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Les discriminations en raison du handicap, de l’âge, des convictions religieuses, de l’orientation sexuelle

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[Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 19 ; Charte des droits fondamentaux, article 21, directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, JOUE L. 303 du 2-12-00]
Les discriminations fondées sur le handicap, l’âge, les convictions religieuses, l’orientation sexuelle sont combattues par l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam en 1999. Il est difficile d’expliquer les raisons pour lesquelles ces quatre chefs de discrimination, par nature très différents, ont été intégrés dans une seule et même directive. Il en ressort un texte difficile à lire car des dispositions communes et transversales se mêlent à des mesures propres à l’un ou l’autre des chefs de discrimination, en particulier l’âge et le handicap.


A. LES PRINCIPES DIRECTEURS



I. Le cadre général

La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail.
Le champ d’application de la directive est vaste puisqu’elle couvre tant le secteur public que le secteur privé, y compris les organismes publics. La directive s’applique de manière large aux « conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion », de même qu’à « l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l’acquisition d’une expérience pratique », ou encore aux « conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération » (art. 3, § 1). Elle protège donc contre les discriminations du stade du recrutement à celui de la rupture du contrat de travail.


II. Des discriminations au harcèlement discriminatoire

La directive prohibe les discriminations directes et indirectes. Une discrimination directe se produit lorsqu’une personne « est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés par la directive ». Une discrimination indirecte se produit lorsque « une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes [...] d’un âge [...] donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ».
Le harcèlement est considéré par la directive comme une forme de discrimination lorsqu’un comportement indésirable lié à l’un des motifs de discrimination « se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». La discrimination par injonction est prohibée : tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l’encontre de personnes est considéré comme une discrimination.


III. Les justifications des différences de traitement

La directive admet que des discriminations puissent être justifiées par l’existence d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Les Etats membres peuvent ainsi prévoir qu’une différence de traitement « ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée ».
La directive prévoit des mesures de justification des discriminations propres au critère de l’âge. Les Etats peuvent ainsi prévoir que « des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ».
Ces différences de traitement peuvent « notamment », comprendre :
  • la mise en place de conditions spéciales d’accès. à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux qui ont des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;
  • la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;
  • la fixation d’un âge maximal pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.
Au titre des mesures positives, pour assurer la pleine égalité dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un Etat membre de maintenir ou d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à l’un des motifs. Par ailleurs, en ce qui concerne les personnes handicapées, le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle au droit des Etats membres de maintenir ou d’adopter des dispositions concernant la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail ni aux mesures visant à créer ou à maintenir des dispositions ou des facilités en vue de sauvegarder ou d’encourager leur insertion dans le monde du travail.


IV. Les aménagements procéduraux

Un mécanisme du déplacement de la charge de la preuve est mis en œuvre par la directive : il appartient aux Etats de prendre les mesures nécessaires « afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement ». Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’un renversement de la charge de la preuve, puisque celui qui se prétend victime doit en premier lieu établir « des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination ».
Enfin, au titre de la protection contre les rétorsions, les Etats membres doivent introduire « les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout licenciement ou tout autre traitement défavorable par l’employeur en réaction à une plainte formulée au niveau de l’entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement ».


B. LEUR MISE EN œUVRE



I. La discrimination en raison de l’âge

La Cour de justice fait l’objet d’une grande mansuétude envers les mesures, législatives, réglementaires ou conventionnelles, qui établissent des différences de traitement en raison de l’âge.
Certes, la prohibition des discriminations en raison de l’âge est un principe général du droit de l’Union (1), mais la Cour accepte facilement les limites d’âge posées pour exercer un emploi ou pour entraîner la rupture du contrat de travail (2). Elle a considéré qu’une limite d’âge pour exercer l’emploi de pompier était justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante (3). Un plan social peut même contenir des mesures moins favorables pour les salariés âgés au motif qu’ils sont proches de bénéficier d’une pension de vieillesse (4).
Il est important de souligner le fait que les discriminations en raison de l’âge peuvent frapper toutes les catégories d’âge, les jeunes par exemple. Il a ainsi été jugé qu’un organisme public autrichien ne prenant pas en considération l’expérience professionnelle acquise avant l’âge de 18 ans pour déterminer le niveau de rémunération de ses agents contractuels discrimine en raison de l’âge (5).
Plus généralement, la Cour de justice fait une appréciation souple de l’objectif légitime que constitue la promotion de l’embauche qui « constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des Etats membres, notamment lorsqu’il s’agit de favoriser l’accès des jeunes à l’exercice d’une profession » (6).


II. La discrimination en raison du handicap

La Cour de justice a été interrogée sur le critère du handicap. A cette occasion, elle a fait émerger le concept de discrimination par association. Employée en tant que secrétaire juridique dans un cabinet d’avocats londonien, la salariée a donné naissance en 2002 à un enfant handicapé, dont l’état nécessitait des soins spécialisés qu’elle lui prodiguait pour l’essentiel elle-même. Trois ans plus tard, après s’être engagée en mars 2005 dans un dispositif de mise en chômage volontaire, elle a contesté la rupture devant les tribunaux. Son départ aurait été en réalité motivé par la discrimination de la part de son employeur, du fait qu’elle avait un enfant handicapé à charge. Elle fait notamment état des remarques désobligeantes concernant son enfant, et du refus de lui accorder des conditions de travail aussi souples que celles qui ont été concédées à ses collègues dont les enfants n’étaient pas handicapés. La Cour de justice accueille cette demande car « lorsqu’un employeur traite un employé n’ayant pas lui-même un handicap de manière moins favorable qu’un autre employé ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable et qu’il est prouvé que le traitement défavorable dont cet employé est victime est fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin », un tel traitement est contraire à l’interdiction de discrimination directe énoncée par la directive (7).
La Cour de justice de l’Union européenne a traité d’une autre question importante relative à la définition du handicap : ce concept englobe-t-il la maladie ? Dans un premier arrêt, elle a répondu par la négative (8). Elle a ultérieurement tempéré son analyse en jugeant que la notion de handicap « inclut un état pathologique causé par une maladie médicalement constatée comme curable ou incurable dès lors que cette maladie entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs, et que cette limitation est de longue durée. La nature des mesures que doit prendre l’employeur n’est pas déterminante pour considérer que l’état de santé d’une personne relève de cette notion ». Elle a précisé dans cette même décision que la réduction du temps de travail peut constituer une mesure d’aménagement raisonnable au sens de la directive (9).
Il est intéressant de relever que, de son côté, la Cour EDH a jugé que « l’état de santé d’une personne, notamment un problème de santé tel que la séropositivité, doit être considéré comme un motif de discrimination relevant de l’expression “toute autre situation” employée dans le texte de l’article 14 de la Convention, en tant que handicap ou au même titre qu’un handicap » (10).


III. La discrimination en raison de l’orientation sexuelle

La Cour de justice a jugé de manière prudente que la directive s’oppose à une réglementation (allemande) en vertu de laquelle, « après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie ». Il incombe à la juridiction nationale de vérifier si un partenaire de vie survivant est dans une situation comparable à celle d’un époux bénéficiaire de la prestation de survie prévue par le régime de prévoyance professionnelle (11).
La Cour a eu l’occasion de préciser d’une part, qu’il est requis non pas que les situations soient identiques, mais seulement qu’elles soient comparables ; d’autre part, « l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée ». Détaillant sa pensée, la Cour souligne que « la comparaison des situations doit être fondée sur une analyse focalisée sur les droits et obligations des époux mariés et des partenaires de vie enregistrés, tels qu’ils résultent des dispositions internes applicables, qui sont pertinents compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de la prestation en cause ». Il ne s’agit donc pas de « vérifier si le droit national a opéré une assimilation juridique générale et complète du partenariat de vie enregistré au mariage » (12). C’est cette méthode qui est suivie par la HALDE (Défenseur des droits) lorsqu’elle compare mariage et PACS (13). Le mariage étant désormais ouvert aux couples homosexuels, cette jurisprudence est de moindre importance pour la France.


IV. La discrimination en raison des convictions religieuses

Aucun arrêt n’a été rendu par la CJUE sur les convictions religieuses. Nul doute cependant que les affaires prioritaires instruites par les tribunaux français, par exemple sur le port du voile au travail, doivent être appréciées sous l’angle de la directive 2000/78/CE.
Notons, en particulier, que celle-ci « ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d’autrui » (art. 2 § 5).
Par ailleurs, sont autorisées les différences de traitement qui se rapportent aux cas où « en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée » (directive 2000/78/CE, art. 4).


(1)
CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Mangold.


(2)
CJCE, 16 octobre 2007, aff. C-411/05, Palacios de la Villa.


(3)
CJCE, 12 janvier 2010, aff. C-229/08, Wolf.


(4)
CJUE, 6 décembre 2012, aff. C-152/11, Johann Odar.


(5)
CJCE, 18 juin 2009, aff. C-88/08, Hütter.


(6)
CJUE, 21 juillet 2011, aff. C-159/10 et C-160/10, Fuchs et Köhler.


(7)
CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, Coleman.


(8)
CJCE, 11 juillet 2006, aff. C-13/05, Chacon-Navas.


(9)
CJUE, 11 avril 2013, aff. C-335/11, HK Danmark.


(10)
Cour EDH, 3 octobre 2013, I.B. c/ Grèce, n° 552/10.


(11)
CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06, Maruko.


(12)
CJUE, 10 mai 2011, aff. C-147/08, Römer.


(13)
Par exemple, délibération n° 2010-20 du 1er février 2010.

SECTION 2 - LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

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