[Ceseda, articles L. 121-1 et suivants ; code de la sécurité sociale, article L. 512-2 ; circulaire CNAF n° 2009-022 du 21 octobre 2009 ; circulaire n° DSS/2B//2009/146 du 3 juin 2009, NOR : SASS0912495C]
Toute personne qui n’est pas titulaire d’un droit de séjour au titre d’une activité professionnelle relève de la catégorie des inactifs. Conformément à la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, le droit français distingue plusieurs catégories d’inactifs afin de définir les critères du droit de séjour dont le respect conditionnera le droit aux prestations familiales.
A. LES INACTIFS DE DROIT COMMUN
A défaut d’exercer une activité professionnelle, le ressortissant européen a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois :
- s’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie ;
- s’il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d’une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale. Si ces conditions sont remplies, les prestations familiales françaises sont ouvertes de plein droit.
La condition de ressources suffisantes diffère selon la situation des personnes concernées. Si les intéressés ont moins de 65 ans, il y a lieu de prendre en considération le montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA), familialisé le cas échéant. S’ils ont plus de 65 ans, le niveau des ressources doit être comparé à celui de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Les CAF vérifient que les demandeurs disposeront de l’équivalent de ces sommes pendant six mois.
L’ensemble de la somme n’est pas exigible le jour de la demande, mais les intéressés doivent apporter la preuve qu’ils en disposeront (par exemple : un justificatif de pension alimentaire, une rente mensuelle, etc.). Les attestations sur l’honneur d’éventuels prêteurs ne peuvent à elles seules constituer des éléments de preuve suffisants pour garantir le niveau de ressources des demandeurs permettant de justifier leur droit au séjour en France.
Une attestation de couverture maladie couvrant les risques maladie et maternité doit être fournie par les ressortissants communautaires et assimilés pour euxmêmes et leurs ayants droit. Il peut s’agir d’une attestation de couverture maladie universelle (CMU). Il pourra aussi s’agir d’une affiliation à un régime étranger de sécurité sociale ou d’un contrat d’assurance privée. Cette attestation devra permettre aux caisses de s’assurer que l’ensemble du panier de soins français est bien couvert.
L’étude des droits fait l’objet d’une analyse identique pour les demandeurs présents sur le territoire depuis moins de trois mois ou depuis plus de trois mois. Ce qui importe est qu’ils résident effectivement en France. Si cette condition est remplie (et que le demandeur remplit par ailleurs les conditions de ressources et d’assurance maladie), les prestations familiales peuvent donc être servies dès l’arrivée en France sans que la condition de trois mois de résidence ait à être exigée.
Le droit aux prestations familiales est ouvert tant que la personne ne formule pas de demande de minimum social. Lorsqu’une telle demande est formulée, la situation doit être reconsidérée au titre des accidents de la vie (cf. infra, C).
B. LES PERSONNES ENTRÉES EN FRANCE POUR Y CHERCHER UN EMPLOI
Les personnes entrées en France pour y chercher un emploi sont placées dans une situation moins favorable. Considérées comme en simple séjour en France (et non en situation de résidence effective), elles n’ont, pour cette raison, pas droit aux prestations familiales en France. A l’inverse, si elles décident de s’installer en France et donc d’y fixer leur résidence effective, le droit aux prestations familiales peut être examiné en application des critères applicables aux inactifs.
Cette limitation des droits trouve son origine dans l’article 24 de la directive 2004/38/CE, selon lequel l’Etat membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à « une prestation d’assistance sociale » aux citoyens de l’Union qui sont entrés sur le territoire de l’Etat membre d’accueil pour y chercher un emploi. Il y a lieu cependant de penser que le droit français fait une application trop large de la directive puisque les prestations familiales ne sont pas des prestations d’assistance sociale. Une personne entrée en France pour y chercher un emploi devrait donc ouvrir droit aux prestations familiales à la condition qu’elle établisse sa résidence en France.
Il est même possible de considérer que la personne entrée en France pour y chercher un emploi ne doit pas être traitée comme un inactif, mais comme une personne exerçant une activité professionnelle dès lors qu’elle se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employée pendant plus de un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent. Dans ce cas, le chômeur bénéficierait de plein droit des prestations familiales, sans avoir à établir qu’il possède des ressources suffisantes ou une assurance maladie complète. Rappelons que les ressortissants européens entrés en France pour y rechercher un emploi ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l’irrégularité de leur séjour tant qu’ils sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à rechercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés (cf. supra, chapitre 4).
En tout état de cause, les règles décrites ci-dessus ne visent que les personnes entrées en France pour y chercher un emploi. Elles ne s’appliquent pas aux ressortissants européens qui, arrivés en France avec le statut de travailleur, sont en recherche d’emploi à la suite de la cessation de leur activité. Ces derniers continuent de bénéficier, sous certaines conditions, du droit de séjour qu’ils avaient acquis en tant que travailleurs et leur accès aux prestations est conditionné par le maintien ou non de ce droit de séjour. S’ils perdent le droit de séjour en tant que travailleurs ils doivent remplir les conditions requises des inactifs, ce qui fera dépendre leur droit aux prestations familiales.
Les règles décrites ci-dessus ne s’appliquent pas non plus aux demandeurs d’emploi en chômage indemnisé par leur Etat d’origine en vertu des dispositions des règlements communautaires nos 883/2004 du 29 avril 2004 et 987/2009 du 16 septembre 2009 coordonnant les systèmes de sécurité sociale qui permettent une continuité en matière de service des prestations familiales.
Ces dernières sont en effet servies par l’Etat d’affiliation des intéressés pendant une période donnée. Les prestations familiales françaises ne sont donc pas ouvertes. Toutefois, s’ils résident en France, ils sont susceptibles d’ouvrir droit à un complément différentiel. Enfin, dès que la personne entrée en France pour y chercher un emploi en aura trouvé un, elle devient travailleur et ouvre droit aux prestations familiales françaises (si elle réside effectivement en France).
C. LES ACCIDENTÉS DE LA VIE
I. Le maintien de droits
Les accidentés de la vie renvoient au cas de ressortissants européens qui ne peuvent pas revendiquer un droit de séjour en France au titre d’une activité professionnelle ou en tant qu’inactifs car ils ne remplissent plus les conditions de ressources suffisantes ou d’assurance maladie. La directive 2004/38/CE posant en principe que « le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement » (art. 14), il convient d’en déduire que dans certaines situations, les ressortissants européens peuvent être maintenus sur le territoire français sans être en situation irrégulière.
Les prestations familiales peuvent alors être accordées ou, le cas échéant, continuer d’être servies pour le temps du maintien du droit au séjour initialement acquis, à la personne qui a disposé dans le passé de ressources suffisantes ainsi que d’une assurance maladie mais qu’un accident de la vie empêche de remplir au moins l’une des deux conditions. En revanche, si la personne n’a jamais disposé, depuis son installation sur le territoire français, de ressources lui garantissant son autonomie ni d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques, les prestations familiales doivent donc lui être refusées. Il n’y a pas, en effet, « accident de la vie » au sens des textes applicables. Autrement dit, la personne n’ayant jamais satisfait aux conditions de droit au séjour ne peut bénéficier d’un maintien de droit de séjour, ni donc des prestations familiales en France.
La demande de prestations familiales peut émaner d’un ressortissant européen ou d’un membre de sa famille l’accompagnant, dès lors notamment que le ressortissant européen est décédé, a divorcé ou a quitté définitivement la France.
II. Qu’est-ce qu’un accident de la vie ?
Il n’existe pas de liste prévoyant ce que peut constituer un accident de la vie. C’est le caractère non prévisible de l’événement qui importe (perte d’emploi, séparation, décès d’un conjoint, cessation de vie maritale, refus d’assurance en cas de maladie grave et non prévisible au moment du changement de résidence, etc.). Il doit s’agir d’événements indépendants de la volonté de l’intéressé.
La charge de la preuve appartient au demandeur revendiquant avoir subi un accident de la vie. La caisse peut ainsi lui demander :
- de démontrer qu’il a disposé, dans le passé, d’u. n droit de résider sur le territoire français et notamment de ressources suffisantes pour assurer son autonomie matérielle ainsi que d’une assurance maladie couvrant l’ensemble du panier de soins français ;
- d’apporter des éléments de preuve permettant de qualifier sa situation actuelle (procédure judiciaire en cours dans le cas d’une séparation, certificat de décès du conjoint, etc.) et de montrer l’impact de l’événement en question sur le niveau de ses ressources et/ou sa capacité de financement de sa couverture maladie ;
- de justifier qu’il réside bien toujours en France.
Si l’intéressé peine à justifier le maintien de son droit au séjour, il peut demander un titre de séjour à la préfecture, bien que cette démarche ne comporte aucun caractère obligatoire. Un titre de séjour peut en effet être délivré sur demande.