Comme auparavant, l’altération des facultés personnelles doit, en outre, être médicalement constatée.
A. LE PRINCIPE
1. POUR LES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION
[Code civil, articles 431 et 431-1 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C]
Depuis le 1er janvier 2009, la demande d’ouverture d’une mesure judiciaire de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) adressée au juge doit être accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Que se passe-t-il toutefois si la personne à protéger refuse de se soumettre à un examen médical ? Une décision de la Cour de cassation de 2011 indique que l’absence d’un certificat médical circonstancié s’oppose à la recevabilité de la requête, même lorsqu’elle est présentée par le procureur de la République, mettant fin à une certaine tolérance dans le cadre de la jurisprudence antérieure à la réforme des majeurs, jurisprudence qui doit donc être abandonnée(1). En l’espèce, la requête avait en effet été présentée par le procureur de la République qui avait uniquement joint un courrier du spécialiste indiquant le refus d’examen de cette personne à protégeR. « La Cour de cassation vient [...] préciser si besoin que l’exigence de production du certificat médical s’impose à tout requérant, y compris le ministère public »(2). Dès lors, « on perçoit, sans grande difficulté, les affres de cette nouvelle jurisprudence qui offre – à tout individu – souvent habilement influencé – un moyen efficace d’échapper à une mesure de protection ». Deux solutions s’offrent alors au législateur : « soit supprimer purement et simplement l’expression « à peine d’irrecevabilité » – peu probable [...] ; soit prévoir une exception lorsque le majeur refuse de se soumettre à l’examen médical, à l’instar de ce qui existe en matière d’audition »(3).
A la différence du dispositif antérieur, il n’est plus exigé que ce médecin soit un « spécialiste ». La loi a ainsi validé une jurisprudence de la Cour de cassation qui a jugé que l’inscription sur la liste établie par le procureur de la République, après avis du préfet, conférait la qualité de « spécialiste ». Selon une circulaire du ministère de la Justice du 9 février 2009, « le parquet pourra donc retenir la candidature de tout médecin, dès lors que celui-ci justifiera, tant par ses qualifications professionnelles que par des formations complémentaires ou par son expérience et sa pratique de terrain, d’une compétence et d’un intérêt particulier à l’égard de la protection des personnes vulnérables. Généralistes, gériatres, psychiatres, qu’ils soignent plus particulièrement les personnes âgées, celles atteintes de handicaps moteurs ou mentaux, ou celles souffrant de troubles psychiatriques, pourront figurer sur la liste ». En outre, « face aux difficultés que pose la démographie médicale dans certains départements », le parquet est invité à « encourager les candidatures de médecins, au besoin en prenant l’initiative de rencontres ou de réunions d’information avec le corps médical, les juges des tutelles et les associations tutélaires locales ».
Toujours dans le droit-fil de la jurisprudence, le certificat médical doit être circonstancié.
Le médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République peut solliciter l’avis du médecin traitant de la personne protégée pour établir le certificat circonstancié au moment de l’ouverture ou du renouvellement de la mesure (C. civ., art. 431 et 442) ou pour décider l’accueil de l’intéressé dans un établissement (C. civ., art. 426). Avant 2009, cet avis du médecin traitant était obligatoirement requis préalablement à l’ouverture d’une mesure de protection, ce qui pouvait le mettre dans une situation délicate à l’égard de la famille, voire du patient. La loi du 5 mars 2007 n’interdit toutefois ni l’établissement du certificat médical circonstancié par le médecin traitant, s’il figure sur la liste établie par le parquet, ni de solliciter son avis, si le juge l’estime utile.
2. POUR LE MANDAT DE PROTECTION FUTURE
[Code civil, article 481]
Le mandat de protection future prend effet une fois que le mandataire – la personne chargée de la protection du majeur – a fourni au greffe du tribunal d’instance le mandat accompagné d’un certificat médical émanant d’un médecin choisi sur la liste établie par le procureur de la République et établissant l’altération des facultés personnelles (cf. infra, section 3).
B. LE CONTENU DU CERTIFICAT MÉDICAL
[Code de procédure civile, article 1219 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C]
Le certificat médical circonstancié doit :
- décrire avec précision l’altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
- donner au juge tout élément d’information sur l’évolution prévisible de cette altération ; cette indication lui permettra alors de déterminer la durée de la mesure, en particulier dans le cadre de la curatelle et de la tutelle (cf. infra, section 4, § 3, A, 2) ;
- préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu’à caractère personnel, ainsi que sur l’exercice de son droit de vote.
Par ailleurs, le certificat doit indiquer si l’audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté (cf. infra, section 4, § 1, C, 1, a).
Le certificat est ensuite remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l’attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles.
L’objectif est ainsi, selon l’administration, d’« unifier le contenu des certificats médicaux, de recentrer la mission du médecin sur les éléments de diagnostic et de pronostic de l’altération strictement nécessaires et indispensables à la prise de décision judiciaire, et [...] de faciliter l’établissement de ces certificats lorsqu’ils sont demandés par les proches de la personne à protéger (donc sans décision judiciaire prescrivant le contenu de la mission) ».
Ces exigences s’imposent au médecin habilité :
- lors de l’ouverture d’une demande de protection (C. civ., art 431) ;
- lors d’un réexamen ou du renouvellement à échéance de la mesure de protection, si celle-ci est aggravée, par exemple lorsque, à la suite d’une curatelle, le juge prononce une tutelle (C. civ., art. 442, al. 4) ;
- lors d’un réexamen ou du renouvellement à échéance de la mesure, si le juge fixe une durée supérieure à cinq ans (C. civ., art. 442, al. 2).
LE RÔLE DU MÉDECIN HORS LE CADRE DU DÉCLENCHEMENT DE LA MESURE
Hormis la rédaction du certificat médical circonstancié nécessaire pour permettre l’ouverture d’une mesure de protection juridique, le médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République peut être amené à intervenir dans deux situations. Son avis est requis :
- lorsqu’il est envisagé de placer la personne protégée dans un établissement d’accueil, et ainsi de lui faire quitter son logement (C. civ., art. 426) ;
- avant que le juge décide de ne pas procéder à l’audition de la personne protégée dans le cadre de la procédure d’instruction d’une mesure de protection juridique (C. civ., art. 432) (cf. infra, section 4).
Dans ces deux hypothèses, le médecin auteur de ces avis reçoit à titre d’honoraires, lorsque cet avis ne figure pas dans le certificat circonstancié, la somme de 25 €.
A cette somme, et comme pour le certificat médical circonstancié, peut s’ajouter, sur justificatifs et dans les mêmes conditions, le remboursement des frais de déplacement, calculés dans les conditions fixées pour les déplacements des fonctionnaires du groupe II.
Ces avis, requis par le procureur de la République ou ordonnés par le juge des tutelles, sont pris en charge au titre des frais de justice.
[Code civil, articles 426 et 432 ; code de procédure pénale, articles R. 93 et R. 217-1 ; code de procédure civile, article 1256]
« Elles ne s’appliquent pas, en revanche, aux certificats rédigés par d’autres médecins sollicités à l’occasion d’un maintien, d’un allégement ou d’une mainlevée de la mesure de protection. Néanmoins, le contenu ainsi réglementé peut inspirer utilement le médecin saisi ; la décision judiciaire ne s’en trouvera que mieux fondée et adaptée à la situation du majeur », explique la circulaire du ministère de la Justice (cf. infra, section 4, § 3, A, 4).
C. LE COÛT DU CERTIFICAT MÉDICAL
[Code de procédure pénale, articles R. 93 et R. 217-1 ; code de procédure civile, article 1256 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C]
Le médecin auteur du certificat circonstancié, prévu à l’article 431 du code civil et établi à compter du 1er janvier 2009, reçoit, à titre d’honoraires, la somme de 160 €. Lorsque le médecin requis par le procureur de la République ou commis par le juge des tutelles justifie n’avoir pu établir ce certificat du fait de la carence de la personne à protéger ou protégée, il lui est alloué une indemnité forfaitaire de 30 €.
Lorsque le médecin, requis par le procureur de la République ou commis par le juge des tutelles pour établir ce certificat, justifie de la nécessité qu’il a eu à se déplacer à cette fin sur le lieu où réside la personne à protéger ou protégée, il reçoit, en sus de ses honoraires et sur justificatifs, le remboursement de ses frais de déplacement, calculés dans les conditions fixées pour les déplacements des fonctionnaires du groupe II. Le coût de ce certificat est normalement pris en charge directement par la personne à protéger ou protégée. Assumant par principe l’ensemble des frais afférents à la procédure et à la mesure de protection (C. proc. pén., art. R. 217, al. 1), la personne à protéger ou protégée règle directement le médecin lorsque celui-ci est sollicité par elle-même ou par ses proches aux fins de l’ouverture ou du renouvellement d’une mesure de protection. Par exception, lorsque le médecin est sollicité par le procureur de la République (généralement, lors de l’ouverture d’une mesure) ou par le juge des tutelles (lors du renouvellement de la mesure), le coût du certificat est avancé sur frais de justice (C. proc. civ., art. 1256, et C. proc. pén., art. R. 93).
Ces frais avancés sont soit pris en charge définitivement par l’Etat, soit recouvrés auprès de la personne protégée selon les procédures et sous les garanties prévues en matière d’amende pénale, en fonction de la décision prise par le juge des tutelles à l’issue de la procédure (C. proc. civ., art. 1256, et C. proc. pén., art. R. 217, al. 3), celui-ci pouvant, en considération de l’insolvabilité de la personne, mettre définitivement les frais de la procédure à la charge de l’Etat.
(1)
Cass. civ. 1re, 29 juin 2011, requête n° 10-21879, accessible sur legifrance.gouv.fr
(2)
Gatti L., « Etre vulnérable et ne pas être protégé, une application de l’adage idem est non esse et non probari », Petites Affiches, 30-31 août 2011, n° 172-173, p. 14.
(3)
Lemouland J.-J., Noguéro D. et Plazy J.-M., « Panorama de la jurisprudence, Majeurs protégés, juin 2010-juin 2011 », Recueil Dalloz, 20 octobre 2011, n° 36, p. 2503.