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Les principes

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Tandis que certains de ces principes limitent et encadrent l’action de l’Union européenne, d’autres fondent son efficacité, c’est-à-dire sa capacité à atteindre les individus dans leurs relations entre eux ou dans leurs rapports avec des institutions publiques ou privées.


A. LE PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ

[Traité sur l’Union européenne, article 5]
Conformément aux principes du droit international, l’Union européenne ne peut traiter que des questions qui relèvent de sa compétence, celles-ci étant définies dans le corps des traités. Certaines questions relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne - elles sont rares (1) - d’autres d’une compétence partagée, tandis que d’autres encore demeurent de la compétence exclusive des Etats membres.
En matière d’aide et d’action sociales, l’Union européenne n’a aucune compétence exclusive. Dans le cadre d’une compétence partagée avec les Etats membres, elle est compétente pour élaborer des normes concernant un certain nombre de domaines (TFUE, art. 2) :
  • droit de séjour ;
  • lutte contre l’exclusion ;
  • lutte contre le racisme ;
  • lutte contre les discriminations (nationalité, handicap, âge, etc.) ;
  • accès à l’emploi et conditions de travail des étrangers ;
  • protection sociale des immigrants, actifs ou inactifs ;
  • statut des ressortissants d’Etats tiers (visa, asile, réfugiés, protection sociale, etc.) ;
  • statut des organismes de protection sociale ;
  • statut des services publics ;
  • conditions d’exécution des décisions de justice ;
  • protection des droits fondamentaux de la personne.
Le degré d’intervention du droit de l’Union est variable. Sur certaines questions, l’Union européenne pose des règles précises et contraignantes, destinées à couvrir une question de manière exhaustive (par exemple, le droit de séjour et l’accès à l’emploi des citoyens de l’Union à l’intérieur de l’Union européenne). A l’inverse, d’autres questions sont abordées de manière indirecte et plus ou moins parcellaire (comme le statut des services publics).
Une autre source d’hétérogénéité provient de la différence de nature entre les normes produites par l’Union européenne. Certaines ne sont pas contraignantes ; elles ne lient pas les autorités nationales. D’autres, essentiellement les règlements et les directives, sont de véritables sources de droit pour les justiciables. L’aide et l’action sociales étant un terrain privilégié de normes communautaires dépourvues de caractère obligatoire (en particulier, dans le cadre de la « méthode ouverte de coordination » ou de la politique de l’emploi, cf. infra, chapitre 4, section 5), il convient d’être vigilant sur ce point.


B. LES PRINCIPES DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ

[Traité sur l’Union européenne, article 5, et Protocole n° 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, JOUE C 326/206 du 26-10-12]


I. Une prise de décision proche du citoyen

En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union. Le principe de subsidiarité vise ainsi à assurer une prise de décision la plus proche possible du citoyen en vérifiant que l’action à entreprendre au niveau de l’Union européenne est justifiée par rapport aux possibilités qu’offre l’échelon national, régional ou local.
Dans les domaines où la compétence est partagée entre les Etats membres et l’Union européenne, cette dernière ne doit agir que lorsque son action est plus efficace qu’une action entreprise au niveau inférieur. Le principe de subsidiarité trouve donc application pour les domaines qui font l’objet d’une compétence partagée entre l’Union et les Etats membres.
Le principe de subsidiarité est lié au principe de proportionnalité qui suppose que l’action de l’Union européenne ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité. Ces principes garantissent que l’Union européenne n’excède pas les pouvoirs qui lui sont conférés et n’empiète pas de manière injustifiée sur les compétences des Etats membres. Les textes communautaires qui violeraient le principe de subsidiarité sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).


II. Un impact sur la procédure législative

[Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, articles 2, 5, 6, 7, et Protocole n° 2]
Le principe de subsidiarité reçoit une application concrète dans le processus législatif. Il implique que, avant de proposer un acte législatif, la Commission procède à de larges consultations, qui doivent tenir compte, le cas échéant, de la dimension régionale et locale des actions envisagées. Les propositions d’actes législatifs communautaires sont motivées au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Toute proposition d’acte législatif devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d’apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cette fiche devrait permettre d’évaluer son impact financier et, lorsqu’il s’agit d’une directive, ses implications sur la réglementation à mettre en œuvre par les Etats membres, y compris, le cas échéant, la législation régionale. Les raisons permettant de conclure qu’un objectif de l’Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s’appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c’est possible, quantitatifs. Les propositions d’actes législatifs tiennent compte de la nécessité de faire en sorte que toute charge, financière ou administrative, incombant à l’Union européenne, aux gouvernements nationaux, aux autorités régionales ou locales, aux opérateurs économiques et aux citoyens soit la moins élevée possible et à la mesure de l’objectif à atteindre.
Tout Parlement national ou toute Chambre de l’un de ces parlements peut, dans un délai de huit semaines à compter de la date de transmission d’une proposition d’acte législatif communautaire, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Un réexamen peut alors avoir lieu, à l’issue duquel la Commission peut décider, soit de maintenir la proposition, soit de la modifier, soit de la retirer.


III. La clause de flexibilité

Le principe de subsidiarité a pour corollaire la faculté pour l’Union d’agir sur des domaines pour lesquels elle n’a pas explicitement compétence : « Si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées. Lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen » (TFUE, art. 352).
Cette disposition, appelée « clause de flexibilité », permet d’ajuster les compétences de l’Union aux objectifs assignés par les traités lorsque ceux-ci n’ont pas prévu les pouvoirs d’action nécessaires pour atteindre ces objectifs.


C. LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ



I. Sa définition

Pour la Cour de justice, parce qu’il est « issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne, quel qu’il soit » (2).
Le principe de primauté, construit par la jurisprudence, est désormais consacré par une déclaration annexée au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (déclaration n° 17) : « Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. A l’époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (l’arrêt Costa c/ Enel), la primauté n’était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice. Il [en] résulte [...] qu’issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même. »
La primauté du droit de l’Union signifie donc que les normes adoptées dans ce cadre ont une autorité supérieure à celles qui sont issues des ordres juridiques nationaux. Autrement dit, le droit communautaire fait partie intégrante de l’ordre juridique applicable sur le territoire de chacun des Etats membres. Une législation nationale qui irait à l’encontre de la règle communautaire ne doit pas être appliquée et doit être abrogée ou modifiée. Le principe de primauté concerne toutes les normes communautaires à caractère obligatoire : traités, principes généraux du droit de l’Union, règlements, directives, décisions, accords externes conclus avec des Etats tiers.


II. Principe de primauté et normes de valeur constitutionnelle

Le principe de primauté est plus délicat à mettre en œuvre lorsque des normes de valeur constitutionnelle heurtent des normes communautaires. En droit français, la Constitution subordonne la ratification d’un traité international à sa conformité, ce qui impose de réviser cette dernière le cas échéant. Le traité de Maastricht, qui a transféré à l’Union européenne des compétences en matière économique et monétaire et en matière de politique à l’égard des ressortissants d’Etats tiers n’a pu être ratifié, en application de l’article 54 de la Constitution, qu’une fois la Constitution modifiée (3). Par ailleurs, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour vérifier la conformité à la Constitution des actes de droit dérivé communautaire. Cependant, la supériorité du droit de l’Union est assurée par divers mécanismes, dont le suivant : « La transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution » (4).


III. Principe de primauté et normes de valeur législative

Concernant les relations entre lois nationales et droit de l’Union, l’article 55 de la Constitution de 1958 prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Ce principe n’a jamais soulevé de problèmes d’application devant les tribunaux lorsque les lois en cause étaient antérieures aux traités ou accords.
La situation inverse, lorsque les lois contraires aux stipulations du traité interviennent postérieurement à celui-ci, est plus délicate. Les juridictions françaises ont d’abord estimé que la norme la plus récente devait s’appliquer (5), analyse qui pouvait avoir pour conséquence de faire prévaloir la loi sur le droit de l’Union. Puis dans l’arrêt Jacques Vabre, la Cour de cassation affirma, au contraire, que les traités priment sur des lois internes qui leur sont postérieures : le Traité communautaire « a une autorité supérieure à celle des lois » (6). Finalement, dans l’arrêt Nicolo, le Conseil d’Etat a admis la primauté d’un traité communautaire sur une loi française postérieure en posant comme principe qu’il appartient au juge administratif de contrôler la compatibilité entre les traités internationaux et les lois françaises même postérieures (7). Le Conseil d’Etat reconnaît aujourd’hui la primauté des règlements et des directives sur les lois internes.
On rappellera que, dans l’hypothèse où le juge national est saisi d’une question portant à la fois sur la constitutionnalité et la conformité au droit de l’Union européenne d’une disposition législative, il lui appartient de mettre en œuvre, le cas échéant, les mesures provisoires ou conservatoires propres à assurer la protection juridictionnelle des droits conférés par l’ordre juridique européen. En cas d’impossibilité de satisfaire à cette exigence, comme c’est le cas de la Cour de cassation, devant laquelle la procédure ne permet pas de recourir à de telles mesures, le juge doit se prononcer sur la conformité de la disposition critiquée au regard du droit de l’Union en laissant alors inappliquées les dispositions prévoyant une priorité d’examen de la question de constitutionnalité (8).


D. L’INVOCABILITÉ DIRECTE



I. Son principe et sa portée

La norme européenne produit des effets immédiatement et automatiquement, au même titre que toute autre règle de droit positif, dans l’ordre juridique interne des Etats, en dépit de l’existence éventuelle d’une législation nationale contraire. Pour la Cour de justice, « les règles de droit communautaire, établies par le traité luimême ou en vertu des procédures qu’il a instituées, s’appliquent de plein droit au même moment et avec des effets identiques sur toute l’étendue du territoire de la Communauté » (9). Le droit de l’Union européenne, de même qu’il crée des charges à l’encontre des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique.
L’effet direct, également nommé « invocabilité directe » ou « opposabilité directe », se traduit par le droit pour tout citoyen de l’Union de revendiquer l’application d’un texte communautaire devant une juridiction nationale. Comme on le verra (cf. infra, II), beaucoup des dispositions des traités de l’Union ont un effet direct. En ce qui concerne le droit dérivé, par nature, les règlements communautaires ont un effet direct tandis que les directives en sont en principe dépourvues (cf. infra, § 5, B). Les dispositions des accords conclus avec les Etats tiers ne bénéficient pas d’une présomption d’effet direct, mais ont cette qualité si certaines circonstances sont réunies (10). Cette règle a des conséquences concrètes importantes concernant les droits à prestations sociales des étrangers en France, en particulier pour les prestations familiales (cf. infra, A savoir aussi).


II. L’invocabilité directe des dispositions du traité

a. Les critères de l’invocabilité directe

Parmi les dispositions sociales insérées dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la majorité peut être invoquée directement devant les juges nationaux car leur contenu est suffisamment précis, leur mise en œuvre ne devant pas nécessiter l’adoption d’un acte ultérieur national ou communautaire. Mais ce n’est pas le cas de toutes. Tout dépend de leur forme rédactionnelle qu’il convient donc d’étudier avec attention.
Par exemple, la CJUE a jugé que l’article 151 du TFUE, qui fixait comme objectif, dans sa rédaction applicable au moment des faits, « l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre, permettant leur égalisation dans le progrès », n’a qu’une valeur programmatique, de sorte qu’il « ne saurait avoir pour effet de créer des obligations juridiques à la charge des Etats membres ni des droits au profit de particuliers » (11). Il ne peut donc pas s’imposer sur une norme nationale dans un litige.
De même, l’article 19 du TFUE, qui vise à combattre les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, est dépourvu d’effet direct en droit interne car il ne s’adresse pas aux Etats membres mais au législateur européen : il « permet au Conseil de l’Union européenne de prendre, dans les limites des compétences conférées par le traité CE, les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination » et « ne saurait, en tant que tel, placer dans le champ d’application du droit communautaire, aux fins de l’interdiction de toute discrimination, des situations qui [...] n’entrent pas dans le cadre des mesures adoptées sur le fondement dudit article et, en particulier, la directive 2000/78 avant l’expiration du délai que celle-ci prévoit pour sa transposition »(12).

b. L’invocabilité directe dans un litige entre particuliers

Certaines dispositions du traité ne sont directement invocables que contre les Etats membres. Elles ne peuvent donc pas être invoquées dans un litige entre un employeur et un salarié. Par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne a admis que l’article 49 du TFUE relatif à la liberté d’établissement « peut être directement invoqué par une entreprise privée à l’encontre d’un syndicat ou d’un groupement de syndicats », notant que le fait que certaines dispositions du traité sont formelle ment adressées aux Etats membres n’exclut pas que des droits puissent être conférés simultanément à tout particulier intéressé à l’observation des obligations ainsi définies (13). Les dispositions des traités peuvent donc avoir un « effet direct horizontal », c’est-à-dire être invoquées dans un litige entre particuliers, ce que les juridictions françaises admettent. Par exemple, l’article 45 du TFUE qui garantit la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne peut être directement invoqué, à l’occasion d’un litige porté devant une juridiction nationale, par un salarié contre son employeur.


(1)
Ainsi en est-il de l’union douanière ; de l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ; de la politique monétaire pour les Etats membres dont la monnaie est l’euro ; de la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ; de la politique commerciale commune.


(2)
CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Costa c/ Enel.


(3)
Décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997, JO du 3-01-98.


(4)
Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, JO du 22-06-04.


(5)
Conseil d’Etat, 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France, req. n° 62 814.


(6)
Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, n° 73-13.556.


(7)
Conseil d’Etat, ass., 20 octobre 1989, n° 108243.


(8)
Cass. ass. plén., 29 juin 2010, n° 10-40.001.


(9)
CJCE, 13 juillet 1972, aff. 48/71, Commission c/ Italie.


(10)
CJCE, 20 septembre 1990, aff. C-192/89, Sevince.


(11)
CJCE, 29 septembre 1987, aff. 126/86, Giménez-Zaera.


(12)
CJCE, 23 septembre 2008, aff. C-427/06, Bartsch.


(13)
CJUE, 11 décembre 2007, aff. C-438/05, Viking.

SECTION 1 - L’UNION EUROPÉENNE

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