Le processus décisionnel européen associe un grand nombre d’institutions qui interviennent à des niveaux et à des moments différents. Dans un jeu subtil de pouvoirs et de contre-pouvoirs, les compétences politiques, législatives, administratives et financières sont nettement séparées entre institutions.
A. LE CONSEIL EUROPÉEN
[Traité sur l’Union européenne, article 15 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 235 et suivants]
Issu de la pratique et institutionnalisé par le traité sur l’Union européenne (TUE), le Conseil européen est l’institution la plus importante de l’Union européenne. Son siège est à Bruxelles.
I. Sa composition et son fonctionnement
Le Conseil européen est composé des chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres. Il comprend également un président et le président de la Commission européenne (dite également « Commission »). Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité participe à ses travaux. Le Conseil européen se réunit deux fois par semestre sur convocation de son président. Lorsque l’ordre du jour l’exige, les membres du Conseil européen peuvent décider d’être assistés chacun par un ministre et, en ce qui concerne le président de la Commission, par un membre de la Commission.
Le Conseil européen est un lieu d’échange informel, mais il définit également les grandes orientations pour l’Union. A cet égard, il se prononce en principe par consensus, sauf dispositions contraires des traités. Lorsque la situation l’exige, le président convoque une réunion extraordinaire du Conseil européen. Plusieurs réunions de ce type ont eu lieu au cours des dernières années en raison de la crise économique et financière en Europe. En pratique, le Conseil européen se réunit quatre fois par an au moins.
Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Il assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune. L’actuel président est Herman Von Rompuy, ex-Premier ministre belge (2008-2009).
II. Son rôle
Le Conseil européen donne à l’Union européenne les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales.
Par exemple, lors de sa réunion des 14 et 15 mars 2013, le Conseil européen a tenu un vaste débat sur la situation économique et sociale et a fixé les orientations pour la politique économique des Etats membres et de l’Union européenne en 2013. Il a décidé qu’une priorité particulière devait être accordée au soutien à l’emploi des jeunes, à l’achèvement du marché unique et à la réduction des charges administratives. Le Conseil européen a aussi décidé de mettre en avant certaines thématiques qui sont les mieux à même de favoriser la croissance et l’emploi. Il a enfin fait le point sur les travaux en cours concernant l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.
(A noter)
Le conseil européen n’exerce pas de fonction législative (même si, théoriquement, il le pourrait), celle-ci étant confiée au conseil des ministres et au parlement européen (cf. infra, B et C).
B. LE CONSEIL DES MINISTRES
[Traité sur l’Union européenne, articles 13 et 16 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 237 et suivants]
Le Conseil des ministres de l’Union européenne, encore dénommé « Conseil de l’Union européenne » ou « Conseil », exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire.
I. Sa composition et son mode de fonctionnement
a. Une composition à géométrie variable
Le Conseil est composé d’un représentant de chaque Etat membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l’Etat membre qu’il représente et à exercer le droit de vote. Il s’agit d’un organisme à géométrie variable puisque, selon le thème à l’ordre du jour, les représentants des Etats ne sont pas les mêmes. Par exemple, au sein d’un conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », ne participent que les ministres concernés par ces questions. Les réunions des Conseils sont ainsi organisées de manière thématique : les Conseils « Education, jeunesse et culture » côtoient les Conseils « Justice et affaires intérieures ».
Les réunions du Conseil sont présidées par le ministre en charge issu du pays assurant la présidence tournante de l’Union européenne. Par exemple, c’est le ministre grec qui exercera la présidence entre janvier et juin 2014, la Grèce assurant la présidence tournante de l’Union pendant ce semestre. Le rôle du président est important puisqu’il dispose de la maîtrise de l’ordre du jour et a le pouvoir d’impulser une dynamique ou, au contraire, de faire preuve d’inertie.
b. La prise des décisions
Le mode de décision au sein du Conseil est complexe. Il statue exceptionnellement à l’unanimité, par exemple dans le champ de la politique des visas, du droit d’asile et de l’immigration. Le plus souvent, il statue à la majorité qualifiée. Celle-ci est calculée de manière à respecter un délicat équilibre entre les pays. Le poids démographique de chacun des Etats membres est un paramètre important, mais il n’est pas le seul. Le nombre de voix est en effet lié à la population par pays, avec cependant une pondération favorable aux petits pays. Par exemple, tandis que l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont 29 voix, le Luxembourg en a 4 et Malte en a 3. La majorité qualifiée est atteinte si une majorité des 28 Etats membres donne son approbation et si un minimum de 260 voix sur le total de 352 attribué est exprimé.
Le mode de fixation de la majorité qualifiée sera modifié à partir du 1er novembre 2014. Le vote sera alors acquis s’il obtient une double majorité : une majorité parmi les pays (au minimum 15) et une majorité parmi la population totale de l’Union européenne (les pays favorables devront représenter au moins 65 %). Une minorité de blocage est également prévue. En tout état de cause, il est important de souligner que le Conseil n’est pas le seul acteur de la procédure législative. Par ailleurs, puisqu’il ne dispose d’aucun pouvoir d’initiative législative, autrement dit qu’il n’est pas en mesure de proposer des « lois européennes », il est tributaire de propositions dont l’initiative revient à la Commission européenne. Par ailleurs, dans la plupart des cas, le vote en Conseil ne vaudra « loi européenne » que si le Parlement vote également le texte.
c. Le « Coreper »
Un comité composé des représentants permanents des gouvernements des Etats membres, dit « Coreper », est responsable de la préparation des travaux du Conseil et de l’exécution des mandats qui lui sont confiés par celui-ci. Chaque pays dispose ainsi d’un « représentant permanent », ayant le rang d’ambassadeur, ainsi que d’un représentant permanent adjoint. Le Coreper occupe une place centrale dans le processus législatif. Il est une instance de dialogue permanente entre Etats membres et une instance de préparation des compromis techniques ou politiques qui permettront d’aboutir à un accord entre ministres. L’ordre du jour des réunions du Conseil est d’ailleurs élaboré en fonction de l’avancement des travaux du Coreper : les points A sont destinés à être approuvés sans débat à la suite d’un accord trouvé au sein du Coreper ; les points B font l’objet d’un débat.
II. Ses missions
Si la principale mission du Conseil est d’adopter la législation de l’Union européenne, il a d’autres fonctions :
- il coordonne les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres ;
- il signe des accords entre l’Union européenne et d’autres pays ;
- il approuve le budget annuel de l’UE ;
- il définit la politique étrangère et de défense de l’UE ;
- il coordonne la coopération entre les tribunaux et les forces de police des Etats membres.
C. LE PARLEMENT EUROPÉEN
[Traité sur l’Union européenne, article 14 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 223 et suivants]
Le Parlement européen joue aujourd’hui un rôle central dans l’Union européenne. Ses prérogatives se sont développées de manière progressive, en réaction aux critiques récurrentes sur le déficit démocratique de l’Union européenne. Conformément au traité sur l’Union européenne, il exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il peut ainsi rejeter le volet « dépenses » du budget. Il exerce également des fonctions de contrôle politique et consultatives dans les conditions prévues par les traités.
I. Son organisation et sa compétence législative
Le Parlement européen, dont le siège est à Strasbourg (mais qui peut également siéger à Bruxelles et à Luxembourg) est composé de représentants des citoyens de l’Union. Leur nombre ne dépasse pas 750 (plus le président). La représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimal de six membres par pays. Aucun Etat membre ne se voit attribuer plus de 96 sièges. Il y a actuellement 766 députés européens, 72 sièges étant réservés à la France (74 à partir de 2014). Le nombre de députés européens, y compris le président, redescendra à 751 lors des élections de 2014. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans. La procédure électorale est propre à chaque Etat membre.
Le Parlement européen tient des séances plénières mensuelles et une session annuelle ; il se réunit de plein droit le deuxième mardi de mars. Le Parlement européen peut se réunir en période de session extraordinaire à la demande de la majorité des membres qui le composent, du Conseil ou de la Commission. Afin de faciliter les échanges entre les institutions européennes, la Commission peut assister à toutes les séances et est entendue à sa demande. Elle répond oralement ou par écrit aux questions qui lui sont posées par le Parlement européen. Le Conseil européen et le Conseil sont également susceptibles d’être entendus par le Parlement européen.
Pour faciliter son travail, le Parlement européen est constitué en commissions et sous-commissions permanentes. Quelques exemples : commission des droits de la femme et de l’égalité des genres ; commission de l’emploi et des affaires sociales, sous-commission des droits de l’Homme.
Dans de très nombreux domaines, le Parlement européen joue le rôle de colégislateur, prérogative qu’il partage avec le Conseil. Le Parlement européen statue à la majorité des suffrages exprimés (sous réserve d’un quorum). Cependant, il a pour particularité de ne pas disposer du pouvoir d’initiative législative, dont le monopole appartient à la Commission européenne. Depuis peu toutefois et conformément à l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), il peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte de l’Union européenne pour la mise en œuvre des traités. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen.
II. Sa compétence consultative
Le Parlement européen exerce également un rôle consultatif. Un avis est parfois requis par le traité ; il peut également être sollicité de manière spontanée. Il convient de ranger dans la catégorie des avis obligatoires, l’avis préalable à l’adoption chaque année des lignes directrices pour l’emploi, l’avis sur les directives en matière de sécurité sociale et de protection sociale des travailleurs ou encore l’avis sur les conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union. On notera que dans les trois derniers exemples cités, l’avis compense le fait que le Parlement européen ne joue pas le rôle de colégislateur. Le Parlement européen donne également son avis conforme sur toute demande d’adhésion d’un Etat tiers à l’Union européenne, de même que sur les missions et objectifs des fonds structurels.
III. Son pouvoir de contrôle
Le Parlement exerce un contrôle sur les autres institutions européennes. Lors de la mise en place d’une nouvelle Commission européenne, les 28 commissaires européens ne peuvent pas prendre leurs fonctions sans l’accord du Parlement. Le Parlement peut également forcer la Commission, par le biais d’une motion de censure, à démissionner en cours de mandat. Le Parlement examine les rapports que la Commission élabore et demande aux commissaires de rendre compte de leur action. Il approuve la désignation du président de la Commission. Par ailleurs, lorsque les chefs d’Etat ou de gouvernement se rencontrent à l’occasion des sommets européens, le Parlement donne son avis sur l’ordre du jour des réunions.
Dans le cadre de l’accomplissement de ses missions, le Parlement européen peut, à la demande d’un quart des membres qui le composent, constituer une commission temporaire d’enquête pour examiner les allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union.
IV. Un rôle de médiation dans le cadre du droit des citoyens de présenter une pétition
Afin d’accentuer le caractère démocratique du Parlement européen, tout citoyen de l’Union, ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un Etat membre, a désormais le droit de présenter, à titre individuel ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union et qui le ou la concerne directement (TFUE, art. 227). Un médiateur européen, élu par le Parlement européen, est habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un Etat membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, organes ou organismes de l’Union. Le médiateur procède aux enquêtes qu’il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées directement ou par l’intermédiaire d’un membre du Parlement européen (TFUE, art. 228).
D. LA COMMISSION EUROPÉENNE
[Traité sur l’Union européenne, article 17 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 244 à 250]
I. Son organisation générale
La Commission (ou Commission européenne) promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle est composée d’un ressortissant de chaque Etat membre. A partir du 1er novembre 2014, ce principe ne s’appliquera plus : la Commission sera en principe composée d’un nombre de membres, y compris son président, correspondant aux deux tiers du nombre d’Etats membres. Le mandat de la Commission est de cinq ans. Les membres de la Commission, dénommés commissaires, sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance. La Commission exerce en effet ses responsabilités en pleine indépendance. Par conséquent, les commissaires ne représentent pas leur Etat membre.
Le président de la Commission joue un rôle important. Proposé par le Conseil européen, il est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai de un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure. Le président de la Commission définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission ; il décide de l’organisation interne de la Commission afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action ; il nomme des vice-présidents. Un membre de la Commission présente sa démission si le président le lui demande.
La Commission européenne est organisée en Directions générales (DG), qui sont au nombre de 33 parmi lesquelles Affaires intérieures (HOME) ; Aide humanitaire (ECHO) ; Développement et coopération EuropeAid (DEVCO) ; Education et culture (EAC) ; Elargissement (ELARG) ; Emploi, affaires sociales et inclusion (EMPL) ; Service des instruments de politique étrangère (FPI). Cette approche thématique n’est pas sans inconvénients. D’une part, de nombreuses questions sont à la lisière de la compétence de plusieurs DG voire relèvent d’une compétence transversale, ce qui pose des difficultés d’articulation. D’autre part, au sein de ces DG, toutes n’ont pas le même poids. En particulier, la DG Marché intérieur et services (MARKT) occupe une position de domination et emporte souvent les arbitrages lorsqu’elle est impliquée. Pour exercer ses missions, la Commission européenne dispose d’environ 32 000 agents (dont tous n’ont pas la qualité de fonctionnaire européen).
II. L’initiative législative et l’initiative citoyenne européenne
a. L’initiative législative
Sous réserve de quelques exceptions, la Commission dispose du monopole du pouvoir d’initiative législative. Elle est donc la seule institution à pouvoir proposer une « loi européenne », proposition qu’elle ne votera pas, puisque le pouvoir législatif appartient au Conseil des ministres et au Parlement européen. Les propositions de la Commission sont publiées et accessibles à tout citoyen de l’Union.
Pour mettre en œuvre cette prérogative, la Commission européenne utilise ses services internes mais elle a aussi recours à de nombreux experts extérieurs du monde universitaire et de la recherche ainsi que de la société civile. Elle commande de nombreux rapports, le plus souvent fondés sur des études comparées entre les Etats membres, pour pouvoir apprécier la pertinence d’une action communautaire ou son contenu. Comme on le verra, la Commission européenne est impliquée tout au long du processus législatif au cours duquel elle tentera de faire aboutir sa proposition, au prix de compromis et d’adaptations. En amont, c’est-à-dire avant d’adopter une proposition, la Commission peut rédiger un livre vert, dont l’objet est d’initier un débat. A titre d’illustration, un livre vert intitulé « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » a été publié en 2011 (COM [2001] 366 final) (1). Le livre vert est parfois suivi d’un livre blanc, document plus structuré et argumenté autour d’orientations qui peuvent conduire à une proposition législative. Par exemple, la Commission a publié le « Livre blanc sur les services d’intérêt général » (Com [2004] 374 final) (2).
b. L’initiative citoyenne
L’initiative législative peut également être stimulée par une initiative citoyenne. Des citoyens de l’Union, au nombre de un million au moins, ressortissants d’au moins sept Etats membres, peuvent en effet prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités. Tous les ressortissants d’un Etat membre ayant l’âge de voter aux élections du Parlement européen peuvent participer à ce qui est appelé l’« initiative citoyenne européenne ». Pour lancer une initiative citoyenne, il faut créer un « comité des citoyens » composé d’au moins sept citoyens de l’Union européenne résidant dans au moins sept Etats membres différents.
Les initiatives citoyennes ne peuvent pas être gérées par des organisations. Celles-ci peuvent toutefois promouvoir ou soutenir des initiatives, à condition de le faire en toute transparence. Le « comité des citoyens » doit tout d’abord enregistrer son initiative sur un site Internet dédié de la Commission avant de commencer à recueillir les déclarations de soutien auprès des citoyens. Une fois l’enregistrement confirmé, les organisateurs disposent de un an pour recueillir les signatures. Pour soutenir une initiative, il faut remplir un formulaire de déclaration de soutien fourni par les organisateurs de l’initiative. Si l’initiative recueille au moins un million de signatures, la Commission rencontre les organisateurs. Ceux-ci ont aussi la possibilité de présenter leur initiative lors d’une audition publique organisée au Parlement européen. La Commission dispose de trois mois pour examiner l’initiative citoyenne. Elle adopte ensuite une communication dans laquelle elle expose ses conclusions juridiques et politiques, les raisons motivant l’adoption ou non d’une action et présente éventuellement l’action qu’elle compte entreprendre le cas échéant. La Commission n’est pas tenue de présenter une proposition législative à la suite d’une initiative. Si elle décide de le faire, la procédure législative normale est mise en œuvre.
Dans le cadre de cette procédure, la Commission européenne a accepté au début 2013 le lancement d’une initiative relative à la mise en place d’un revenu minimal européen, intitulé « Revenu de base inconditionnel - Explorer une voie vers des conditions sociales émancipatrices dans l’UE ». Il ne s’agit pas de demander à la Commission de proposer un acte juridique en faveur du revenu minimal, mais seulement de mettre en œuvre des moyens d’étudier sérieusement l’alternative du revenu de base (3). On peut signaler une autre initiative intitulée « L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise ! » (4).
III. La gardienne des traités et du droit de l’Union européenne
La Commission veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne (cf. infra, chapitre 2, section 1). Ce rôle de « gardienne des traités » est assuré grâce à son administration interne qui reçoit et traite les éventuelles plaintes pour violation du droit de l’Union envoyées par les citoyens de l’Union.
Toute personne peut en effet mettre en cause un Etat membre en déposant une plainte auprès de la Commission européenne pour dénoncer une mesure nationale ou une pratique imputable à un Etat membre qu’elle estime contraire à une disposition ou à un principe de droit de l’Union. Les plaintes n’obéissent pas à des exigences très formelles puisqu’elles peuvent être soumises par écrit sous forme de lettre, de télécopie voire, ce qui est très fréquent, de courriel. Par souci de respecter la vie privée, la communication à l’Etat membre de l’identité du plaignant ainsi que des données transmises par celui-ci sont soumises à son accord préalable.
Le rôle de gardienne des traités est également assuré par les nombreux rapports et études commandés par la Commission sur la mise en œuvre du droit de l’Union. La Commission rédige ainsi, sur la base des informations collectées au niveau national, des « rapports d’implémentation des directives ». Elle peut formuler des recommandations ou des avis afin de mettre en exergue d’éventuelles violations du droit de l’Union. Le rôle de gardienne des traités s’illustre par la faculté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de la procédure en manquement (cf. infra, chapitre 2, section 1, § 3).
E. LES INSTITUTIONS CONSULTATIVES
I. Le comité économique et social européen
[Traité sur l’Union européenne, article 13 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 301 et suivants]
Le Comité économique et social européen (CESE) est une institution consultative composée sous forme parlementaire.
a. Sa composition
Constitué de 353 membres (la France compte 24 représentants, comme l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni), le CESE représente de manière formelle trois groupes de la société civile :
- le groupe des employeurs (groupe 1), qui rassemble des entrepreneurs et des représentants d’associations d’entrepreneurs de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture issus des 28 Etats membres ;
- le groupe des travailleurs (groupe 2), lequel est composé de représentants des organisations syndicales nationales, des confédérations et des fédérations sectorielles. Il s’est fixé comme objectif prioritaire le plein emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs en Europe ainsi que le bien-être de tous les citoyens de l’Union européenne ;
- le groupe des « activités diverses » (groupe 3), c’est-à-dire les autres représentants et acteurs de la société civile, notamment dans les secteurs économique, civique, professionnel et culturel. Ce troisième groupe est diversifié puisque ses membres proviennent de tous les corps sociaux : agriculture, PME, artisanat, professions libérales, économie sociale, organisations de défense des consommateurs, associations représentant les familles, les femmes et l’égalité entre les hommes et les femmes, les jeunes, les groupes minoritaires et défavorisés, les personnes handicapées.
Les membres du CESE sont nommés par le Conseil de l’Union européenne à la majorité qualifiée, sur la base de propositions présentées par les Etats membres. Le mandat est de cinq ans renouvelables.
b. Son rôle
Le CESE a pour principale prérogative d’émettre des avis à l’occasion du processus législatif communautaire. Il est saisi pour avis après que la Commission européenne a publié sa proposition de directive ou de règlement et avant que le colégislateur (Parlement européen-Conseil) n’ait voté le texte. Sa consultation est obligatoire pour un certain nombre de domaines, parmi lesquels : libre circulation des personnes, politique de l’emploi, politique sociale, éducation, formation professionnelle et jeunesse, santé publique, protection des consommateurs, cohésion économique, sociale et territoriale. Pour toute autre matière, la consultation du CESE par la Commission, le Conseil ou le Parlement européen est possible si ces institutions le jugent opportun. Il peut aussi émettre des avis de sa propre initiative.
II. Le comité des régions
[Traité sur l’Union européenne, article 13 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 305]
Le Comité des régions représente les collectivités régionales et locales. Il fait valoir les points de vue locaux et régionaux à l’occasion du processus législatif. Le nombre des membres du Comité des régions ne dépasse pas 350. Les membres du Comité ainsi qu’un nombre égal de suppléants sont nommés pour cinq ans. Leur mandat est renouvelable.
Il est consulté par le Parlement européen, le Conseil ou par la Commission avant toute prise de décision sur des thèmes intéressant les pouvoirs locaux et régionaux. Par exemple, le Comité des régions est consulté pour la politique de l’emploi, l’éducation ou la santé publique. Il peut émettre un avis de sa propre initiative dans les cas où il le juge utile.
Il est structuré en six commissions, qui ont pour tâche de préparer les avis à débattre durant les séances plénières. Parmi ces commissions, figurent la commission de la politique de cohésion territoriale, la commission de la politique économique et sociale, la commission de l’éducation, de la jeunesse et de la recherche.
F. L’INSTITUTION DE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE : LA COUR DES COMPTES
[Traité sur l’Union européenne, article 13 ; traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 285 à 287]
La Cour des comptes européenne assure le contrôle des comptes de l’Union européenne. Elle est composée d’un collège de 28 membres, nommés pour six ans. Ses membres exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union européenne. Ils sont choisis parmi des personnalités appartenant ou ayant appartenu dans leur Etat respectif aux institutions de contrôle externe ou possédant une qualification particulière pour cette fonction. Ils doivent offrir toutes garanties d’indépendance.
La Cour des comptes examine les comptes de la totalité des recettes et dépenses de l’Union. Elle examine également les comptes de la totalité des recettes et des dépenses de tout organe ou organisme créé par l’Union européenne. Elle fournit au Parlement européen et au Conseil une déclaration d’assurance concernant la fiabilité des comptes ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes, qui est publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE). Cette déclaration peut être complétée par des appréciations spécifiques pour chaque domaine majeur de l’activité de l’Union. La Cour des comptes examine la légalité et la régularité des recettes et des dépenses et s’assure de la bonne gestion financière. Ce faisant, elle signale toute irrégularité.
Le contrôle a lieu sur pièces et, au besoin, sur place auprès des autres institutions de l’Union européenne, dans les locaux de tout organe ou organisme gérant des recettes ou des dépenses au nom de l’Union et dans les Etats membres, y compris dans les locaux de toute personne physique ou morale bénéficiaire de versements provenant du budget. Le contrôle dans les Etats membres s’effectue en liaison avec les institutions de contrôle nationales ou, si celles-ci ne disposent pas des compétences nécessaires, avec les services nationaux compétents.
La Cour des comptes est surtout connue à travers ses rapports annuels. Mais elle développe une activité multiforme : avis rendus à tout moment à la demande d’une institution ; observations prononcées sur sa propre initiative ; rapports spéciaux. Par exemple, la Cour des comptes a publié son rapport spécial n° 22/2012 sur « Le fonds européen d’intégration et le fonds européen pour les réfugiés contribuent-ils efficacement à l’intégration des ressortissants de pays tiers ? »
La Cour des comptes n’a aucun pouvoir juridictionnel. Lorsque sont révélées des fraudes ou irrégularités, les informations recueillies sont transmises le plus rapidement possible aux organes communautaires compétents pour qu’il y soit donné la suite la plus appropriée.
(1)
Disponible sur http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001/com2001_0366fr01.pdf
(2)
Disponible sur http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2004/com2004_0374fr01.pdf
(3)
L’objectif est de demander à la Commission d’encourager la coopération entre les Etats membres afin d’explorer le revenu de base inconditionnel comme un outil pour améliorer leurs systèmes de sécurité sociale respectifs. Cette initiative est consultable sur http://ec.europa.eu/citizensinitiative/public/initiatives/ongoing/details/2013/.
(4)
Ici, l’objectif des organisateurs de l’initiative est d’inviter la Commission européenne à promouvoir la fourniture d’eau et d’assainissement en tant que service public essentiel pour tous.