations familiales ne peut pas être subordonné à la délivrance du certificat de contrôle médical par l’Office des migrations internationales (5) car la jouissance du droit à la vie privée et familiale doit être assurée sans distinction fondée notamment sur l’origine nationale (6), la Cour de cassation, sur le fondement des dispositions nouvelles du code de la sécurité sociale, a modifié radicalement sa jurisprudence. Elle juge désormais que « répondant à l’intérêt de la santé publique et à l’intérêt de l’enfant, la production du certificat médical [...]exigée à l’appui de la demande de prestations familiales du chef d’un enfant étranger ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale » (7). Un ressortissant étranger séjournant en France avec une carte de séjour, qui avait fait venir auprès de lui son fils en dehors de la procédure de regroupement familial, s’est donc vu logiquement refusé le droit aux prestations familiales car il n’avait pas produit le certificat médical délivré à l’époque par l’OMI.
Cette interprétation a été confirmée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, qui estime que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue respectivement de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, subordonnant le versement des prestations familiales à la production d’un document attestant d’une entrée régulière des enfants étrangers en France et, en particulier pour les enfants entrés au titre du regroupement familial, du certificat médical délivré par l’OFII, « revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant » (8).
Les caisses d’allocations familiales appliquent de manière stricte cette jurisprudence. Il appartient désormais à la Cour européenne des droits de l’Homme d’apprécier si, effectivement, les dispositions litigieuses du code de la sécurité sociale sont compatibles avec les articles 8 et 14 de la convention EDH. La cour EDH a en effet été saisie à la suite de l’un des deux arrêts rendus par l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 3 juin 2011 (9).
II. La portée du certificat médical délivré par l’OFII
Le certificat médical délivré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration a un caractère récognitif (10). Autrement dit, le droit à prestations est ouvert à la date d’effet de la décision d’admission par mesure de régularisation au bénéfice du regroupement familial. En conséquence, un parent qui a demandé dès le 1er septembre 2007 l’attribution de prestations familiales à la CAF et qui a sollicité et obtenu, en mai 2010, leur admission au séjour au bénéfice du regroupement familial par mesure de régularisation, a droit aux allocations familiales pour des périodes antérieures à mai 2010.
En effet, la condition de régularité de leur entrée en France était remplie dès leur arrivée en France, peu important la date à laquelle ont été finalement délivrés les certificats médicaux.
En application de cette jurisprudence, la CNAF invite les CAF à procéder à la régularisation des droits depuis l’entrée en France, sous réserve de la régularité du séjour de l’allocataire et à la condition que la demande de prestations, matérialisée le cas échéant par la seule production du certificat de l’OFII ait été faite au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date de délivrance du certificat de l’OFII. A défaut, les droits doivent être régularisés dans la limite de la prescription biennale décomptée à partir de la production du certificat. Ces dispositions sont applicables aux ouvertures de droit aux prestations familiales en faveur de certains enfants étrangers à charge de ressortissants étrangers, à l’exception des ressortissants d’Etats tiers signataires d’accords euro-méditerranéens qui font l’objet de mesures spécifiques (11).
Pour les demandes de prestations familiales présentées moins de trois mois après l’arrivée en France, les droits sont ouverts même si les démarches auprès de l’OFII n’ont pas été engagées. A l’issue du délai de trois mois, le bénéficiaire doit produire soit la copie du passeport revêtu de la vignette sécurisée ou du cachet de l’OFII, soit l’accusé de réception émis par ce dernier qui atteste des démarches entreprises. A défaut, les services compétents doivent suspendre les prestations au-delà de la période de trois mois. Pour les demandes présentées plus de trois mois après l’arrivée en France, l’ouverture rétroactive des droits est subordonnée à la présentation d’une des pièces précitées émises par l’OFII.
Documents prouvant la régularité de l’entrée et du séjour des enfants étrangers
La régularité de l’entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de l’un des documents suivants :
- extrait d’acte de naissance en France ;
- certificat de contrôle médical de l’enfant, délivré par l’office français de l’immigration et de l’intégration à l’issue de la procédure d’introduction ou d’admission au séjour au titre du regroupement familial ;
- livret de famille délivré par l’office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l’enfant est membre de famille d’un réfugié, d’un apatride ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire (lorsque l’enfant n’est pas l’enfant du réfugié, de l’apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d’un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l’étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales) ;
- visa délivré par l’autorité consulaire et comportant le nom de l’enfant d’un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 313-8 ou au 5° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- attestation délivrée par l’autorité préfectorale, précisant que l’enfant est entré en France au plus tard en même temps que l’un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou du 5° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- titre de séjour délivré à l’étranger âgé de 16 à 18 ans.
La régularité de l’entrée et du séjour est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l’un des titres mentionnés à l’article D. 512-1.
[Code de la sécurité sociale, article D. 512-2]
III. La date d’ouverture des droits
a. Les réfugiés
Le droit aux prestations familiales est ouvert dès le jour où la demande de statut de réfugié a été déposée, même si le statut a été obtenu ultérieurement (12). Le droit est toutefois ouvert de façon rétroactive dans la limite de la prescription biennale. Les droits doivent en effet être examinés rétroactivement dans la limite des deux ans décomptés depuis la date de réclamation postérieure de plus de deux ans à l’obtention du statut de réfugié, demandant le bénéfice rétroactif des prestations (13).
Le principe d’ouverture des droits le mois suivant celui où l’ensemble des conditions sont réunies s’applique par référence à la date d’entrée en France. Par conséquent, dans les cas où l’examen rétroactif des droits conduirait à une valorisation des droits depuis la date d’entrée en France, l’ouverture des droits prend effet le mois suivant l’entrée en France. Ainsi, si le demandeur sollicite pour la première fois le bénéfice des prestations le même mois que celui de la délivrance du récépissé de demande de titre de séjour, le droit aux prestations prend effet à compter du mois de délivrance du récépissé, rétroactivement dans la limite de la prescription biennale décomptée à partir de la demande de prestations. Si le demandeur sollicite pour la première fois le bénéfice des prestations sur un mois postérieur à celui de la délivrance du récépissé, l’ouverture du droit aux prestations prend effet à compter de la demande de prestations, rétroactivement dans la limite de la prescription biennale décomptée à partir de la demande de prestations. Si le demandeur sollicite pour la première fois le bénéfice des prestations sur un mois postérieur à celui de l’entrée en France, il fait sa demande de prestations avant la délivrance de son récépissé et son droit aux prestations est alors ouvert à compter de cette demande, rétroactivement dans la limite de la prescription biennale (14).
b. Les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire
Désormais, les modalités de gestion des droits aux prestations applicables aux réfugiés sont applicables dans les mêmes conditions aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides. En conséquence, il convient de valoriser les droits aux prestations des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides à effet du mois suivant leur arrivée en France, sous réserve que la demande de prestations ait été faite au plus tard dans un délai de deux ans à compter de l’obtention du statut. La valorisation des droits depuis l’entrée en France incombe dans tous les cas à l’organisme auprès duquel l’allocataire est actuellement affilié.
Cette règle est applicable à la fois en gestion courante, sur production du justificatif attestant du bénéfice d’une protection internationale (réfugié, protection subsidiaire et apatride) et pour l’ensemble des dossiers en phase précontentieuse et contentieuse.
Les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ne peuvent plus entrer en contact avec les autorités de leurs pays d’origine. Leurs documents d’état civil sont reconstitués par l’OFPRA. Il n’est donc pas légal d’exiger d’un allocataire un document établi par les autorités de son pays d’origine.
De même, constitue une pratique prohibée le fait d’exiger d’un allocataire réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire la copie intégrale du jugement d’admission. En effet, le jugement retrace les circonstances de la demande d’asile. Or, ces éléments sont confidentiels. Il convient de limiter la demande à la seule partie pertinente du jugement (15).
(1)
Cass. soc., 24 février 1994, n° 90-17.150.
(2)
Cass. civ. 2e, 19 septembre 2013, n° 12-24.299.
(3)
Télécopie CNAF, n° 2010-008 du 5 mai 2010.
(4)
Circulaire CNAF, n° 2009-025 du 2 décembre 2009.
(5)
Cass. ass. plén., 16 avril 2004, n° 02-30.157.
(6)
Cass. civ., 2e, 6 décembre 2006, n° 05-12.666.
(7)
Cass. civ., 2e, 15 avril 2010, n° 09-12.911.
(8)
Cass. ass. plén., 3 juin 2011, n° 09-69052.
(9)
Requête n° 76860/11.
(10)
Cass. civ. 2e, 11 octobre 2012, n° 11-26526 ; Cass. ass. plén., 16 avril 2004, n° 02-30.157, préc.
(11)
Lettre-circulaire CNAF, n° 2013-116 du 23 juillet 2013.
(12)
Cass. civ. 2e, 23 septembre 2010, n° 09-16.319.
(13)
Lettre-circulaire CNAF, n° 2010-111 du 16 juin 2010.
(14)
Circulaire CNAF, n° 2008-030 du 29 octobre 2008.
(15)
Lettre-circulaire CNAF, n° 2013-116 du 23 juillet 2013.