Si la mesure est prise en charge par un service autorisé à mettre en œuvre des mesures de protection juridique ordonnées par le juge, deux situations sont à distinguer selon que ce service a ou non la personnalité juridique.
A. LE SERVICE N’A PAS LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 471-7]
Lorsque le mandataire judiciaire appartient à un service géré par l’établissement ou le service médico-social d’accueil de la personne ou par le gestionnaire de cet établissement ou de ce service, les règles applicables sont identiques à celles qui sont prévues en cas de prise en charge par le préposé de l’établissement (cf. supra, § 2).
LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE MAJEURE PROTÉGÉE
Cette charte doit être remise en annexe à la notice d’information par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Elle doit également inclure, in fine, les dispositions de l’article 458 du code civil selon lequel, « sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ». Ces dispositions doivent également être affichées dans les locaux. La charte, qui comporte 13 articles, met en avant plusieurs droits de la personne protégée, à savoir :
- le respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux et civiques de la personne ;
- le principe de non-discrimination ;
- le respect de la dignité et de l’intégrité de la personne ;
- la liberté des relations personnelles ;
- le droit au respect des liens familiaux ;
- le droit à l’information ;
- le droit à l’autonomie ;
- le droit à la protection du logement et des objets personnels ;
- le consentement éclairé de la personne et sa participation à la conception et à la mise en œuvre du projet individuel de protection ;
- le droit à une intervention personnalisée ;
- le droit à l’accès aux soins ;
- la protection des biens dans l’intérêt exclusif de la personne et la confidentialité des informations.
[Code de l’action sociale et des familles, article D. 471-7 et annexe 4-3]
B. LE SERVICE A LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 471-8]
Lorsque la mesure de protection est exercée par un service dédié à l’exercice de mesures de protection doté de la personnalité morale, certaines spécificités s’imposent.
1. LA REMISE DE DOCUMENTS
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-8, alinéa 2 (1°), et D. 471-10]
Comme pour les préposés d’établissements, les services mandataires à la protection des majeurs doivent remettre personnellement la notice d’information à la personne protégée ainsi que le règlement de fonctionnement.
Si l’état de la personne ne lui permet pas d’en saisir la portée, ces documents sont confiés en priorité à un membre du conseil de famille s’il est constitué ou, sinon, à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont le mandataire connaît l’existence. Pour attester de la remise de ces documents, la personne adéquate, selon le cas, doit signer un récépissé. Celui-ci est élaboré suivant un modèle qui est fixé dans l’annexe 4-4 du code de l’action sociale et des familles.
2. LA POSSIBILITÉ DE FAIRE APPEL DIRECTEMENT À UNE PERSONNE QUALIFIÉE
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 471-8, alinéa 3 (2°)]
Comme pour les préposés, le service mandataire ne doit pas empêcher la personne protégée de saisir « directement » une personne qualifiée en vue de l’aider à faire valoir ses droits.
3. L’ÉLABORATION D’UN DOCUMENT INDIVIDUEL DE PROTECTION DES MAJEURS
Le service mandataire à la protection des majeurs est dans l’obligation d’élaborer un document individuel de protection des majeurs au titre de chaque personne protégée qu’il accueille.
a. Les modalités d’élaboration du document
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-8, alinéa 4 (3°) et D. 471-8, I, III, et VII]
Ce document individuel de protection des majeurs est établi, pour la durée du mandat judiciaire, en fonction d’une connaissance précise de la situation de la personne protégée et d’une évaluation de ses besoins. Lors de son élaboration, le service doit rechercher la participation et l’adhésion de la personne protégée, dans la mesure où son état lui permet d’en comprendre la portée.
A défaut, un membre du conseil de famille s’il a été constitué ou, sinon, un parent, un allié ou une personne de son entourage ayant des liens étroits et stables avec la personne protégée et dont le service connaît l’existence ou le subrogé curateur ou tuteur peut être associé à sa rédaction.
Par ailleurs, ce document est signé au nom du service par une personne habilitée à cette fin par son responsable qui conserve copie de ces documents et de leurs avenants.
LA PARTICIPATION DES MAJEURS PROTÉGÉS, VUE PAR L’ANESM
En juillet 2012, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) s’est penchée sur la question de la participation des personnes à leur mesure de protection juridique (1). Une tâche délicate dans la mesure où par définition ces personnes présentent une altération de leurs facultés.
ADAPTER L’INFORMATION
Le préalable nécessaire est donc d’adapter l’information, estime l’instance, d’autant qu’« au moment de l’ouverture de la mesure, les informations à délivrer sont nombreuses et complexes ». Pour ce faire, les mandataires doivent s’informer au maximum en consultant la décision de justice, le dossier au tribunal. Lorsqu’ils reçoivent les intéressés, ils doivent prendre en compte leurs capacités et diffuser l’information progressivement en hiérarchisant les éléments à transmettre. La première rencontre peut être notamment l’occasion de présenter le service, éventuellement de relire le jugement en le rendant accessible et compréhensible... Il est également important de proposer des supports écrits adaptés aux capacités. A cet égard, un service a, par exemple, choisi de traduire la charte des droits en langage plus courant.
Le principe de nondiscrimination est ainsi traduit par : « toutes les personnes protégées ont le droit d’être accueillies sans faire de différence. Chacun a le droit de penser comme il veut ».
Par la suite, il convient de progressivement nouer une relation de confiance tout en respectant la vie privée. C’est pourquoi le vouvoiement doit être la règle et qu’il importe de se conformer aux horaires et dates fixées avec les personnes protégées. Toujours dans cet esprit, en cas d’inventaire, certains services le réalisent progressivement « afin de respecter le fait que certaines personnes refusent l’intrusion du mandataire dans certaines pièces de leur logement ». Pour s’assurer que les personnes ont bien compris, il peut être également intéressant de leur faire reformuler, sans toutefois les mettre en difficulté avec leurs problèmes d’expression éventuels.
Au-delà de cette information « adaptée », la mise en place de la mesure suppose de prendre en compte les attentes de la personne protégée, notamment dans le cadre de l’élaboration du document individuel de protection des majeurs, ce qui n’est pas toujours évident, certaines personnes protégées n’exprimant aucune envie. A cette fin, le mandataire doit inciter les personnes et les impliquer dans la formalisation du projet individuel de protection, c’est-à-dire le rédiger avec elle, lorsque cela est possible, ou lui permettre de l’écrire lorsque c’est possible, plaide l’ANESM.
Lors des rencontres, la confidentialité des échanges doit être respectée tout en choisissant un lieu de rencontre adapté à la mobilité de la personne. Parfois, se retrouver en dehors du lieu de vie peut être judicieux. Pour preuve, ce témoignage présenté dans la recommandation : une personne était accueillie en famille d’accueil et n’osait pas s’exprimer ouvertement, la famille écoutant aux portes. « La déléguée l’a senti, elle m’a proposé de venir me chercher et que l’on se rencontre dans un autre endroit. C’est à ce moment-là que j’ai pu lui parler. »
Du côté de la gestion budgétaire et patrimoniale, qui peut être vécue comme une sécurité ou à l’inverse comme une contrainte pour la personne protégée, l’Agence recommande de codéfinir le budget avec cette dernière, en tenant compte de ses facultés de compréhension. Il est possible de leur fournir les relevés des comptes courants et de placement, sans distinction, lorsque les personnes concernées en font la demande, aucun motif ne pouvant justifier un refus.
LA PARTICIPATION AU FONCTIONNEMENT DU SERVICE
Un second pan de la volumineuse recommandation de l’ANESM porte sur la participation des personnes au fonctionnement du service, obligation d’ailleurs récente. De ce fait, les services mandataires doivent au préalable déterminer les objectifs de cette participation : identifier les points forts et les dysfonctionnements du service, améliorer la qualité du service, valoriser l’autonomie des personnes protégées en renforçant leur estime de soi... En tout état de cause, la participation est un droit, mais non une obligation, souligne l’institution.
Le service doit donc respecter la liberté des personnes et ne pas stigmatiser celles qui refuseraient de participer.
b. Sa remise
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-8, alinéa 4 (3°), D. 471-8, IV et V, et annexe 4-4]
Le document individuel de protection des majeurs doit en principe être remis directement à la personne protégée, au plus tard dans les trois mois qui suivent la date de la notification du jugement qui confie la mesure de protection juridique au service. Il lui est expliqué.
Toutefois, si son état ne le permet pas, une copie de ce document est alors remise en priorité à un membre du conseil de famille s’il est constitué ou, à défaut, à un parent, un allié ou une personne de son entourage ayant des liens étroits et stables avec elle et dont le service connaît l’existence ou au subrogé curateur ou tuteur, s’il en a été désigné un. Une copie en sera également adressée à la personne protégée et le service en conserve une copie, de son côté. Pour attester de la remise du document individuel de protection des majeurs, la personne adéquate, selon le cas, doit signer un récépissé. Celui-ci est élaboré suivant un modèle qui est fixé dans l’annexe 4-4 du code de l’action sociale et des familles.
c. Son contenu
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-8, alinéa 4 (3°) et D. 471-8, II et V]
Ce document définit les objectifs et la nature de la mesure de protection dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles ainsi que du projet de service. Il doit détailler la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée.
Plus précisément, il doit comporter :
- un rappel de la nature et des objectifs généraux de la mesure de protection ;
- une information personnalisée sur les objectifs personnels de la mesure de protection ;
- une description des modalités concrètes d’accueil de la personne protégée par le service et des conditions dans lesquelles ont lieu les échanges entre le service et la personne protégée ;
- une présentation des conditions de participation de la personne au financement de sa mesure de protection et une indication sur le montant prévisionnel des prélèvements opérés, à ce titre, sur ses ressources.
Mention est faite, le cas échéant, de la participation de la personne protégée à l’élaboration du document.
Par ailleurs, il doit prévoir les conditions et les modalités de sa résiliation ou de sa révision ou de la cessation de certaines des mesures qu’il contient.
d. Les révisions et modifications
[Code de l’action sociale et des familles, article D. 471-8, V et VI]
Un avenant au document détermine, s’il y a lieu, dans le délai maximal de un an suivant la date de la notification du jugement qui confie la mesure de protection au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, les objectifs précis de la mesure de protection et les actions à mener dans ce cadre. Par la suite, la définition des objectifs et des actions à mener dans le cadre du document individuel doit faire l’objet d’une réactualisation, chaque année, à la date anniversaire du jugement qui confie la mesure de protection au mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Cette opération se fait par un avenant au document.
Par ailleurs, en cas de modification portant sur le contenu du document initial ou de ses avenants, les intéressés doivent procéder comme pour l’élaboration du document initial.
4. L’ASSOCIATION DES PERSONNES PROTÉGÉES AU FONCTIONNEMENT DU SERVICE
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-8, alinéa 5 (4°) et D. 471-12]
Les personnes protégées doivent être associées au fonctionnement du service par leur participation directe au conseil de la vie sociale ou, lorsque leur état ne le permet pas, par d’autres formes de participation.
Cette participation peut ainsi prendre la forme :
- de groupes d’expression au sein du service ou d’une partie de ce service ;
- de consultations sur toutes questions concernant l’organisation ou le fonctionnement du service de l’ensemble des personnes protégées, des membres du conseil de famille s’il a été constitué ou, à défaut, des parents, des alliés, des personnes de l’entourage ayant des liens étroits et stables avec la personne protégée dont le mandataire judiciaire à la protection des majeurs connaît l’existence ou du subrogé curateur ou tuteur, s’il en a été désigné un ;
- d’enquêtes de satisfaction.
(1)
« Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridique », ANESM, Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, juillet 2012.