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§ 2. La portée des conventions du Conseil de l’Europe en droit français

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La capacité des conventions du Conseil de l’Europe à pénétrer le droit français est variable ; elle dépend des outils propres à chacune d’elles. Une analyse convention par convention est nécessaire.


A. LA CEDH

La CEDH fait figure d’exception remarquable au sein des conventions du Conseil de l’Europe puisqu’elle a son propre juge (cf. supra, chapitre 2). Au-delà de cet aspect déterminant, l’ouverture aux questions sociales a été formalisée par la Cour EDH qui a jugé que « la Convention doit se lire à la lumière des conditions de vie d’aujourd’hui, et à l’intérieur de son champ d’application, elle tend à une protection réelle et concrète de l’individu. [...] La Cour n’estime donc pas devoir écarter telle ou telle interprétation pour le simple motif qu’à l’adopter on risquerait d’empiéter sur la sphère des droits économiques et sociaux » (1).
L’applicabilité directe horizontale et verticale reconnue en droit interne aux dispositions de la CEDH (2) a contribué à faire de cette convention un instrument efficace en droit interne (cf. supra, chapitre 2). L’application directe implique en effet qu’un particulier est en droit d’invoquer la CEDH dans un litige contre un autre particulier ou contre l’Etat, le juge devant alors faire prévaloir la norme internationale sur la norme interne éventuellement contraire. Dans une affaire concernant le droit aux prestations familiales des étrangers, le juge judiciaire s’est directement inspiré de la jurisprudence de la Cour EDH pour reconnaître l’effet direct des dispositions combinées de l’article 14 de la CEDH du 4 novembre 1950 et de l’article 1er du Protocole n° 1 (3).


B. LA CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE

Le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne a mis en place un système de réclamations collectives destiné à renforcer l’intérêt des partenaires sociaux et des ONG à l’égard de la Charte. Le protocole est entré en vigueur le 1er juillet 1998. Il n’a été ratifié que par quelques pays, dont la France (cf. supra, chapitre 2, section 3).
Il incombe aux Etats signataires de la Charte de rédiger un rapport biennal concernant l’application des dispositions qui ont été acceptées. C’est au Comité européen des droits sociaux (CEDS) qu’il revient d’examiner ce rapport. Chaque rapport porte sur une partie des dispositions acceptées de la Charte : les années impaires, le rapport concerne les dispositions du « noyau dur » (art. 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20) ; les années paires, le rapport porte sur les autres dispositions. Le CEDS examine les rapports et rend des conclusions de conformité (ou de non-conformité). Si un Etat ne donne pas suite à une décision de non-conformité du CEDS, le Comité des ministres (à la majorité des deux tiers) adresse une recommandation à cet Etat, lui demandant de modifier la situation en droit ou en pratique.
Le caractère général des dispositions de la Charte, les conditions souples de ratification, le système de contrôle encore insuffisant, l’impossibilité pour les particuliers de s’en prévaloir directement devant les juridictions nationales (4), la multiplicité des instruments européens et internationaux parallèles, donnent à la Charte une portée relative, malgré les efforts importants de relance opérés à partir des années 1990. Néanmoins, la multiplication des recours récents devant le CEDS, notamment à l’égard de la France, témoigne de l’influence grandissante de cet instrument.


C. LE CODE EUROPÉEN DE SÉCURITÉ SOCIALE

Le Code européen de sécurité sociale fait l’objet d’un contrôle via des rapports rédigés par les pays signataires. Ainsi, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 12 septembre 2012 la Résolution CM/ResCSS (2012) 6 sur l’application du Code européen de sécurité sociale et de son Protocole, dans laquelle il constate que « la législation et la pratique de la France continuent à donner plein effet aux parties du Code qui ont été acceptées » et « décide d’inviter le Gouvernement de la France à continuer à l’informer dans son prochain rapport annuel sur les nouvelles mesures substantielles dans le domaine du financement de la sécurité sociale, sur la mise en œuvre de la réforme des retraites portée par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et sur les éventuelles autres mesures sociales prises dans le contexte de la situation économique et financière du pays ».
En France, le Conseil d’Etat a jugé que les articles 39 et 45 du Code ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers (5).
D’une manière plus générale, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe est investi d’une mission de suivi du respect des engagements pris par les Etats membres. A cet effet, il peut faire des recommandations aux Etats membres. L’adoption d’une recommandation nécessite toutefois l’unanimité des voix exprimées (condition inappliquée en pratique) et la majorité des représentants ayant le droit de voter. Les recommandations ne sont pas obligatoires pour les Etats membres. Le Comité des ministres surveille également l’exécution des arrêts de la Cour EDH.


D. LES AUTRES CONVENTIONS

Toute disposition d’une convention ratifiée par la France est susceptible d’être invoquée directement devant un juge français, afin de faire prévaloir ladite disposition sur une norme interne. Il faut toutefois passer l’obstacle de l’effet direct.
Le Conseil d’Etat a posé les conditions à remplir. Si la condition de l’effet direct est satisfaite, « les stipulations d’un traité ou d’un accord régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution peuvent utilement être invoquées à l’appui d’une demande tendant à ce que soit annulé un acte administratif ou écartée l’application d’une loi ou d’un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu’elles contiennent, dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir » (6).


(1)
Cour EDH, ch., 9 octobre 1979, req. n° 6289/73, Airey c/ Irlande.


(2)
Crim., 3 juin 1975, Bull. crim., n° 141 ; Cass. civ., 1re, 23 octobre 1990.


(3)
Cass. soc., 14 janvier 1999, n° 97-12487.


(4)
Absence d’effet direct au profit des particuliers des articles 11 et 12 de la Charte dès lors qu’ils n’ont pour objet que de déterminer les engagements incombant aux Etats signataires : Conseil d’Etat, 15 mai 1995, n° 152417.


(5)
Conseil d’Etat, ass., 5 mars 1999, nos 194658 et 196116, Rouquette et al.


(6)
Conseil d’Etat, ass., 11 avril 2012, n° 322326, cf. supra, chapitre 2.

SECTION 2 - LE CONSEIL DE L’EUROPE

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