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Les services d’intérêt général

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[Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 14]
La notion de service public est, en tant que telle, étrangère au vocabulaire du droit de l’Union européenne. Elle est cependant englobée dans une notion aux multiples ramifications, celle de « service d’intérêt général ».


A. LES SERVICES D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

Eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général (SIEG) parmi les valeurs communes de l’Union (cf. encadré, p. 84) ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union, l’Union et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application des traités, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions.
Les SIEG sont des services qui présentent des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique.


B. LE SERVICE SOCIAL D’INTÉRÊT GÉNÉRAL



I. La notion de « service social d’intérêt général »

La notion de « service social d’intérêt général » (SSIG) n’est pas définie par le droit de l’Union européenne. Une communication de la Commission européenne d’avril 2006 (1) a identifié deux catégories de SSIG :
  • les régimes légaux et les régimes complémentaires de protection sociale, sous leurs diverses formes d’organisation (mutualistes ou professionnelles), couvrant les risques fondamentaux de la vie, tels ceux qui sont liés à la santé, à la vieillesse, aux accidents du travail, au chômage, à la retraite, au handicap ;
  • les autres services essentiels prestés directement à la personne. Ces services jouant un rôle de prévention et de cohésion sociale, ils apportent une aide personnalisée pour faciliter l’inclusion des personnes dans la société et garantir l’accomplissement de leurs droits fondamentaux. Ils englobent premièrement l’aide aux personnes dans la maîtrise des défis immédiats de la vie ou des crises (telles que l’endettement, le chômage, la toxicomanie, la rupture familiale). Deuxièmement, ils contiennent les activités visant à assurer que les personnes concernées ont les compétences nécessaires à leur insertion complète dans la société (réhabilitation, formation linguistique pour les immigrés) et notamment sur le marché du travail (formation, réinsertion professionnelle). Ces services complètent et soutiennent le rôle des familles dans les soins apportés, notamment aux plus jeunes et aux plus âgés. Troisièmement, font partie de ces services les activités visant à assurer l’inclusion des personnes ayant des besoins à long terme liés à un handicap ou à un problème de santé. Quatrièmement, est également inclus le logement social, qui procure un logement aux personnes défavorisées ou aux groupes sociaux moins avantagés.


II. La notion d’« activité économique »

La qualification de SSIG permet d’apprécier dans quelle mesure de tels services sociaux relèvent des règles du marché intérieur. Ils tombent dans le champ d’application des règles du traité sur le marché intérieur lorsqu’ils constituent une « activité économique » au sens de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation du traité.
Toute prestation de services rémunérée doit être regardée comme une activité économique ; le service ne doit pas nécessairement être payé par ceux qui en bénéficient, mais la prestation de ce service implique l’existence d’une contrepartie économique. Le caractère économique d’une activité ne dépend pas du statut juridique de l’opérateur ou de l’organisme (qui peut être à caractère public ou non lucratif), ni de la nature du service (le fait qu’une prestation relève du domaine de la sécurité sociale ou de la santé n’a pas en soi comme conséquence d’exclure l’application des règles du traité).
Les activités qui sont accomplies sans contrepartie économique, par l’Etat ou pour le compte de l’Etat, dans le cadre de ses missions dans le domaine social, par exemple, ne constituent pas une activité économique. C’est le cas, par exemple, des cours dispensés dans le cadre du système de l’Education nationale ou des cours dispensés dans un institut d’enseignement supérieur dont le financement était assuré, pour l’essentiel, par des fonds publics.
La Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à préciser les notions de « soins de santé » et de « services sociaux » au sens de la directive 2006/123/CE qui a pour objet de favoriser la circulation des services entre les Etats membres de l’Union européenne, dans le cadre d’un marché concurrentiel. Cette directive exclut de son champ d’application les soins de santé et les services sociaux. Pour la Cour, l’exclusion des services de soins de santé du champ d’application de cette directive couvre toute activité destinée à évaluer, à maintenir ou à rétablir l’état de santé des patients, pour autant que cette activité est exercée par des professionnels reconnus comme tels conformément à la législation de l’État membre concer-né, et ce indépendamment de l’organisation, des modalités de financement et de la nature publique ou privée de l’établissement dans lequel les soins sont assurés. De même, l’exclusion des services sociaux du champ d’application de la directive 2006/123 s’étend à toute activité relative notamment à l’aide et à l’assistance aux personnes âgées, pour autant qu’elle est assurée par un prestataire de services privé qui a été mandaté par l’Etat au moyen d’un acte confiant de manière claire et transparente une véritable obligation d’assurer, dans le respect de certaines conditions spécifiques d’exercice, de tels services (2).


III. Les services sociaux relatifs au logement, à l’aide à l’enfance et aux familles

Si les services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin, et ce dès lors qu’ils sont fournis par l’Etat lui-même, par un prestataire mandaté par l’Etat ou par des associations caritatives, ont été exclus du champ d’application de la « directive services » (3), cela n’empêche pas ces activités de relever, potentiellement, des dispositions du traité sur le marché intérieur.
Ainsi, la question de savoir si des centres communaux d’action sociale sont soumis ou non aux règles du droit de la concurrence, et plus particulièrement aux règles relatives aux aides d’Etat, ne peut être appréciée globalement mais dépend des activités qu’ils exercent. En effet, si un centre de ce type gère un service de repas à domicile ou un service de soins à domicile, alors que de telles activités sont susceptibles d’être exercées par d’autres prestataires, publics ou privés, il offre des services sur un marché, et exerce donc une activité économique au sens des règles de concurrence. Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des activités d’un tel centre doive être considéré comme économique ; en effet une activité de pure protection sociale, telle que la distribution d’allocations publiques à leurs bénéficiaires, ne serait, quant à elle, pas constitutive d’une activité économique.
Une aide sociale accordée aux ménages à faibles revenus et versée en tiers payant directement au prestataire du service constitue-t-elle une aide d’Etat ? Pour la Commission européenne, il est concevable qu’un organisme social, en fonction par exemple du risque de voir l’aide ne pas remplir son rôle social si elle est directement versée au bénéficiaire, décide d’en verser tout ou partie au prestataire du service concerné (par exemple, bailleur social du logement occupé, cantine scolaire fréquentée par les enfants, etc.). Un tel versement ne constitue pas une aide d’Etat au profit du prestataire si l’allocation versée en tiers payant et ses paramètres de calcul restent clairement définis et étroitement liés au bénéficiaire final, personne physique. Cela implique que ce transfert ne génère pas d’autres avantages pour le prestataire de services. Ainsi, le montant total du loyer demandé par le prestataire doit être défini indépendamment et préalablement de manière que le loyer restant dû par le bénéficiaire soit effectivement minoré du montant que ce prestataire a déjà perçu de l’organisme social.


IV. Le mandat en faveur du prestataire de services

Le mandatement étant l’une des conditions nécessaires pour que la compensation de service public soit compatible avec le traité, il est obligatoire pour les opérateurs chargés de SIEG, y compris les SSIG de nature économique. Par exemple, si une autorité publique veut établir un centre ou un service d’aide à domicile pour les personnes âgées, un mandat doit être donné au prestataire de services (entreprise privée, le cas échéant) du SSIG d’établir un centre qui fournira l’aide nécessaire aux personnes âgées, prenant en compte la multiplicité de leurs besoins, notamment, le cas échéant, sur les plans médical, psychologique et social ou dans le cas du service d’aide à domicile, des services tels que l’aide médicale à domicile, la livraison de repas, les services de nettoyage de la maison, etc.
De même, au cas où une autorité publique veut créer un centre d’accompagnement de jeunes chômeurs, il faudra un mandat spécifiant que le prestataire de services est chargé d’organiser un service d’accompagnement de jeunes chômeurs, qui fournirait aux chômeurs la formation nécessaire, mais inclurait également d’autres services directement liés à la réinsertion efficace des personnes à aider.
Rappelons que pour la CJUE, l’exclusion des services sociaux du champ d’application de la directive 2006/123/CE s’étend à toute activité relative notamment à l’aide et à l’assistance aux personnes âgées, pour autant qu’elle est assurée par un prestataire de services privé qui a été mandaté par l’Etat au moyen d’un acte confiant de manière claire et transparente une véritable obligation d’assurer, dans le respect de certaines conditions spécifiques d’exercice, de tels services (4).


Les valeurs communes de l’Union concernant les SIEG

Le protocole n° 26 annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (5) indique quelles sont les « valeurs communes de l’union » concernant les services d’intérêt économique général. Elles comprennent notamment :
  • le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ;
  • la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister en ce qui concerne les besoins et les préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ;
  • un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs.


(1)
« Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne : les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne », COM (2006) 177, 26 avril 2006.


(2)
CJUE 11 juillet 2013, aff.C-57/12, Fédération des maisons de repos privées de Belgique ASBL c/ Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale.


(3)
Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, JOUE L. 376 du 27-12-06.


(4)
CJUE 11 juillet 2013, aff. C-57/12 préc.


(5)
JOUE C 326/308 du 26-10-12.

SECTION 3 - LA RÉALISATION DU MARCHÉ INTÉRIEUR

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