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L’aide et l’action sociales dans le droit dérivé

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Les sources dites de « droit dérivé » regroupent les sources qui trouvent leur fondement juridique dans les traités. Le droit dérivé comprend les actes unilatéraux et les actes conventionnels, ces derniers renvoyant principalement aux accords internationaux signés entre l’Union européenne et un pays ou une organisation tiers.
Ce paragraphe se concentre sur les sources figurant dans la nomenclature de l’article 288 du TFUE : le règlement, la directive, la décision, les avis et les recommandations. Seront également évoquées d’autres sources juridiquement non contraignantes qui sont en lien avec l’aide et l’action sociales.


A. LE RÈGLEMENT

[Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 288]
Le règlement lie les Etats membres. Il « a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre ». Le règlement a une nature et une efficacité comparables à celles des lois dans les systèmes nationaux, dans la mesure où il contient des prescriptions générales et impersonnelles. Celles-ci doivent être appliquées par les Etats membres dans leur ensemble.
Le règlement est la seule catégorie d’actes qui bénéficie en soi de l’applicabilité directe. Il produit par luimême et automatiquement des effets juridiques dans l’ordre interne des Etats (1). Le règlement peut être invoqué dans tous litiges, que ce soit à l’encontre d’un particulier ou d’un Etat.
Dans le domaine de l’aide et de l’action sociales, les règlements sont peu nombreux. On peut citer le règlement (CE) n° 380/2008 du Conseil du 18 avril 2008 qui établit un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (2). En matière de sécurité sociale, les règlements n° 883/2004 du 29 avril 2004 (3) et n° 987/2009 du 16 septembre 2009 (4) portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et destinés à préserver les droits en matière de sécurité sociale des personnes mobiles à l’intérieur de l’Union européenne. Ces règlements sont donc applicables en France sans que des mesures de transposition par loi ou décret n’aient été nécessaires. Ils font cependant l’objet de circulaires d’application. Un particulier peut opposer à un juge ou une administration nationale les prescriptions de ces règlements.


B. LA DIRECTIVE

[Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 288]


I. L’obligation de transposition

La directive est l’instrument privilégié de l’aide et de l’action sociales et, plus largement, du droit social. La directive est un instrument souple et adapté à l’objectif visant à rapprocher les législations nationales tout en laissant à celles-ci d’importantes marges de manœuvre. Ainsi, « la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Le texte organisant le droit de séjour des citoyens de l’Union prend ainsi la forme d’une directive (2004/38), de même que l’ensemble des textes de droit dérivé qui luttent contre les discriminations (par exemple, les directives 2000/78, 2000/43, 2006/54). La quasi-totalité du corpus de règles fixant le statut des étrangers est organisée sous forme de directives.
Contrairement au règlement, la directive n’est pas directement applicable dans les Etats membres. Elle doit faire l’objet d’une transposition par le biais d’une norme de droit interne (loi ou décret en droit français). La transposition d’une directive en droit interne n’exige pas nécessairement une reprise formelle de ses dispositions dans une norme interne spécifique. Elle peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application du texte communautaire (5).


II. Les conséquences du défaut de transposition

Lorsqu’une directive n’est pas transposée à la date limite qu’elle prévoit, il est possible pour un particulier ou une personne morale de s’en prévaloir directement à l’encontre de l’Etat. Dans ce cas en effet, il est normal qu’un particulier puisse opposer à l’Etat sa propre défaillance. On parle d’« effet direct vertical ».
La CJUE a interprété de manière large le concept d’Etat, qui englobe « un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers » (6). L’Etat englobe donc toute autorité publique ou investie de prérogatives de puissance publique, même s’il s’agit de structures de droit privé. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la RATP pouvait être identifiée à l’Etat (7). Il en irait de même pour un organisme de sécurité sociale, d’aide ou d’action sociales par exemple. Une directive peut être invoquée par un particulier à l’encontre d’un acte administratif individuel (8).
Il est toutefois indispensable d’établir, avant de se prononcer sur l’applicabilité directe d’une disposition d’une directive, si elle possède les qualités pour être d’effet direct : la norme concernée doit être claire, inconditionnelle et suffisamment précise. Le juge national peut apprécier lui-même si une disposition est d’effet direct.


III. L’absence d’effet direct entre particuliers

Rappelons qu’une directive ne peut pas être invoquée directement contre une personne qui n’entre pas dans la notion d’Etat au sens de la jurisprudence de la Cour de justice. L’applicabilité directe ne saurait valoir entre particuliers ou personnes morales de droit privé : il n’y a pas d’« applicabilité directe horizontale ».
Le juge national est néanmoins tenu, dans ce cas, de procéder à l’interprétation conforme du droit interne ; ce principe requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (9) (sur ce principe, cf. supra, chapitre 2).
La Cour de justice considère que doit être laissée inappliquée une disposition nationale contraire à une directive non encore transposée, alors même que le délai de transposition n’est pas expiré (10).


C. LA DÉCISION

Une décision est un acte individuel dont les destinataires
sont aussi bien des Etats que des personnes physiques ou des entreprises. La décision est juridiquement contraignante et est directement applicable dans l’ordre juridique de chaque Etat membre. Il existe toutefois des décisions dépourvues de toute valeur contraignante.
Les décisions sont un instrument rare dans le domaine de l’aide et de l’action sociales. Par exemple, l’article 31 du TFUE dispose que, en matière de politique étrangère et de sécurité commune, des décisions peuvent être prises. Citons l’exemple de la décisioncadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (11). Les décisions prises sur le fondement de l’article 31 du TFUE ont pour particularité de ne pas nécessairement lier tous les Etats membres. En effet, tout membre du Conseil qui s’abstient lors d’un vote peut assortir son abstention d’une déclaration formelle. Dans ce cas, il n’est pas tenu d’appliquer la décision, mais il accepte que la décision engage l’Union. Dans un esprit de solidarité mutuelle, l’Etat membre concerné renonce à toute action susceptible d’entrer en conflit avec l’action de l’Union fondée sur cette décision ou d’y faire obstacle et les autres Etats membres respectent sa position.
D’autres décisions peuvent être dépourvues de toute valeur contraignante. C’est le cas lorsqu’elles sont adoptées dans le contexte d’une politique qui repose sur une simple coopération intergouvernementale entre Etats membres. Par exemple, la décision 2010/707/UE du Conseil du 21 octobre 2010 relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des Etats membres (12), adoptée dans le cadre de la politique de l’emploi, n’emporte aucune contrainte de mise en œuvre par les Etats membres.


D. LES INSTRUMENTS NON CONTRAIGNANTS



I. Les recommandations, avis, rapports, lignes directrices, résolutions

A côté des règlements, des directives et des décisions, existent des normes dépourvues de portée contraignante. Il s’agit notamment des recommandations, avis, rapports, lignes directrices ou encore résolutions adoptés par les différentes institutions communautaires.
Originellement, c’est à travers ce type de dispositions que les institutions communautaires se sont intéressées à l’aide et à l’action sociales. A titre d’exemple, dans un document intitulé « Livre blanc sur les services d’intérêt général » (2004), la Commission européenne promeut le principe d’accès universel effectif des citoyens les plus démunis aux services fondamentaux (eau, électricité, téléphone, etc.). Ce document sert d’indicateur aux Etats membres, mais ne procure aucun droit aux particuliers qui doivent, pour ce faire, se référer à leur réglementation nationale.


II. La méthode ouverte de coordination

La méthode ouverte de coordination, instrument souple de coopération intergouvernementale, est un outil classique donnant lieu à des actes non contraignants.
La lutte contre l’exclusion sociale, qui est l’un des piliers de cette politique, se traduit donc par l’adoption d’actions qui ne lient pas les Etats membres de l’Union. Par exemple, dans le cadre de la « stratégie Europe 2020 », la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale se traduit par quelques objectifs généraux : améliorer l’accès à l’emploi, à la sécurité sociale, aux services essentiels (soins de santé, logement, etc.) et à l’éducation ; mieux utiliser les fonds de l’Union pour soutenir l’inclusion sociale et lutter contre la discrimination ; promouvoir l’innovation sociale pour trouver des solutions intelligentes pour l’Europe d’après la crise, notamment dans la perspective d’une protection sociale plus efficace ; créer de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé (sur les actions relatives à la méthode ouverte de coordination, cf. infra, chapitre 4, section 5).


(1)
CJCE, 14 décembre 1971, aff. 43/71, Politi.


(2)
JOUE L. 115 du 29-04-08.


(3)
JOUE L. 166/1 du 30-04-04.


(4)
Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004, JOUE L. 284/1 du 30-10-09.


(5)
CJCE, 1er octobre 1991, aff. C-14/90, Commission c/ France.


(6)
CJCE, 12 juillet 1990, aff. C-188/89, Foster.


(7)
Cass. soc., 17 février 2010, n° 08-43.212.


(8)
Conseil d’Etat, 30 octobre 2009, n° 298348.


(9)
CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10, Dominguez.


(10)
CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Mangold, préc.


(11)
Décision n° 2002/584/JAI, JO n° L. 190 du 18-07-02.


(12)
JOUE L. 308/46 du 24-11-10.

SECTION 1 - L’UNION EUROPÉENNE

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