La langue des signes est reconnue comme une langue à part entière. Ce principe posé, les jeunes sourds disposent de droit d’une liberté de choix concernant leur mode de communication. Par ailleurs, des « pôles pour l’accompagnement à la scolarisation des élèves sourds » (Pass) ont été mis en place en 2010.
A. L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE DES SIGNES
[Code de l’éducation, article L. 312-9-1 ; arrêté du 15 juillet 2008, NOR : MENE0817503A, JO du 13-08-08 ; arrêtés du 3 juin 2009, NOR : MENE0911014A et NOR: MENE0911019A, JO du 27-6-09 et BOEN n° 29 du 16-07-09 ; circulaire n° 2008-109 du 21 août 2008, NOR : MENE0800665C, BOEN n° 33 du 4-09-08]
La langue des signes française (LSF) a été reconnue comme une langue à part entière par la loi du 11 février 2005. Tout élève concerné doit ainsi pouvoir recevoir un enseignement de la langue des signes française. A cet effet, le Conseil supérieur de l’éducation doit veiller à favoriser son enseignement et être informé des évaluations opérées.
Cette langue peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, y compris ceux de la formation professionnelle. Sa diffusion dans l’administration est facilitée. Un arrêté du 15 juillet 2008 a précisé les modalités de cet enseignement à l’école primaire (maternelle et élémentaire) et a été complété par une circulaire du 21 août 2008 précisant, en particulier, les enseignants compétents pour procéder à cet enseignement. L’enseignement de la langue des signes à l’école primaire est dispensé aux élèves concernés dans le cadre de l’horaire de l’enseignement du français. Il s’inscrit dans un parcours de scolarisation en communication bilingue, étant rappelé que, dans la vie des personnes sourdes, la pratique de la LSF tient lieu d’équivalent de communication orale, et la langue française, de communication écrite. Les élèves concernés par le programme de LSF sont les enfants sourds dont les parents ont fait le choix de la communication bilingue, mais également « dans la limite du possible » les élèves (fratries, camarades de classe...) qui se situent dans la proximité de vie immédiate et « obligée » d’un jeune sourd.
Par ailleurs, deux arrêtés du 3 juin 2009 ont défini le programme de cet enseignement pour le collège, le lycée d’enseignement général et technologique et le lycée professionnel.
B. LE LIBRE CHOIX DU MODE DE COMMUNICATION
[Code de l’éducation, articles L. 112-3 et R. 351-21 à R. 351-26 ; circulaire n° 2008-109 du 21 août 2008, NOR : MENE0800665C]
I. Le principe
Selon le code de l’éducation, « dans l’éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds, la liberté de choix entre une communication bilingue, langue des signes et langue française, et une communication en langue française est de droit ».
Afin d’éclairer le libre choix entre ces deux modes de communication, la maison départementale des personnes handicapées doit informer le jeune sourd et, le cas échéant, ses représentants légaux s’il est mineur ou majeur protégé. Selon la circulaire du 21 août 2008, les familles doivent en effet être « pleinement éclairées et informées sur la nature du choix qu’elles peuvent faire, sur le sens de ce choix en matière linguistique et sur ses conséquences en terme de déroulement du cursus scolaire de leur enfant ». Cette information relève de la responsabilité de la MDPH du département de résidence du jeune sourd « et elle a toute sa place dans la phase d’élaboration du projet personnalisé de scolarisation au cours de laquelle la MDPH peut s’entourer de tous les experts qu’elle juge utile de solliciter, notamment les enseignants spécialisés dans l’enseignement pour les élèves souffrant de déficience auditive et les professionnels des centres d’information sur la surdité ainsi que ceux des services spécialisés d’éducation familiale et d’intégration scolaire ».
Plus particulièrement, l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH doit veiller à ce que les intéressés aient reçu toute l’information nécessaire puis recueille la décision quant au mode de communication choisi. Cette décision est ensuite inscrite dans le projet de vie du jeune sourd, après un diagnostic constatant les difficultés d’accès à la communication orale et la nécessité du recours à des modalités adaptées de communication. Ce choix peut être confirmé, précisé ou modifié dans le projet de vie. De fait, souligne la circulaire du 21 août 2008, « le choix que fait la famille n’est, en tout état de cause, pas définitif car la révision des projets personnalisés de scolarisation est au moins annuelle et peut conduire à des changements dans le mode de communication choisi tout au long du parcours scolaire. »
L’équipe pluridisciplinaire élabore ensuite le projet personnalisé de scolarisation inclus dans le plan personnalisé de compensation en respectant le mode de communication choisi.
Le projet personnalisé de scolarisation précise, si nécessaire, les conditions d’accompagnement du jeune sourd par des personnels qualifiés. Conformément au droit commun, le plan de compensation est transmis à la personne handicapée ou, le cas échéant, à son représentant légal, qui dispose d’un délai de 15 jours pour faire connaître ses observations (CASF, art. R. 146-29). La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées est informée de ces observations, et ce mode de communication s’impose à elle lorsqu’elle se prononce sur l’orientation des intéressés.
II. Les établissements proposant des dispositifs collectifs spécifiques
[Code de l’éducation, article R. 351-24]
Les écoles et les établissements scolaires (collèges, lycées, établissements d’éducation spéciale, lycées professionnels maritimes relevant de la région, établissements d’enseignement du second degré ou d’éducation spéciale qui relèvent de l’Etat, établissements d’enseignement privés sous contrat) proposant des dispositifs collectifs spécifiquement adaptés aux besoins des jeunes sourds doivent élaborer un document relatif aux conditions d’éducation et au parcours scolaire proposés à ces derniers. Ce document précise notamment le ou les modes de communication retenus.
Il est élaboré sous la responsabilité de l’inspecteur de l’Education nationale chargé de la circonscription du premier degré pour les écoles publiques et sous la responsabilité du chef d’établissement pour les autres.
Il est soumis pour approbation aux autorités académiques compétentes, annexé au projet d’école ou au projet d’établissement et transmis pour information à la maison départementale des personnes handicapées.
Relevons que des dispositions spécifiques s’appliquent aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (cf. infra, chapitre 3).
C. LES PASS
[Circulaire n° 2008-109 du 21 août 2008, NOR : MENE0800665C ; circulaire n° 2010-068 du 28 mai 2010, NOR : MENE1013746C, BOEN n° 25 du 24-06-10]
Par ailleurs, des « pôles pour l’accompagnement à la scolarisation des élèves sourds » (Pass) ont été mis en place par circulaire en 2010 et ont pris la suite des « pôles ressources » institués en 2008.
Ils consistent en un ensemble articulé d’établissements scolaires du premier et second degrés dans un secteur géographique limité, incluant nécessairement un lycée professionnel. Leur objectif est d’offrir des « dispositifs pédagogiques et technologiques permettant à tous les jeunes sourds, quel que soit le mode de communication choisi par leurs familles, de suivre un enseignement au plus près possible d’une scolarisation ordinaire sans se focaliser sur la seule langue des signes française ».
Ils doivent progressivement se mettre en place en fonction de la ressource humaine disponible pour enseigner la LSF et de la constitution d’un vivier de professeurs qualifiés (titulaires du Capes-LSF, dont la première session a été ouverte en 2010, et qui pourront alors enseigner la LSF) ou habilités officiellement par l’attribution de la certification complémentaire (cf. supra, section 1).
Leur nombre et les lieux de leurs emplacements dans l’académie sont déterminés selon une répartition tenant compte :
- des caractéristiques de la population scolaire concernée (nombre d’élèves sourds, répartition de ces élèves par niveaux scolaires, répartition géographique de cette population dans l’académie...) ;
- des caractéristiques géographiques de l’académie (distances, densité des établissements scolaires, zones d’enclavement...) ;
- de la disponibilité de la ressource humaine pour cet enseignement ;
- de la capacité à mobiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, susceptibles de favoriser quand c’est possible une liaison directe entre un élève sourd et un enseignant de langue des signes française situé à un autre endroit.
Dans ce cadre, ces Pass doivent servir un objectif essentiel : permettre « la maîtrise de la lecture et de l’écriture par tous les élèves sourds, a minima ». Pour ce faire, l’accent est mis prioritairement sur l’apprentissage du français :
- écrit pour les élèves ayant fait le choix d’une communication bilingue ;
- écrit et oral pour les élèves ayant fait le choix d’une communication en langue française.
En pratique, tous les élèves sourds scolarisés en établissements scolaires doivent se voir proposer un renforcement de l’enseignement du français, à hauteur d’une heure par semaine au minimum. Les élèves sourds dont les parents ont fait le choix d’une communication bilingue doivent en outre recevoir un temps d’enseignement de la LSF « conséquent », qui ne peut être inférieur au temps consacré ordinairement à l’enseignement du français oral. Un minimum de deux heures hebdomadaires de langue des signes française semble s’imposer, en supplément de l’enseignement des autres disciplines.
Un médiateur pédagogique, choisi parmi les professeurs ayant acquis une certification complémentaire en LSF, doit par ailleurs être désigné dans chaque Pass. Il a pour tâche d’assurer une médiation pédagogique auprès des élèves sourds, qui pourront le rencontrer à une heure donnée fixée dans les emplois du temps pour faire état de leurs difficultés scolaires. Il servira aussi de médiateur auprès de ses collègues.
(A noter)
Selon le rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale et de l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche, paru en juillet 2012, « la mise en place des PASS répond à un réel besoin pour des familles qui ne pouvaient accéder à un enseignement de la LSF sans envisager un déplacement. Toutefois, dans la mesure où la scolarisation des sourds profonds et l’offre de langue des signes française qui l’accompagne est un phénomène très récent, la ressource humaine propre à l’assurer est encore à la fois quantitativement insuffisante et qualitativement hétérogène » (1).
En outre, les associations auditionnées dans le cadre du rapport Blanc regrettent que la circulaire PASS ait prévu la formation en langue parlée complétée (LPC) des médiateurs (n’intervenant pas en classe) et des enseignants volontaires (mais le codage direct par l’enseignant, même très compétent et très expérimenté, est inapplicable dans bon nombre de situations pédagogiques) (2). Dès lors, il leur apparaît plus judicieux d’en revenir à l’idée du plan handicap auditif 2010-2012. Lequel prévoyait l’expérimentation d’une mutualisation de codeurs en LPC dans trois académies, sous la responsabilité de l’Education nationale.
(1)
Rapport IGEN/Igaenr, « La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 dans l’Education nationale », n° 2012-100, juillet 2012, p. 147.
(2)
Blanc P., « La scolarisation des enfants handicapés », mai 2011, p. 39.