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Le droit fondamental aux prestations

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La CEDH protège les droits fondamentaux des personnes. Ces droits sont toutefois appréciés en fonction de la marge de manœuvre dont les Etats disposent pour organiser leurs politiques sociales. Les décisions rendues par la Cour EDH sont dans l’ensemble plutôt conservatrices ; c’est un contrôle de l’excès de pouvoir qu’elle pratique.


A. L’ACCÈS AUX SOINS MÉDICAUX

Un ressortissant originaire de Saint-Kitts, atteint du Sida, fut arrêté à son arrivée au Royaume-Uni pour possession de cocaïne, puis condamné à six ans d’emprisonnement. Avant sa libération, il fit l’objet d’une décision d’expulsion vers son pays d’origine. Il soutenait que cette expulsion réduirait son espérance de vie, aucun traitement similaire à celui dont il bénéficiait au Royaume-Uni n’étant disponible à Saint-Kitts. Il y aurait violation de l’article 3 de la Convention EDH selon lequel « Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Pour la Cour EDH, si un étranger qui a purgé une peine de prison et est sous le coup d’un arrêté d’expulsion ne peut en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un Etat contractant afin de continuer à bénéficier de l’assistance médicale, sociale ou autre, assurée durant son séjour en prison par l’Etat qui expulse, il en va autrement en cas de circonstances très exceptionnelles : « compte tenu du fait que le requérant est parvenu à un stade critique de sa maladie fatale, la mise à exécution de la décision de l’expulser vers Saint-Kitts constituerait, de la part de l’Etat défendeur, un traitement inhumain contraire à l’article 3 » (1).
En revanche, la Cour EDH considère que, en présence d’une maladie rare et mortelle, le fait pour un pays de ne prendre en charge que 70 % des frais de soins n’est pas une violation de l’article 2 de la convention, qui consacre le « droit à la vie » (2).


B. LE DROIT À DES PRESTATIONS D’UN MONTANT SUFFISANT

La Cour EDH pose le principe suivant : « La Convention ne garantit pas, en soi, de droits économiques et sociaux, tels que le droit à un logement gratuit, le droit au travail, à une assistance médicale gratuite ou à une aide financière de l’Etat pour maintenir un certain niveau de vie » (3).
Cependant, les conditions de vie d’une personne sont susceptibles d’être couvertes par l’article 3 de la CEDH (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), si elles atteignent un « niveau minimum de sévérité ». Le retard dans le paiement des prestations ou les conséquences du niveau des prestations sur la santé physique ou mentale de la personne peuvent contribuer à attester de cette situation (4). Le fait que la pension dont la personne dépend pour sa subsistance et ses dépenses quotidiennes ne suffise pas pour couvrir ses besoins de base est insuffisant pour caractériser la violation de l’article 3 de la convention. Si « rien dans les documents communiqués à la Cour n’indique que le niveau de sa pension et de ses avantages sociaux était insuffisant pour la protéger d’une dégradation de sa santé physique ou mentale ou d’une situation de misère incompatible avec la dignité humaine », la demande ne peut pas être accueillie (5).


C. LA PROTECTION CONTRE LA BAISSE OU LA CESSATION DES PRESTATIONS

Le fait, pour résoudre les difficultés financières d’un Fonds versant des pensions d’incapacité, de modifier les conditions d’attribution des prestations, peut dans certaines circonstances être condamné au titre de l’article 1er du Protocole n° 1 de la convention relatif au respect du droit de propriété. Tel est le cas lorsqu’une personne, qui reçoit une pension depuis plusieurs années, se voit privée pour l’avenir de cette pension en raison des nouvelles conditions applicables, alors que la plupart des autres pensionnés continuent de percevoir la pension au même taux.
En effet, « en tant qu’individu, le requérant a été amené à supporter une charge excessive et disproportionnée qui, même si l’on tient compte de la grande marge d’appréciation à reconnaître à l’Etat en matière de législation sociale, ne saurait se justifier par les intérêts légitimes de la collectivité que les autorités invoquent. Il en aurait été différemment si le requérant avait eu à subir une réduction raisonnable et proportionnée de ses droits sans être totalement privé de ceux-ci » (6).
La baisse du montant des pensions de retraite du secteur public décidée par un pays européen à la suite de la crise financière n’est pas une violation du droit de propriété au sens de la CEDH dès lors que la retraite de base a été maintenue et que la baisse était limitée à une période de trois ans. En l’espèce, la diminution était d’environ 10 % du montant total de la pension. Compte tenu des problèmes financiers exceptionnels auxquels ce pays (le Portugal) était alors confronté et du caractère limité et temporaire de la baisse du montant des retraites, la Cour estime qu’un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts de la société en général et les droits des requérants (7).


La composition de la commission centrale d’aide sociale

La composition de la commission centrale d’aide sociale est conforme à l’article 6 § 1 dès lors que lorsqu’elle statue sur un litige portant sur des prestations d’aide sociale relevant de l’etat, ses formations ne comprennent, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service ou de la direction en charge de l’aide sociale au ministère des affaires sociales. Ainsi, lorsqu’il ressort que la formation de jugement qui a statué sur l’appel formé par l’intéressé devant la commission centrale d’aide sociale comprenait, « outre un conseiller honoraire à la cour d’appel de paris et un directeur général honoraire des services législatifs du sénat, une attachée principale d’administration centrale en activité à la direction des relations du travail du ministère du travail et dont les fonctions étaient sans lien avec les services en charge de l’aide sociale », la décision attaquée n’a pas été rendue en méconnaissance du principe d’impartialité.
[Source : Conseil d’Etat, 6 décembre 2002, req. n° 240028, Trognon].


(1)
Cour EDH, 2 mai 1997, req. n° 30240/96, D. c/ Royaume-Uni.


(2)
Cour EDH, 21 mars 2002, req. n° 65653/01, Nitecki c/ Pologne.


(3)
Cour EDH, 28 octobre 1999, req. n° 40772/98, Pancenko c/ Lettonie.


(4)
Cour EDH, 23 avril 2002, req. n° 56869/00, Larioshina c/ Russie.


(5)
Cour EDH, 18 juin 2009, req. n° 45603/05, Budina c/ Russie.


(6)
Cour EDH 12 octobre 2004, req. n° 60669/00, Asmundsson c/ Islande.


(7)
Cour EDH, 31 octobre 2013, req. nos 62235/12 et 57725/12, Da Conceição Mateus c/ Portugal et Santos Januário c/ Portugal.

SECTION 1 - LA CEDH

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